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Place du Parlement de Bretagne
La place du Parlement de Bretagne se situe en plein cœur de Rennes ; antérieurement "place du Palais" (il s'agissait à l'époque du Palais de Justice), elle porte le nom du Parlement (Leurioù Breizh) depuis la délibération du conseil municipal de la ville de Rennes du 4 mai 1981. Elle mesure 107 x 78 mètres. L'incendie de 1720 s'arrêta au palais, le feu atteignant une partie du toit ouest dont la galerie de plomb fondit. Le parti architectural retenu par Robelin[1] pour la place du Parlement prévoit des immeubles à trois étages avec toits à la Mansart et une décoration uniforme, pilastres de style ionique avec un rez-de-chaussée en pierres de taille percé d'arcades et étages en tuffeau, pour une population diversifiée par étage. Son projet sera réalisé mais revu à la baisse par Gabriel[2] pour les immeubles des nouvelles rues en raison du parti estimé trop luxueux et donc trop coûteux et ne tenant pas compte de la dénivellation au sol.
Les immeubles ont été classés monuments historiques en juillet 1942 et en novembre 1959.
La place est considérée "place royale", nommée "place Louis-le-Grand", glorifiant le souverain comme l'indiquait la statue équestre de Louis XIV, œuvre d'Antoine Coysevox, élevée en 1726. Fondue en 1792, il reste de cette statue les bas-reliefs du piédestal conservés au musée des Beaux-Arts de Rennes.
La place ne prit sa configuration définitive qu'après la destruction du couvent des Cordeliers au nord-est pour permettre l'ouverture, en 1829, de la rue Louis-Philippe, qui deviendra la rue Victor Hugo.
Appelée d'abord placis Saint-François, situé à côté du couvent des Cordeliers, elle sera limitée, au nord, par le palais du Parlement de Bretagne et sera bordée, après l'incendie de 1720, de beaux immeubles sur un plan d'ensemble régulier de l'architecte Gabriel. Ce dernier mentionne, dans un Mémoire adressé au Roi[4], le fait de vouloir reconstruire cette place à l'image de la place Louis le Grand de Paris (aujourd'hui Place des Victoires ), réalisée par le premier architecte du roi Louis XIV Jules Hardouin-Mansart , qui elle est de forme circulaire. Ainsi, comme sur la place parisienne où s'élèvent de superbes façades, les hôtels rennais sont ornementés de différents mascarons (voir ci-dessous). Gabriel s'inspire, notamment pour la forme de la place, d'une autre des créations d'Hardouin-Mansart, la place Vendôme .
Lieu de promenade et de chahut au 18e siècle
Au 18e siècle, le grand amusement des jeunes gentilshommes était de créer des escarmouches avec la patrouille de la milice bourgeoise, dont le corps de garde était à un rez-de-chaussée faisant face à l'église, actuelle basilique Saint-Sauveur. Dix huit soldats menés par un officier et deux sergents allaient de par les rues veiller à l'ordre et au calme. Assistés de leurs domestiques, ivres et armés, les jeunes nobles avaient plaisir à "battre le guet", livrant à la patrouille de véritables combats, et les étudiants de les imiter, mais bourgeois, s'ils étaient arrêtés ils allaient en prison alors que les jeunes nobles, déposés au violon, en sortaient bientôt. Toute la ville se donnait rendez-vous sur la place Louis-le-Grand. Les étudiants y jetaient des "fusées" aux femmes et si la patrouille de la milice bourgeoise intervenait, ils la recevaient à coups de bâtons carrés ou d'épées[5].
Vers la fin du siècle, de graves incidents y survinrent. Le 27 janvier 1789, journée des Bricoles, la place fut le théâtre d'une rixe sanglante entre gentilshommes et étudiants en droit conduits par Moreau, le futur général. En 1792, la statue fut envoyée aux forges de Paimpont pour servir à la fabrication de canons (le musée des Beaux-Arts en conserve deux bas-reliefs). En remplacement, Jean-Baptiste Carrier, commissaire du gouvernement, y fit planter, le 8 septembre 1793, un arbre de la Liberté.
En 1793 et 1794 : le rasoir national au travail
Pendant la période révolutionnaire, la place du Parlement de Bretagne, devenue place de l’Égalité, et le palais de l'ancien parlement Temple de la Loi, va être le théâtre d'exécutions sanglantes. De mars 1793 à juillet 1794 (chute de Robespierre), quelque 330 têtes tomberont[6] sous la guillotine, ou « rasoir national », érigée au bas de la place à l'entrée de la rue de l’Égalité (aujourd'hui rue Edith Cavell), dont 30 dues à un premier tribunal, 224 dues à la commission Brutus Magnier[7] (dont 120 laboureurs, 34 tisserands, 13 ex-soldats, 9 journaliers, 6 tailleurs, 9 charpentiers) et 81 par un tribunal criminel. Il ne s'agit donc pas, pour la plupart, de nobles mais de paysans et artisans faits prisonniers lors du soulèvement de mars et avril 1793, ou pendant l'automne et l'hiver suivant lors des insurrections des Chouans. Quelques Rennais seulement y perdent la tête : trois prêtres réfractaires, un serrurier et un menuisier condamnés pour avoir voulu émigrer, deux ex-nobles, Picot fils pour avoir trempé dans la conspiration du marquis de la Rouërie, deux chouans avérés et deux criminels de droit commun. Les Demoiselles de Renac furent même exécutées après la chute du tyran, pour avoir caché leur vieux prêtre confesseur.
« La guillotine faisait couler un continuel ruisseau de sang, qui se figeait et laissait sa trace sur les pierres. » Une fois, par suite d'une contestation entre « le citoyen chargé des sépultures » (l'exécuteur) et ses aides, les corps des suppliciés restèrent nus quatre jours au pied de la guillotine[8].
Tout rapprochement avec la tête coupée de la fontaine de la place de Coëtquen, située un peu plus bas, la tête de muse endormie œuvre de Claudio Parmiggiani , inaugurée en avril 1993, éventuelle réminiscence de ces décapitations, serait fortuit et non fondé ! Mieux vaut le préciser.
Sous l'Empire, la place deviendra Place impériale. Elle ne prendra sa forme actuelle qu'en 1829, après le percement de la rue appelée maintenant rue Victor Hugo. Elle est alors entièrement pavée. En 1883, un bassin central avec grand jet d'eau y fut inauguré en même temps que le service des eaux mais ce bassin, même remanié, fut décrié par les rennais qui le traitaient péjorativement de bassine.
« Le bassin de la Place du Palais
Très justement, M. Couasnon, le distingué architecte (Charles-Joseph Coüasnon a installé son cabinet à Rennes, rue d'Estrées, NDLR), fait remarquer que la disparition du bassin de la place du Palais s’impose. Il est disgracieux d’abord et amène de l'humidité aussi bien dans les appartements particuliers que dans les magasins.
Le Conseil semble se rallier à cette proposition qui est cependant renvoyée à la Commission pour examen.
Puisque l’on veut supprimer le bassin, ce que nous approuvons, pourquoi n’utiliserait on pas cette place en installant un square sans grands arbres, pour ne pas gêner la vue du Palais, mais rempli de fleurs et de plantes, avec des bancs pour les promeneurs.
Le jardinier en chef du Thabord (sic) a dans ses serres de quoi fournir grandement les fleurs nécessaires. »
— L'Evènement Rennais
Origine : N°12, datant du vendredi 4 septembre 1903, page 2, qui relate les échanges formulés lors du conseil municipal du vendredi précédent • Recueilli par Manu35 • 28/05/2020 • licence
Lors de la mi-carême, les étudiants rennais se livraient, autour du bassin, à des facéties contraires à la pudeur. En 1927, un article ironique de L’A, magazine des étudiants, évoque les « exhibitions manifestement contraires […] à la pudeur des foules ». Une nouvelle fois, mention est faite d’étudiants « en train de polluer la pièce d’eau » de la place du Palais. En 1935, ce bassin fut supprimé et la place aménagée dans sa configuration actuelle de jardin entouré d'une balustrade.
Le nouvel aménagement est mieux apprécié mais le dénigrement persiste : ainsi, en 1956, l'écrivain Jean de La Varende , qui avait passé une partie de sa jeunesse à Rennes, Contour de la Motte, et en décrivit les vieilles rues dans son roman « Le Roi d’Écosse », vante la ville aux touristes dans un article mais critique aussi :
« On a réalisé un "square" devant le Palais de Justice; on y a creusé une manière de fosse aux lions dans une gaucherie à faire pleurer. Utile, puisque toujours pleine de mioches. Mais ne devait-on pas se méfier et étudier mieux encore ? Les garde-fous et les escaliers de l'insolite excavation sont si lourds qu'ils diminuent le Palais, le dessèchent et l'atrophient. Quel regret de l'ancien bassin et du grand jet d'eau ! Les parterres sont sans originalité et bien moroses. »
— Jean de La Varende
Origine : Les Nouvelles de Bretagne et du Maine • 5 août 1956 • licence
Le mystère de la disparition des quatre jurisconsultes
En contravention à une loi du 25 février 1943 qui instituait le système juridique dit « des abords », créant un « champ de visibilité » de 500 mètres maximum, entourant les monuments historiques, à l’intérieur duquel aucune construction nouvelle, aucune transformation ou modification d’immeuble, ne peut avoir lieu sans autorisation, la destruction des quatre grandes statues à coups de marteaux, derrière des palissades de faible hauteur, eut lieu en 1960. [9] [10] à l'occasion de travaux de rénovation de la façade, sans que personne ne s'en émeuve. Ainsi disparurent ces statues disposées en 1840 en façade sur piédestal, appréciées par les contemporains dès leur érection, qui avaient voulu honorer en ce lieu idoine les grands jurisconsultes rennais. [11]. Elles représentaient quatre jurisconsultes rennais célèbres : celle placée à l’est représentait Charles Toullier assis. Ce jurisconsulte fut l’une des gloires de l'école rennaise de droit. Sa statue était de Gourdel, de Châteaugiron, grand prix de l’École des beaux-arts à Paris. À l’ouest c’était, assis, le sénéchal Bertrand d'Argentré, célèbre historien et l’un des premiers commentateurs de la coutume de Bretagne, œuvre due au ciseau du sculpteur rennais François Lanno [12] qui, en 1824, obtint le grand prix de Rome. La statue debout, à l’est, représentait Pierre Gerbier,[13] avocat au Parlement de Bretagne qui, plus tard, reçut à Paris le surnom de l’Aigle du barreau, à l’occasion d’un procès célèbre dans lequel l’abbé de Clairveaux fut condamné à payer 120 000 livres de dommages-intérêts à une veuve dont le mari avait été séquestré arbitrairement, statue est de Molchnet dont les débuts à Nantes eurent un très grand succès. La quatrième statue représentait La Chalotais, debout, faisant pendant à Gerbier. L’illustre procureur général avait été une gloire du palais de l’ancien Parlement. Sa statue était l’œuvre de Suc, artiste nantais.
Lien externe
Écouter la rubrique de Joël David sur France Bleu : https://www.francebleu.fr/player/export/reecouter/emission?content=2158fa2e-6709-4748-b3bb-b9d354231dba
Notes et références
- ↑ rue Robelin
- ↑ rue Jacques Gabriel
- ↑ Statue équestre de Louis XIV
- ↑ https://www.tourisme-rennes.com/fr/organiser-mon-sejour/les-evenements/place-du-parlement-masques-et-mascarons
- ↑ Rennes ancien, Rennes moderne, t.2 par A. Marteville
- ↑ Rennes d'histoire et de souvenirs quatrains 21 et 86
- ↑ Terreur et Terroristes à Rennes par B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, Joseph Floch imprimeur, 1974.
- ↑ Rennes Moderne par A. Marteville
- ↑ Les anciennes statues du Parlement de justice Hippolyte Corbes - 1963
- ↑ « Histoire d’une carte-postale : La place du Palais - 1934 », cartes-postales de Rennes ou d'ailleurs,Chmura Sophie - 11 mars 2019 http://cartes-postales35.monsite-orange.fr
- ↑ Rennes vu en 1859 par un Britannique
- ↑ Rue François Lanno
- ↑ Rue Pierre Gerbier
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