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[[Fichier:1d44jo0099.jpg|left|450px|thumb|Exposé en conseil municipal contre l'implantation de la gare au sud de la Vilaine. (Délibération du conseil municipal 17 février 1855 page 4. ''Archives de Rennes 1d44_09'')]] | |||
[[Fichier:La_gare_pr%C3%A8s_de_Renne.png|400px|right|thumb|La gare en bordure de la ville en 1857]] | |||
[[Fichier:Proclamation_gare_de_Rennes.png|400px|right|thumb|Proclamation de l'inauguration de la gare de chemin de fer]] | |||
[[Fichier:Site_envisag%C3%A9_gare_de_Rennes.png|400px|left|thumb|Un projet de site de la gare : en vert, le long du mail d'Onges ([[avenue Aristide Briand]]) ''de Wikimedia Commons'']] | |||
[[File:Plan de 1855 (Tour d'Auvergne - Avenue Janvier).jpg|thumb|300px|left|Plan de 1855 : Rennes se prépare à l'installation du chemin de fer au sud de la ville.]] | [[File:Plan de 1855 (Tour d'Auvergne - Avenue Janvier).jpg|thumb|300px|left|Plan de 1855 : Rennes se prépare à l'installation du chemin de fer au sud de la ville.]] | ||
[[Fichier: | [[Fichier:Gare_en_construction.png|left|300px|thumb|Le bâtiment de la gare voyageurs en construction en 1856]] | ||
Les Rennais ont failli avoir la gare ferroviaire du côté de la [[rue de Fougères]], ou en bordure de la [[Vilaine]] canalisée, ou sur les [[prairies Saint-Georges]], ou au [[mail d'Onges]]. Tels étaient les sites favoris des tenants d'une arrivée en ville haute | [[Fichier:Travaux_depuis_1855.jpg|300px|left|thumb|Travaux réalisés après 1855 pour l'arrivée du chemin de fer]] | ||
Les Rennais ont failli avoir la gare ferroviaire du côté de la [[rue de Fougères]], ou en bordure de la [[Vilaine]] canalisée, ou sur les [[prairies Saint-Georges]], ou au [[mail d'Onges]]. Tels étaient les sites favoris des tenants d'une arrivée en ville haute, ciblés sur un plan de la ville de 1854. Le mail d'Onges avait la préférence des édiles car, pour eux, la gare n'est pas un point de polarisation nouveau mais le renforcement d'un noyau existant, alors que l'enquête en 1849 propose aussi un emplacement entre le faubourg Saint-Hélier et le [[champ de Mars]], autant dire à l'extérieur de la ville, dans une zone bonne pour le champ de foire et les terrains de manœuvres militaires. Mais en 1854, il n'est plus question de station de fin de ligne : le gouvernement a décidé un prolongement jusqu'à Brest. Ce fut donc enfin - et heureusement - le site proposé par les Ponts-et-Chaussées qui fut retenu, très en dehors de la ville, au sud, sur un lieu-dit "[[Lorette]]" qui nécessita de lourds déblaiements, mais qui sera facteur d'extension urbaine pendant un siècle<ref>''Rennes au XIXe siècle, architectes, urbanisme et architecture'', par Jean-Yves Veillard. Éditions du Thabor-1979</ref>. Les Rennais aspiraient donc à voir enfin leur ville reliée au chemin de fer arrêté à Laval. Et le maire [[Ange Léon des Ormeaux]] y était allé d'une comparaison pour le moins osée pour l'époque, voire pour la nôtre où on la trouverait plutôt ridicule : | |||
"''La ville se tend vers le rail comme une vierge qui brise ses entraves, et se précipite au devant de son amant qui vient la féconder''". | [[Fichier:F%C3%AAte_chemin_de_fer.gif|300px|right|thumb|Fête de l'inauguration du chemin de fer à Rennes. ''Le Monde illustré'', n° 4 du 9 mai 1857 (''de Wikimedia Commons'')]] | ||
"''La ville se tend vers le rail comme une vierge qui brise ses entraves, et se précipite au devant de son amant qui vient la féconder''". Sont représentés trois emplacements, tous au nord : tout au nord, au cœur du faubourg de Fougères, à la limite d'octroi Rue 2 ; à l’est du centre, au lieu dit du « Mail-Donges », le long du canal Rue 3 ; et sur les prairies Saint-Georges entre la Vilaine et son canal Rue 4. C'est l'emplacement prévu par les Ponts-et-Chaussées, au le lieu-dit « de Lorette », à l'emplacement des poudrières au sud de la ville, qui est finalement choisi. | |||
=="Les trois joyeuses"== | =="Les trois joyeuses"== | ||
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C'est ainsi qu'on nomma, à Rennes, les trois journées de réjouissances qui marquèrent, en avril 1857, l'arrivée du chemin de fer à Rennes. | C'est ainsi qu'on nomma, à Rennes, les trois journées de réjouissances qui marquèrent, en avril 1857, l'arrivée du chemin de fer à Rennes. | ||
Le dimanche 26 avril à 16 h 05, le chemin de fer entre en gare, ayant mis Paris à dix heures de Rennes. Et le 9 mai, on lira dans ''L'Illustration'' que "''C'est de Laval qu'est parti le premier train à grande vitesse, dont le passage, dans cette contrée classique de la superstition et de la sainte ignorance, va introduire les usages et les habitudes qui vont faire entrer bientôt la Bretagne dans le concert de notre civilisation.''"<ref> ''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'' par Etienne Maignen - Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008</ref>. | Le dimanche 26 avril à 16 h 05, le chemin de fer entre en gare, ayant mis Paris à dix heures de Rennes (1 heure 25 minutes en juillet 2017). Et le 9 mai, on lira dans ''L'Illustration'' que "''C'est de Laval qu'est parti le premier train à grande vitesse, dont le passage, dans cette contrée classique de la superstition et de la sainte ignorance, va introduire les usages et les habitudes qui vont faire entrer bientôt la Bretagne dans le concert de notre civilisation.''"<ref>''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'' par Etienne Maignen - Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008</ref>. | ||
[[Fichier:Le_train_arrive.png|left|300px|thumb|Le chemin de fer atteint Rennes, alors terminus, après 10 heures de trajet ( Guide Joanne de 1861)]] | |||
Le temps est maussade mais le moment est d'importance. Devant toutes les autorités, [[Mgr Brossay - Saint-Marc]] bénit la voie et quatre locomotives. La foule est énorme, bigarrée de dames en crinoline. Les Parisiens d'accompagnement se lancent dans la recherche des hôtels. Un banquet de 420 couverts, préparé par un traiteur local, fait exceptionnel en pareille occasion, est donné dans la salle des Pas-Perdus du palais de justice. Il est présidé par le ministre de l'intérieur, le Breton Adolohe Billault. Après lui le préfet Daniel Pastoureau et le baron de l’Épée, président de la société du chemin de fer de l'ouest y vont de leur discours. Les illuminations en ville sont malheureusement contrecarrées par le vent et la pluie qui se sont mis de la partie pour éteindre les lampions. | |||
Le | Le 27, les réjouissances sont centrées autour d'une grande cavalcade sur le thème de l'entrée à Rennes du duc de Bretagne Jean V en 1401, avec ses hommes en armure de fer bien avant l'entrée du chemin de fer. Suit un défilé avec cavalcade militaire, les corporations ouvrières portant leurs chefs-d’œuvre, et sortent de la [[caserne du Colombier]], à 12 h 30, neuf chars illustrant les industries rennaises de l'époque : ardoises, imprimerie, tannerie, mécanique, four à chaux de [[Lormandière]] (en [[Bruz]]), pipiers, agriculture, horticulture puis... celui du char de la guerre ! Le cortège gagne la [[place de la Mairie]]. À la nuit, un grand feu d'artifice est donné au [[Thabor]]. | ||
[[Fichier:Place_de_la_gare_vers_1900.jpeg|300px|right|thumb|8h40, vers 1900, [[place de la Gare]] : un fiacre attelé attendant "Le" voyageur (carte "La Cigogne", Rennes)]] | |||
Le mardi 28, après le tirage de la grande loterie rennaise au Cirque, le [[Champ de Mars]] est le théâtre d'un tournoi et d'un carrousel. La journée s'achève par un grand bal à l'[[Hôtel de Ville]] illuminé ainsi que le théâtre<ref>''Inauguration du chemin de fer de Rennes à Paris'' par Louis de Kerjean, dans la Revue de Bretagne et Vendée, Mazeau et Forest aîné, libraires à Nantes - 1857</ref>. La clique des Parisiens a regagné la capitale par le chemin de fer comme le fera, l'année suivante, [[Napoléon III à Rennes]] à l'issue de son voyage en Bretagne. | |||
==L'opinion d'un Britannique en 1859 sur la gare de Rennes== | |||
"Arrivé à la gare, le contraste avec une gare anglaise m'a bien amusé. Vous n'êtes autorisé à prendre votre billet que quinze minutes avant le départ du train. Un commerçant anglais ferait peut-être mille livres en affaire pendant ces quinze minutes d'attente imposées à tout le monde. Puis, à un signal donné, on ouvre en grand les portes des halls et on répartit les passagers selon la classe de voiture pour leur voyage. On en ouvre enfin les portières et vous trouvez la voiture où vous devriez prendre place en face de la porte. Toutes ces grandes précautions prises à l'encontre du désordre vous donnent l'impression d'être en contact direct avec le gouvernement, la bureaucratie et la paperasse"<ref>''Narrative of a Walking Tour in Brittany''p. 269. John Mountenay Jephson - London -1859</ref>. | |||
==Références== | ==Références== | ||
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26 avril 1857, le chemin de fer arrive en gare de Rennes.
Le choix du site
Les Rennais ont failli avoir la gare ferroviaire du côté de la rue de Fougères, ou en bordure de la Vilaine canalisée, ou sur les prairies Saint-Georges, ou au mail d'Onges. Tels étaient les sites favoris des tenants d'une arrivée en ville haute, ciblés sur un plan de la ville de 1854. Le mail d'Onges avait la préférence des édiles car, pour eux, la gare n'est pas un point de polarisation nouveau mais le renforcement d'un noyau existant, alors que l'enquête en 1849 propose aussi un emplacement entre le faubourg Saint-Hélier et le champ de Mars, autant dire à l'extérieur de la ville, dans une zone bonne pour le champ de foire et les terrains de manœuvres militaires. Mais en 1854, il n'est plus question de station de fin de ligne : le gouvernement a décidé un prolongement jusqu'à Brest. Ce fut donc enfin - et heureusement - le site proposé par les Ponts-et-Chaussées qui fut retenu, très en dehors de la ville, au sud, sur un lieu-dit "Lorette" qui nécessita de lourds déblaiements, mais qui sera facteur d'extension urbaine pendant un siècle[1]. Les Rennais aspiraient donc à voir enfin leur ville reliée au chemin de fer arrêté à Laval. Et le maire Ange Léon des Ormeaux y était allé d'une comparaison pour le moins osée pour l'époque, voire pour la nôtre où on la trouverait plutôt ridicule :
"La ville se tend vers le rail comme une vierge qui brise ses entraves, et se précipite au devant de son amant qui vient la féconder". Sont représentés trois emplacements, tous au nord : tout au nord, au cœur du faubourg de Fougères, à la limite d'octroi Rue 2 ; à l’est du centre, au lieu dit du « Mail-Donges », le long du canal Rue 3 ; et sur les prairies Saint-Georges entre la Vilaine et son canal Rue 4. C'est l'emplacement prévu par les Ponts-et-Chaussées, au le lieu-dit « de Lorette », à l'emplacement des poudrières au sud de la ville, qui est finalement choisi.
"Les trois joyeuses"
C'est ainsi qu'on nomma, à Rennes, les trois journées de réjouissances qui marquèrent, en avril 1857, l'arrivée du chemin de fer à Rennes.
Le dimanche 26 avril à 16 h 05, le chemin de fer entre en gare, ayant mis Paris à dix heures de Rennes (1 heure 25 minutes en juillet 2017). Et le 9 mai, on lira dans L'Illustration que "C'est de Laval qu'est parti le premier train à grande vitesse, dont le passage, dans cette contrée classique de la superstition et de la sainte ignorance, va introduire les usages et les habitudes qui vont faire entrer bientôt la Bretagne dans le concert de notre civilisation."[2].
Le temps est maussade mais le moment est d'importance. Devant toutes les autorités, Mgr Brossay - Saint-Marc bénit la voie et quatre locomotives. La foule est énorme, bigarrée de dames en crinoline. Les Parisiens d'accompagnement se lancent dans la recherche des hôtels. Un banquet de 420 couverts, préparé par un traiteur local, fait exceptionnel en pareille occasion, est donné dans la salle des Pas-Perdus du palais de justice. Il est présidé par le ministre de l'intérieur, le Breton Adolohe Billault. Après lui le préfet Daniel Pastoureau et le baron de l’Épée, président de la société du chemin de fer de l'ouest y vont de leur discours. Les illuminations en ville sont malheureusement contrecarrées par le vent et la pluie qui se sont mis de la partie pour éteindre les lampions.
Le 27, les réjouissances sont centrées autour d'une grande cavalcade sur le thème de l'entrée à Rennes du duc de Bretagne Jean V en 1401, avec ses hommes en armure de fer bien avant l'entrée du chemin de fer. Suit un défilé avec cavalcade militaire, les corporations ouvrières portant leurs chefs-d’œuvre, et sortent de la caserne du Colombier, à 12 h 30, neuf chars illustrant les industries rennaises de l'époque : ardoises, imprimerie, tannerie, mécanique, four à chaux de Lormandière (en Bruz), pipiers, agriculture, horticulture puis... celui du char de la guerre ! Le cortège gagne la place de la Mairie. À la nuit, un grand feu d'artifice est donné au Thabor.
Le mardi 28, après le tirage de la grande loterie rennaise au Cirque, le Champ de Mars est le théâtre d'un tournoi et d'un carrousel. La journée s'achève par un grand bal à l'Hôtel de Ville illuminé ainsi que le théâtre[3]. La clique des Parisiens a regagné la capitale par le chemin de fer comme le fera, l'année suivante, Napoléon III à Rennes à l'issue de son voyage en Bretagne.
L'opinion d'un Britannique en 1859 sur la gare de Rennes
"Arrivé à la gare, le contraste avec une gare anglaise m'a bien amusé. Vous n'êtes autorisé à prendre votre billet que quinze minutes avant le départ du train. Un commerçant anglais ferait peut-être mille livres en affaire pendant ces quinze minutes d'attente imposées à tout le monde. Puis, à un signal donné, on ouvre en grand les portes des halls et on répartit les passagers selon la classe de voiture pour leur voyage. On en ouvre enfin les portières et vous trouvez la voiture où vous devriez prendre place en face de la porte. Toutes ces grandes précautions prises à l'encontre du désordre vous donnent l'impression d'être en contact direct avec le gouvernement, la bureaucratie et la paperasse"[4].
Références
- ↑ Rennes au XIXe siècle, architectes, urbanisme et architecture, par Jean-Yves Veillard. Éditions du Thabor-1979
- ↑ Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle par Etienne Maignen - Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008
- ↑ Inauguration du chemin de fer de Rennes à Paris par Louis de Kerjean, dans la Revue de Bretagne et Vendée, Mazeau et Forest aîné, libraires à Nantes - 1857
- ↑ Narrative of a Walking Tour in Brittanyp. 269. John Mountenay Jephson - London -1859
Lien interne
- Rennes d'histoire et de souvenirs quatrains 34 et 35