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Maurice Schumann à Rennes sous le bombardement du 17 juin 1940
Maurice Schumann a raconté s'être trouvé à Rennes, le 17 juin 1940, alors que quelques bombardiers y lâchaient des bombes sur la gare.
Des relations
Jean Marin narre que "Maurice Schumann [...] avait dû faire le grand tour par la côte basque pour passer de l'ouest de la France en Grande-Bretagne à bord d'un transport de troupes polonais. En cours de route, il avait été pris sous le bombardement meurtrier de la gare de Rennes par l'aviation italienne; près de lui, m’avait-il dit, un éclat avait décapité une femme dont la tête était retombée dans ses bras." [1]. Maurice Schumann commet l’erreur de beaucoup en croyant avoir vu des avions italiens pour lesquels la région ouest était hors d’atteinte et livrée à l’aviation allemande, ici en l’occurrence, des Dornier Do 17 Z du Kampfgeschwader 76 de la Luftwaffe[2]. Le 80e anniversaire du bombardement allemand de la gare de Rennes a donné l'occasion de revenir sur cette épisode de Maurice Schumann à Rennes[3].
Une autre source est le discours du duc René de Castries en réponse au discours de réception à l’Académie française, le 30 janvier 1975, du grand porte-parole de la France libre à Londres : « Le 17 juin, à Rennes, tandis que le bombardement écrase la gare et sème la mort, vous entendez le message du maréchal Pétain annonçant la demande d’armistice. Il vous afflige. »
Jacques Cressard, député gaulliste, exposa que Schumann, qui avait fait la campagne de printemps aux côtés de l’armée britannique, lui avait narré qu’il était, ce 17 juin, dans un train stationnant en gare de Rennes, transportant le régiment britannique auquel il était attaché en qualité d’officier interprète. Le colonel du régiment souhaitant se désaltérer lui demanda de lui chercher une boisson.
« Le buffet de la gare étant fermé, Maurice Schumann se dirige vers l’avenue Janvier en quête d’un bistrot. Alors qu’il marche le long de l’avenue, il entend soudain derrière lui une énorme explosion. La gare de Rennes venait d’être bombardée par les Allemands. Maurice Schumann ne retrouva ni son train pulvérisé, ni son régiment qui avait péri. La soif du colonel lui avait sauvé la vie. »
Le lendemain Schumann est à Niort où il entend l'allocution du général de Gaulle et le 21 il embarque à Saint-Jean-de-Luz pour Londres.
Des anomalies
Les relations faites par Jean Marin[4] et les propos de Schumann cités par Jacques Cressard sont étranges. Si la soif du colonel ne l’est pas - car il faisait très chaud en cette matinée du 17 juin, et surtout à bord des wagons bondés – étrange est la mention de l’explosion d’une bombe derrière Schumann qu'il situe avenue Janvier, touchant la "gare de Rennes", expression qui concerne aussi bien des voies des triages que le bâtiment de la gare des voyageurs, et pulvérisant » le train britannique, et une tête lui arrivant dans les bras. Elle n’est pas crédible s'il est alors sur l'avenue.
En fait, le bâtiment de la gare de voyageurs n’a pas été touché par les bombes allemandes lâchées, les plus proches, un kilomètre plus à l'est, sur le triage de Saint-Hélier où stationnaient les trains de soldats français ainsi que sur la plaine de Baud. La gare de voyageurs n'a subi qu'un mitraillage des avions volant à basse altitude, constaté par des voyageurs se trouvant sur les quais de la gare[5]. Incontestable est le témoignage du Dr René Patay, alors très impliqué à Rennes dans l'aide aux réfugiés, qui arrive du sud de Rennes, de La Massaye, par le boulevard Magenta, accouru pour soigner des blessés amenés par des ambulances ensanglantées ou touchés par des éclats de verre des vitres soufflées. Il constate que la gare de voyageurs est intacte[6]. Les rapports de la SNCF sur les dégâts causés par le bombardement allemand n’en font pas état pour le bâtiment de la gare de Rennes. Quant à l’avenue Janvier, si impactée en 1944, elle ne l’a pas été du tout en 1940, hormis des bris de vitres comme ce fut le cas sur toute la ville de Rennes.
Les trains touchés les moins éloignés, se trouvant à plus d'un kilomètre à l'est de l'avenue Janvier, sur le triage de Saint-Hélier, il faut imaginer que Schumann aurait fait ce trajet à pied jusqu'à l'avenue Janvier pour trouver un café ouvert, ce qui en aller-retour aurait constitué un parcours de plus de 2 km. Encore faut-il observer que 156 Anglais du Royal Engineer et d'un régiment de Manchester et 3 aviateurs britanniques qui furent tués se trouvaient dans un train encore plus éloigné, sur la plaine de Baud, qui aurait dû partir vers Brest à 9h00. En supposant le parcours aller effectué par Schumann jusqu'à l'avenue Janvier, et même étant avéré que des débris parfois importants ont été soufflés à plusieurs centaines de mètres, il est peu plausible qu'un éclat soit tombé avenue Janvier, décapitant une femme, étant exclu qu'une tête ait pu être projetée sur plus d'un kilomètre pour tomber avenue Janvier par-dessus des immeubles de plusieurs étages en rive est de l'avenue. Dès lors, la relation de Maurice Schumann se trouvant lors du bombardement avenue Janvier, à grande distance des trains bombardés, est inexplicable. Pour ne pas la mettre entièrement en doute, il faut le situer à proximité d’un triage, le plus proche étant celui de Saint-Hélier, la recherche d’un « bistrot » pour satisfaire la soif du colonel, pouvant se faire dans des rues voisines des voies ferrées, à l'est du pont Saint-Hélier, à environ 600 mètres d'un train stationné mais à plus de 500 mètres de la gare des voyageurs plus à l'ouest. Les voies de triage, a fortiori celles de la plaine de Baud, ne peuvent être confondues avec la gare de voyageurs et l'avenue Janvier.
Trente ans après des faits, on peut constater que la mémoire restitue des souvenirs sujets à caution. Etienne Maignen, condisciple de Jacques Cressard au collège Saint-Vincent de Rennes, eut l'occasion de lui faire connaître ces observations sur le témoignage de Maurice Schumann, bien après la relation que le député en avait fait dans le journal Ouest-France. Une hypothèse à l'appui de cette confusion est basée sur une photo prise le jour de la libération de Rennes : Maurice Schumann est en ville sur une jeep avec son ami Jean Marin : un passage avenue Janvier avec en toile de fond la gare des voyageurs endommagée a pu ressusciter, quatre ans plus tard, son aventure de la terrible matinée du 17 juin 1940 en la situant aux environs de ce bâtiment de la gare de voyageurs très endommagée par les bombardements de 1943 et de juin 1944...
Etienne Maignen
Références
- ↑ Petit bois pour un grand Feu, p.253 Jean Marin. Fayard -1994
- ↑ Bombardement du 17 juin 1940
- ↑ https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-un-futur-ministre-sous-les-bombes-du-17-juin-1940-6871243
- ↑ Voir rue Jean Marin
- ↑ Bombardement du 17 juin 1940 : témoignages témoignage de François Choel, 7 ans en juin 1940 - Dr René Patay
- ↑ Mémoires d'un Français moyen, p 123. René Patay – 1974