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Ville universitaire entre les deux guerres
Dès 1803, une école de médecine départementale avait été instituée. Elle devient successivement école secondaire de médecine en 1820, école préparatoire de médecine et de pharmacie en 1841, puis école de plein exercice en 1896. Une faculté de droit avait été fondée en 1806. Une faculté des lettres est instituée, une première fois, en 1810. Supprimée au lendemain de l’Empire, elle est rétablie en 1839 avec cinq chaires, nombre augmenté à partir de 1881. La faculté des sciences est créée en 1840, avec cinq chaires dont le nombre va s’accroître surtout après 1878.
Sans lien entre elles pendant longtemps, ces facultés et écoles ont un premier organe commun à partir de 1885, le conseil des facultés. La loi de 1896 les groupe en Université.
Installées d’abord dans divers locaux mal appropriés, les facultés et l’école de médecine de Rennes sont réunies, en 1855, dans le palais universitaire spécialement construit pour elles. A la fin du siècle, elles s’y trouvent à l’étroit. La faculté des sciences s'installe au palais des sciences et la construction d’un Institut de Géologie est achevée rue du Thabor. Comme pour la faculté des sciences, l’année 1896 marque pour l’école de médecine, l’occupation de ses nouveaux bâtiments, boulevard Laënnec.
Partout en France, des "palais" sont en chantier. La constitution d'un important enseignement supérieur s’accompagne d’un immense effort pour le loger. Paris en est un exemple : la construction de la Sorbonne débute en 1885, pour s’achever en 1889. La participation considérable des villes témoigne de l’ampleur du mouvement suscité par l’enseignement supérieur. L’emplacement et le style monumental des constructions « confirment l’importance accordée à l’entreprise ». Ainsi, à Rennes, l’axe de la Vilaine est mis en valeur en tirant partie de la perspective rectiligne créée par la canalisation du fleuve. Les nouveaux bâtiments doivent soutenir la comparaison avec les réalisations prestigieuses des 17e et 18e siècles et du second Empire. On érige donc le palais universitaire puis celui des sciences, achevé en 1888. Du même mouvement fait partie l’édification du Palais du Commerce dont première pierre est posée en 1887.
Deux autres établissements anciens ne dépendent pas de l’Université même s’ils appartiennent à l’enseignement supérieur. Leur situation géographique est également stable entre les deux guerres.
Le premier est l’école des beaux-arts, créée en 1881, à la suite d’une convention conclue entre la municipalité rennaise et l’administration des beaux-arts. L’école occupe successivement la Halle-aux-Toiles, l’hôtel des postes et enfin l’ancien couvent, rue Hoche, où elle est encore. Les cours s’y multiplient et se diversifient de telle façon qu’en 1905, elle devient école régionale d’architecture. Le deuxième établissement est l’école nationale d’agriculture, installée à Rennes, en 1896, route de Saint-Brieuc. En décembre 1926, les étudiants de l’A aménagent dans leur nouvelle maison de la rue Saint-Yves. En 1931-1932, une moyenne de 140 couverts par repas sont servis. Une trentaine d’étudiantes fréquente la rue Saint-Yves.
1917-1918 droit: 231, sciences: 124, lettres: 85, médecine-pharmacie: 165 total : 605
1927-1928 droit: 931, sciences: 410, lettres: 263 (128) médecine-pharmacie: 98 (10) et 124 (37) total : 1 826
1939-1940 droit: 1 164 sciences: 550, lettres: 941 (264), médecine-pharmacie: 286 et 170, IREP :21 * total : 3 132
entre ( ) le nombre d'étudiantes
* IREP : institut régional d'éducation physique
L’Association Générale des Etudiants Rennais (AGER) compte 1 100 membres en janvier 1938 et publie son organe "L'A". En 1922, plus de 80 Etudiantes sont inscrites dans les différentes Facultés. Le 4 octobre 1931, une cérémonie réunit un certain nombre de personnalités rennaises pour la pose de la première pierre de la Maison des Etudiantes, ouverte en novembre 1932.
Monômes, mardi-gras et mi-carême
Le samedi 18 décembre 1920, par 2 degrés au-dessous de zéro, 400 étudiants défilent en un monôme énorme en longueur, en clameur et en couleur[1]. Le monôme se termine aux alentours du bassin de la place du Palais où le Président invite l’assistance à se délester "vésicalement" avant de passer au Coq absorber la tournée générale qui y est offerte par l’Association. À la rentrée 1924, le président Colas-Pelletier[2] rappelle aux délégués que le monôme doit être gai, mais il faut exclure les transparents trop obscènes, afin de ne pas émouvoir la rumeur publique ». En 1927, un article ironique de L’A 371 évoque les « exhibitions manifestement contraires […] à la pudeur des foules ». Une nouvelle fois, mention est faite d’étudiants « en train de polluer la pièce d’eau » de la place du Palais.
Outre le monôme général qui rassemblait tous les étudiants de la ville, il existait aussi les monômes corporatifs auxquels participaient les membres d’une seule discipline. Ainsi, à la rentrée 1929, les « juridiques » se rendirent en monôme rue de Saint-Brieuc, à l’école nationale d’agriculture où eut lieu « une cordiale réunion d’amitié juridico-agricole, joyeusement marquée par des laïus vibrants, et par des chants ardents ». Et à leur tour, « les Agris, suivant une vieille tradition, rendirent leur première visite officielle à la cité rennaise, en un monôme particulièrement animé. Puis, selon la bonne coutume, ils furent reçus par les juridiques, à la Maison des Etudiants. Le mardi-gras est mis à profit par les étudiants pour mettre en scène quelques facéties et leurs cortèges devinrent l’un des quelques grands rendez-vous annuels qui, à Rennes, attiraient les foules. L’Association Générale des Etudiantes et Etudiants Rennais en retirait un surcroît de notoriété. Le défilé par les rues, très attendu, réunissait plus de trente chars. La Reine et ses demoiselles d’honneur, accompagnées du comité de l’Association Générale, étaient reçues à l’hôtel de ville par le maire, M. Janvier. En 1925, L’A présente le mardi-gras douze jours avant. Le soir du lundi 23 février, une retraite aux flambeaux est prévue. Le lendemain, le thème des réjouissances est un fait divers : une femme coupée en morceaux et jetée dans la Vilaine. Le « Haut Parquet de Mézidon » est attendu à la gare, puis doit embarquer au gué-de-Baud pour opérer des fouilles dans la rivière. L’A annonce le grand bal des Lices en clôture. D’une année à l’autre, les fêtes de la mi-carême se succèdent et se ressemblent, au moins sur un point : les étudiants quêtent puis défilent joyeusement. Pourtant, leur humour peut choquer : en 1927, l’affiche apposée sur les murs de la ville et annonçant la mi-carême n’est pas du goût de tout le monde. Elle représente un buste de femme nue. L’Association se défend et dénonce cette nouvelle expression de la « pudibonderie locale ».
En 1931, ce sont Costes et Bellonte qui inspirent les étudiants. L’année précédente, les deux aviateurs avaient réalisé la première liaison sans escale Paris-New York, le 2 septembre 1930. Au cœur de leur tournée triomphale des villes françaises, la chambre de Commerce de Rennes et la Ligue aéronautique de Bretagne obtiennent leur passage à Rennes, le 14 décembre 1930, après un atterrissage prévu au terrain militaire de Gaël, commune située une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Rennes[3]. Pour le mardi-gras rennais, ce sont « les deux héros de l’air, Lacosse et Bellonte qui tenteront la traversée aérienne de la Vilaine. L'année 1933 marqua la fin de la mi-carême, faute d'argent[4].
En 1939 la guerre perturbe la vie universitaire. Le rapport relatif à l’année 1939-1940 met en relief les « difficultés nées des circonstances, de l’afflux des étudiants réfugiés, du manque de locaux et, plus tard, des faits de guerre. Le gonflement des effectifs, particulièrement spectaculaire à la faculté des lettres, est lié à l’afflux des réfugiés du Nord dont Rennes doit recevoir, selon un plan préétabli, les services départementaux et les facultés[5].
Références
Académie de Rennes – Célébration du Ve centenaire de la fondation de l’Université 1461-1961, Rennes, Imprimeries Simon
Histoire de Rennes, Meyer Jean (dir.Toulouse, Privat, , pp. 391 et suivantes - 1972
L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, Vie politique et sociale, Sainclivier Jacqueline, Rennes, coll. « Histoire » p. 219 PUR - 1996,
- ↑ « Les Etudiants Rennais ont du poil quelque part – L’A n° 3 J. 6 janvier 1921, p. 3
- ↑ Grâce au Dr Colas-Pelletier les bombardiers américains ne frappèrent pas Rennes les 2 et 3 août 1944
- ↑ http://www.absa3945.com/Gael%20aviation/historique/costes_et_bellonte.html
- ↑ Fêtes de la Mi-Carême, galeries cartes postales
- ↑ Association Générale des Etudiantes et Etudiants Rennais de 1919 à 1940 Université de Haute-Bretagne Rennes 2. Mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine. Le Goc Hervé -1999