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Le soir venu jusque fort tard
Le soir venu jusque fort tard


Brûlaient leurs lueurs aguicheuses
Brûlaient, lueurs aguicheuses,


Cent enseignes lumineuses.
Cent enseignes lumineuses.

Version du 12 juillet 2011 à 16:30


RENNES D'HISTOIRE ET DE SOUVENIRS


Du plus loin que je me souvienne

Mes souvenirs sont de Rennes

Où je suis né par bonne aubaine

Il y a des années par dizaines.


Du plus loin que je me souvienne,

En cette ville toujours mienne,

Entre Vilaine et Ille et Rance

Sont ici mes souvenirs d’enfance. [1]


Toi qui t'étalais à loisir

Sur tes coteaux avec plaisir,

Tu te replias avec peine

Devant des barbares peu amènes.


Que tu sois née gauloise ou celte,

Tu fus romaine, monnaies l’attestent. [2]

De briques et schistes tu construisis

De rouges remparts de survie. [3]


Il avait battu les Normands

Qui voulurent encore te prendre.

Gurvan, plutôt que se rendre,

Mourant, les bouta fermement. [4]


Ville de rien, ville de catins

Ville de rapines, de malins,

Le jeune Marbode en langue latine

Te cassa des mots sur l’échine. [5]


Le géographe al Idrissi

Dit que l'on vivait bien ici,

A cette époque même où Marbode

Commettait sa vilaine ode.


Une fois l’Anglais de t’investir

Mais ne put jamais s’introduire

Car Notre Dame fit un signe

De son doigt désignant la mine. [6]


En suspendant une truie

A leurs Portes Mordelaises,

Les Rennais, de l'armée anglaise,

tirèrent cochons de grand profit. [7]


Passant la Porte Mordelaise

Pour de Bretagne être duchesse,

La jeune Anne fut bien aise

De voir ses Rennais en liesse. [8]


S'étant enfin rendu Mercoeur,

Tu offres tes clés et tes coeurs

Au roi Henri le quatrième

Qui désire tant que tu l'aimes. [9]


Contre le papier timbré

Levés, des Rennais furent livrés

Nombreux à mille et un tourments

Et mis à Vannes ton parlement.[10]


L’an mil sept cent vingt, c'est écrit, [11]

Le feu te prit huit cents logis.

Deux cent soixante quatorze après

L’incendie prenait ton palais. [12]


Maisons à pans et de torchis

Avaient fait place nette au granit.

Deux places tu t’offris royales

Pour ton hôtel, ton présidial.


Enumérant tes incendies,

Certains répètent ce que l'on dit :

A Rennes, rien ne prend, sauf le feu[13]

Et pourtant ils y vivent heureux.


Egalité, fraternité

Et aux idées de liberté

Des villes tu fus la première,

Cité révolutionnaire.[14]


En traitant à la Mabilais,

Tenants des Bleus et des Chouans

Tentèrent de faire la paix[15]

Qui ne dura qu’un bref instant.


Sur ta place de l'Egalité,[16]

Sous le rasoir égalitaire,

Plus de trois cents têtes tombèrent

Pour défaut de citoyenneté.


Tailleur brave,Jean Leperdit [17]

Justement célèbre se rendit

Pour avoir du cruel Carrier[18]

froissé la liste de papier.


Ton opéra, plein d’embonpoint,

Son ventre rond propose en vain

Aux courbes graciles, au campanile

De ton gracieux hôtel de ville.[19]


Duguay-Trouin et Lamennais,

Tu t’es fendue d’une ligne de quais

Au long desquels tu fais la fière

Comme si tu étais port de mer.[20]


En dix huit cent cinquante sept

Arrive le chemin de fer

Et les Rennais tous en fête

Un temps laissent leurs affaires.[21]


En dix huit cent quatre-vingt un,

la Vilaine fit un tour vilain,

Inondant plus de quatre cents

Tristes logis de pauvres gens.[22]


D'Henri Quatre à Poincaré,[23] [24]

Tu reçus François Premier,[25]

Félix Faure, de Mac-Mahon,[26] [27]

Le troisième Napoléon.[28]


Et de tes garçons le lycée

Fut choisi siège du procès [29]

D’honneur terni du capitaine

Sali par le complot de haine.


Des serres de verre à la roseraie

Au Thabor les enfants se jouaient [30]

Du garde manchot claudiquant [31]

Portant sifflet entre ses dents.


Bleus et jaunes les tramways [32]

Ferraillaient, brinquebalaient

Sur les rails luisants et froids

De la mairie jusqu’aux octrois.


Un dix-sept juin, à dix heures,

Passèrent trois oiseaux de malheur,

Lâchant sut tes voies de triage

Les fientes d'un grand carnage.[33]


Nos trois couleurs plus de mise,

Hommes résédas et souris grises

Le lendemain furent dans tes rues.

La Marseillaise s’était tue.[34]


Pour un câble bien scié

Sur leurs communications,

Fusillèrent Marcel Brossier

Les troupes d'occupation.[35]


Tombèrent au commandement :feu !

En mille neuf cent quarante deux,

A la butte de la Maltière,

Les vingt-cinq résistants fiers.[36]


En mars et mai quarante trois [37][38]

Aux bombes mortelles tu eus droit,

Et encore l'année suivante [39]

Où cessa cette tourmente.


Avenue Janvier, rue Saint-Hélier,[40]

Les bombardiers avaient laissé

Des tas de ruines, des trous béants[41] [42]

Pour tout logis aux habitants.


Dans un train, ôtés de prison

Vers de germaniques horizons,

Les vrais résistants qu'ils étaient

Manquèrent de peu la liberté.[43]


Et au beau matin du quatre août,

Les Allemands mis en déroute,

Tu fêtas les Américains,[44]

Prête à de joyeux lendemains.


Peu à peu tu as rebâti

Puis en périphérie construit

Aux arrivants de grands ensembles

Qui leur plaisaient fort, ce me semble.


Au fil des rues tu alignes

Immeubles de toutes origines.

Cà et là crèvent ton plafond

Un Eperon, des Horizons.[45]


Ton collège aux tuiles toscanes

Garda l’enfant, l’adolescent,

Pour lui faire avoir en huit ans

Baccalauréat et peau d’âne.


À l’ombre de Melaine culminant [46]

Entraient en fac les étudiants,

Avocats, juges de demain

Dans cette ville pleine de robins.


Rue d’Estrée et rue Le Bastard,[47]

Le soir venu jusque fort tard

Brûlaient, lueurs aguicheuses,

Cent enseignes lumineuses.


Au Royal ou bien au Français,

À huit cents ou mille assemblés

Les Rennais en leurs salles obscures [48]

Savouraient Blanche-Neige ou Ben Hur.


Tes cafés-cidre sont partis

Laissant la place aux pizzerias.

Galette saucisse et crêperies [49]

Heureusement sont toujours là.


Le samedi matin tes Lices [50]

Sont parcourus de haut en bas

Par des Rennais qui emplissent

De mille saveurs leurs cabas.[51]


Toujours affluent tes habitants

Au beau stade, route de Lorient

Pour soutenir onze rouge et noir [52]

En espérant bien la victoire.


Sitôt venu le mois de mai

Au Champ de Mars tu rassemblais

Outre Rennais, ruraux en noir

Venus visiter ta foire.


Où dans des champs bordés de haies

Poussaient tranquilles des pommiers

De tes lignes de productions

Sortent les voitures aux chevrons. [53]


Tes ardoises s’offrent à nos yeux

Tantôt grises, tantôt bleues

Du ciel changeant de nos saisons,

Tantôt crachin, tantôt rayons.[54]


L'an soixante-six, gorgée de pluies,

Saoule, la Vilaine sortit du lit, [55]

Et dégorgea au fil des rues

Tout le trop plein qu'elle avait bu.


Au lieu des bombardiers,

Ce sont les vols réguliers [56]

et des vols à la demande

Sur Saint-Jacques-de-la-Lande.


En mille neuf cent quatre-vingt-neuf,

Ce fut enfin le train tout neuf,

A grande vitesse te mettant

plus près de Paris par le temps.[57]


On te disait cité austère

Avec tes arcades de pierres

Ville sévère, de grise mine,

Aux gros pavés, à l’ardoise fine.[58]


Or aux sons des musiques tu vis.

Quand tombe la nuit tu te réjouis.

Avec tes étudiants tu danses

Et chaque année tu entres en transes.[59]


Mais des étudiants pas sages

Rue de la soif font grand tapage,[60]

T'accolant une renommée

Que Marbode eut bien aimée.[61]


Chaque année, début juillet,

De tes Rennais on voit briller,

Les yeux que le sommeil fuit

Lors des tombées de la nuit. [62]


Telle Atalante, déesse mythique,

Tu courres, mais laisses les pommes d’or.

Des télécoms aux fibres optiques

Trois mille chercheurs ont fait ton fort. [63]


Aux Champs Libres tu proposes

Les livres dont tu disposes,

Du passé l'exposition,

Sciences en compréhension.[64]


Tu achevas en l’an deux mille

Pour ton transit automobile

De boucler enfin ta ceinture

Où tu laisses filer les voitures.


Les ducs te firent cité ducale

Et de Bretagne la capitale.

Puis métropole un beau matin,

Tu t’offres un métropolitain.[65]


Sur deux lignes et à trois lettres,

Prenant l’air ou souterrain

Le VAL filera en navettes

Pour les citoyens de demain.


Étienne MAIGNEN

  1. Vilaine
  2. Rue Postuminus
  3. remparts
  4. rue Gurvand
  5. allée Marbode
  6. basilique Saint-Sauveur
  7. Portes Mordelaises
  8. Boulevard de la Duchesse Anne
  9. Henri IV à Rennes
  10. révolte du papier timbré
  11. incendie de 1720
  12. Evénements des 4 et 5 février 1994
  13. À Rennes, rien ne prend, sauf le feu
  14. Journée des Bricoles
  15. Le traité de la Mabilais, une éphémère pacification
  16. Place du Parlement de Bretagne
  17. Jean Leperdit
  18. Carrier à Rennes
  19. Place de la Mairie
  20. Quais et marins dans Rennes
  21. Arrivée du chemin de fer à Rennes
  22. la grande crue de janvier 1881
  23. Henri IV à Rennes
  24. le président Poincaré à Rennes
  25. le dernier couronnement d'un duc à Rennes
  26. le président Félix Faure à Rennes
  27. le maréchal-président de Mac-Mahon à Rennes
  28. Napoléon III à Rennes
  29. Affaire Dreyfus
  30. Parc du Thabor
  31. Souvenirs du parc du Thabor
  32. Tramway
  33. Bombardement du 17 juin 1940
  34. 18 juin 1940 : les troupes allemandes à Rennes, ville traumatisée
  35. Marcel Brossier
  36. Butte des Fusillés de la Maltière
  37. bombardement du 8 mars 1943
  38. bombardement du 29 mai 1943
  39. bombardements des 9 et 12 juin 1944
  40. avenue Janvier
  41. bombardement du 8 mars 1943
  42. bombardements des 9 et 12 juin 1944
  43. le dernier train de résistants déportés quitte Rennes juste avant la libération
  44. Libération de Rennes
  45. Les Horizons
  46. Église Saint Melaine
  47. rue Le Bastard
  48. Anciennes salles de cinéma
  49. Galette saucisse
  50. Place des Lices
  51. Marché des Lices
  52. Résultats des matches de football, rue du Pré- Botté, un dimanche après-midi des années 50
  53. Usine PSA - La Janais
  54. Climat
  55. Inondation de Rennes en octobre 1966
  56. avril 1966 : 1er vol commercial Paris-Rennes
  57. 1989
  58. Rennes présentée au voyageur du 19e siècle
  59. Trans Musicales
  60. rue Saint-Michel
  61. allée Marbode
  62. les Tombées de la nuit
  63. Rennes Atalante
  64. Champs Libres
  65. Métro de Rennes