Pierre Morel
Pierre Morel
Résistant (13 avril 1923, Saint-Aubin-du-Cormier - 28 décembre 2020, Paris)
Étudiant gaulliste
En 1939, Pierre Merci, de Saint-Aubin-du-Cormier, a 16 ans et est interne au lycée de Rennes mais la situation de son père, nommé chef d’atelier des réparations de l’armée de l’air à Clermont-Ferrand conduit la famille à cette ville où il entre au lycée Blaise Pascal. Après l’armistice, lui et quelques camarades tracent des croix de Lorraine puis font des tracts qu’ils distribuent dans les boîtes aux lettres. Au lycée, ils n’apprécient pas que le salut aux couleurs soit suivi de « Maréchal nous voilà ». Avec l’accord de son père et l’appui du proviseur du lycée qui avait été en poste à Rennes, il part pour Rennes où il avait un oncle et une tante tenant un café. Son ami rennais Louis Moine quitte aussi Clermont-Ferrand. Pierre est au lycée de Rennes jusqu’en juin 1942, puis prépare le certificat de physique chimie et biologie (PCB) à la Faculté des Sciences de Rennes, ce qui lui sert de couverture mais il abandonna en mai 1943 pour se consacrer à la résistance. Il était entré en contact avec d’anciens camarades qui ont formé un groupe de résistants par un camarade de lycée devenu étudiant en droit, Bernard Dubois, et il intègre ainsi un groupe dirigé par Robert Tiercery « Fred », dont la tâche consiste d'abord dans la récupération d'armes abandonnées lors de la débâcle, puis dans la collecte des renseignements militaires à transmettre à Paul Moysan de Brest, à former des groupes et rechercher des terrains de parachutage. Ce groupe de résistants est aidé par Herminie Prod’homme , 1, boulevard Magenta[1] qui, en 1941, est entrée en contact avec un officier français du BCRA (Bureau Central de Renseignement et d’Actions, le service créé par la France libre, par le général de Gaulle) : Joël Le Tac , chef du réseau « Overcloud », réseau d’action, aussi chargé de diffuser un journal clandestin. En janvier 1942, Joël et un certain nombre d’agents, dont André Peulevay [2], André Ménard[3], sont arrêtés par la Gestapo. Le réseau s’était répandu en Ille-et-Vilaine en 1942, dans le Morbihan, la Loire-Inférieure et les Côtes–du-Nord, renseignant sur l’état des troupes allemandes à l’intérieur de la Bretagne et surtout sur les ports de Lorient, Saint-Nazaire, Brest et sur les aéroports. Au début de 1943 : un contact est rétabli avec Londres le réseau « Marathon-Chinchilla » du BCRA, dirigé par Yves Mindren, ingénieur principal de la Marine, arrêté en juin par la Gestapo mais ils entrent en contact avec François Vallée, alias « Oscar » [4] tout juste parachuté de Londres, envoyé par le SOE pour former le réseau action Parson, qui leur dit que sa mission était de créer en Ille-et-Vilaine un réseau d’action pour trouver des terrains de parachutage et pour former des groupes d’action[5].
Résistant très actif
De fait, entre juin et octobre 1943, 25 parachutages furent programmés sur l’ensemble du réseau, dont une vingtaine fut réussie. En octobre la Gestapo est sur leur trace et le 27 novembre, Mme Prod’homme avertit en tapant au plafond François Vallée et son secrétaire qui habitaient au-dessus et ils réussirent à se sauver par les toits. Morel, qui peu de temps après, a frôlé l'arrestation au même endroit, avertit ses agents de Loire–Inférieure. Il monte ensuite sur Saint-Aubin-du–Cormier où il apprend que ses parents et son frère ont été arrêtés. Morel se réfugie au Roc-Saint-André et on a un contact avec le réseau d’évasion par mer VAR qui se charge de le faire remonter en Ille-et-Vilaine à Bédée, chez un minotier boulanger où ils sont 5 ou 6 planqués en attendant de rejoindre l’Angleterre mais, par deux fois, le départ vers l’Angleterre par la filière du réseau Var échoue et le minotier a été arrêté à Rennes[6]. Ses qualités de meneur d’hommes l’amènent à prendre en charge la formation de groupes d’actions locaux. Alias « Pierre Morvan », il recrute notamment des camarades de la faculté de Rennes. Le 1er novembre 1943, il est nommé responsable des départements des Côtes-du-Nord et d’Ille-et-Vilaine. Il organise aussi les secteurs de Saint-Malo (Pansard), Dinard (Claude Morel et Paul Gommeriel) Dinan (Jean Morin), Plénée-Jugon (Du Frétay), Montauban-de-Bretagne, Collinée, Lamballe, Saint-Brieuc. Le 27 novembre 1943, ses parents sont arrêtés à leur domicile, Grande Rue à Hédé, par Vissault[7], Le Ruyet et Geslin[8]. Morel, suite à l’arrestation de Jouan, détruit ses papiers au nom de Morvan, est doté de papiers au nom de Marot et gagne Paris, avec Paul Gommeriel, et demeura dans un appartement qu’ils utilisaient 66 rue Truffaut, près de la Place Clichy. Par le réseau Pernod, après une tentative malheureuse de passage en Espagne par les Pyrénées, en mars 1944, il remonte à Morlaix puis va à Paris pour alerter sur l’arrêt de la filière Pernod. Maintes fois Morel doit "jouer" à cache-cache avec le Sipo-SD et la Gestapo. Il passe enfin les Pyrénées, pieds nus, le 23 mai, et est emprisonné et ce n’est que le 11 juillet 1944 qu’il atteint Bristol par avion et fait un stage de parachutiste près de Manchester. En novembre 1944 Pierre Morel fait la campagne d’Alsace puis est démobilisé devant la poche de Saint-Nazaire. Il reprend reprend ses études d'odontologie et obtient le diplôme de chirurgien-dentiste en 1948. Il se marie et eut trois enfants. Parmi ses décorations la Médaille de la Résistance française, la King’s Medal for Courage in the Cause of Freedom (Royaume-Uni) et la Medal of Freedom (États-Unis), et il est fait Grand Officier de la Légion d'honneur par décret du 12 juillet 2017[9].
Témoignage : s'esquiver dans Rennes
"Le 27 novembre 1943, je descends à Rennes avec mon adjoint Paul Gommeriel, j’avais rendez-vous à la centrale du réseau 1, boulevard Magenta pour rencontrer François Vallée et lui remettre un certain nombre d’informations concernant des terrains de parachutage que j’avais repérés dans les Côtes-du-Nord. J’arrive, je monte au 2e étage et je vois sur la porte de l’appartement d’Herminie les scellés allemands : inutile de vous dire que j’ai tout de suite compris, j’ai fait demi-tour immédiatement et je suis redescendu : j’ai entendu un type qui montait l’escalier dans le sens contraire et qui était un officier de la Bahnhof (le chemin de fer allemand). On s’est croisés, j’avais négligemment déplié un couteau dans ma poche, j’avais une trouille intense mais on s’est croisés sans même se regarder. Je suis descendu tranquillement, je suis passé sur le boulevard Magenta et je suis allé dans le petit square qui était au pied du lycée de Rennes,(Ndlr : square au sud de l'ancienne chapelle du lycée) dans ce qu’on appelait des vespasiennes, qui permettaient par des petits trous de voir ce qu’il se passait derrière. J’ai vu que je n’étais pas suivi, alors je suis ressorti tranquillement, je suis repassé devant mon lycée, j’ai repassé la Vilaine et je suis remonté rue Hoche où j’avais rendez-vous avec mon adjoint qui était descendu avec moi depuis Saint-Jouan-des-Guérets le matin." [10]
Références
- ↑ Rue Herminie Prod'homme
- ↑ André Peulevey , Allemand juif, cheminot rennais, interprète pour les Allemands, espion pour les Britanniques
- ↑ allée André Ménard
- ↑ Rue François Vallée
- ↑ Oscar Buckmaster, un réseau de Résistance en Haute-Bretagne. Daniel Joly. Imp. Reuzé - Nov. 2022
- ↑ Aline et Marie-José Jestin
- ↑ Un Rennais, agent actif de la Gestapo, Guy Vissault
- ↑ Claude Geslin, l'exemple du dévoiement à l'ennemi
- ↑ Décès du résistant bretillien Pierre Morel. Pascal Simon. Ouest-France 17 déc. 2020
- ↑ Entretien réalisé par Marion Munch au domicile de Pierre Morel à Paris, le 12 juin 2018.