Des équipages français bombardent la Kriegsmarine route de Lorient
Des équipages français au-dessus de Rennes à bord de Boston
L'insuffisance des dégâts des bombardements antérieurs des 18 et 26 février 1943 ( * voir le lien ), les remises en état effectuées et la cible manquée le 29 mai par l'aviation américaine qui avait frappé durement la ville nécessitèrent une autre mission de bombardement sur le dépôt de la Kriegsmarine et le Pi-Park de la route de Lorient.[1]
L'après-midi du dimanche 8 août ,vers 17h15, Rennes subit un nouveau bombardement. Trois escadrilles d'appareils américains Douglas Boston III (900 kg de bombes) faisant partie de la 137° escadre de bombardement volèrent en rase-mottes au-dessus des champs et des pommiers pour aborder par surprise l'agglomération rennaise par l'ouest. Au loin, à l'horizon les pilotes ont comme repère les deux tours de la cathédrale. Il n'y a pas de chasse allemande mais la FLAK (DCA allemande) donne. Les Boston bombardent à nouveau les installations de la Kriegsmarine. Ils ont quatre minutes pour atteindre leur cibles et la visent par vagues de quatre, la première à une quinzaine de mètres de hauteur, les suivantes à 350/450 mètres.
Deux des "squadrons" de 12 avions de cette 137e escadre spécialisée dans le bombardement tactique de précision, sont composés d'équipages de quatre britanniques (88 et 107e Squadron) mais un autre est composé de 12 Boston à équipages français. Il s'agit du 342nd Squadron, dénommé groupe "Lorraine", commandant, Henri de Rancourt.( Ainsi un des équipages est composé de : pilote sous-lieutenant Laurent, *2 navigateur lieutenant Goldet,radio sergent-chef Luineaud, mitrailleur sergent Dufau-Hitou. ) Un appareil ayant comme observateur un certain capitaine Pierre Mendès-France, incorporé le 3 juillet, avait dû faire demi-tour dans la crasse et la pluie battante alors qu'il approchait des îles anglo-normandes. Ainsi 44 Français étaient en l'air au-dessus de Rennes.
Rapport du sous-lieutenant pilote Yves Laurent
"Il s'agissait de bombarder un dépôt de sous-marins, à l'ouest de Rennes. La mission devait se faire en rase-mottes intégral. Nous étions 36 avions avec les deux autres groupes et j'étais le leader. A priori les calculs étant faits sur le papier, l'autonomie du Boston est tout juste suffisante pour parcourir une telle distance en vol rasant à condition, bien entendu, de se poser près de la côte anglaise au retour. Le terrain d'atterrissage prévu était Ford. En pratique cela comportait des risques, mais les autorités ont dû penser que ces risques étaient justifiés. Je ne veux pas être mauvaise langue, mais j'ai la faiblesse de penser qu'en Angleterre, ils le sont toujours quand il s'agit d'attaquer un objectif ayant un rapport avec la puissance navale de l'ennemi. Nous avons inauguré une tactique nouvelle, du moins pour l'escadre. Les douze avions de chaque groupe sont répartis de la manière suivante; les quatre premiers bombardent en rase-mottes intégral; le n° 1, bien entendu, est le leader et le n° 2 est prévu pour le remplacer en cas de dure nécessité. Les numéros 3 et 4 forment une paire qui vole un peu en retrait du leader et de son équipier, mais pas trop en retrait, car il ne s'agit pas de sauter sur les bombes des premiers. Les huit avions restants sont répartis en deux “ boîtes ” de quatre ayant chacune un leader. Trois minutes environ avant l'arrivée sur l'objectif, ces “ boîtes ” montent à 1 500 pieds; cette altitude de sécurité permettant à ces avions de survoler l'objectif sans dommages si les bombes amies choisissaient ce moment précis pour exploser. Le bombardement à 1 500 pieds ne présente pas de difficulté particulière. Mais le bombardement en vol rasant intégral me laisse un peu rêveur. J'ai calculé que les bombes mettaient environ deux secondes à tomber jusqu'au sol si, comme je le crois, on les largue à 20 ou 25 m; il est possible que la bombe ou les bombes ricochent et suivent l'avion pendant une seconde de plus; comme le retard est de onze secondes, il en reste huit avant l'explosion quand on est leader et sept pour la paire qui vole à 100 m en retrait.
En fait, ce bombardement s'est bien passé. Mais le retour a été long."
Des "bavures" limitées
Bientôt un énorme panache de fumée blanche s'élève des entrepôts et se déroule sur la campagne rennaise, révélant la précision du raid. L'opération menée de 450 mètres d'altitude est parfaitement réussie, sans grands dégâts collatéraux à la population civile, fait rare et donc notable. Un témoin rapporte : " Le dimanche 8 août, nous nous promenons en famille à * Bel Air ( * au sud de Bruz) lorsque nous voyons des avions et des bombes sur la ville. J'y rentre aussitôt mais nous n'avons presque rien à faire car, cette fois, ce sont des Anglais qui ont, à très basse altitude, attaqué et fortement endommagé un important dépôt de la Kriegsmarine, sans faire beaucoup de "bavures" à côté ".[2] On déplora la mort de trois Rennais et neuf furent blessés plus ou moins gravement.[3]
La Flak ( D.C.A. allemande) abattit un Boston IIIA n° de série BZ296 , un moteur en feu, dont l'officier pilote Walter Patterson Angus, 20 ans, tenta de sauter mais ne survécut pas, l'appareil s'écrasant au "Bas-Plessis, à la Chapelle-des-Fougerets, un autre avec un équipage anglo-canadien, s'écrasa rue Amiral Courbet, près de l'usine des Papeteries de Bretagne, peut-être après avoir heurté des peupliers, et deux autres, du groupe Lorraine s'écrasèrent au sol, faute de carburant, à leur arrivée en Angleterre, l'un ayant deux tués (lieutenant de Brettes et sous-lieutenant Hetigin) et deux blessés, l'autre ayant son équipage sauf. [4]
Le 23 août les actualités britanniques présentent cette opération comme exemplaire[5], omettant de signaler la participation d'équipages français et indiquant que la D.C.A. ennemie a été inoffensive.
Un commentateur de l'attaque réussie par la 8e Air Force américaine sur le dépôt naval de Rennes annonça que les Rennais étaient unanimes pour déclarer que c'était du beau travail et que la même question revient toujours : pourquoi ça ne se passe t-il pas toujours comme cela." [6]
Un rapport du maire de Rennes indique que le bombardement fut limité aux installations de la Kriegsmarine, en dehors de l'agglomération urbaine, et que la centaine de bombes tua 6 civils, en blessa 27, et qu'un immeuble fut détruit, 130 étant endommagés.[7] Le quotidien l' Ouest-Éclair du 11 août indique que le préfet régional Dupard a salué les trois victimes rennaises et cite neuf blessés plus ou moins graves et une vingtaine de maisons détruites.
Liens internes
* 18 février et 26 février 1943 des Mosquito bombardent le dépôt de la Kriegsmarine
Notes et références
- ↑ Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945, par Étienne Maignen. Éditions Ouest-France - 2013
- ↑ Mémoires d'un Français moyen , par René Patay - 1974
- ↑ Ouest-Eclair 11/08/1940
- ↑ https://www.absa3945.com/8%20aout%201943/8_aout_1943.html
- ↑ Voir la vidéo sur le site de British Pathe
- ↑ Forgotten Blitzes: France and Italy under Allied Air Attack, 1940-1945, p. 233. Claudia Baldoli, Andrew Knapp. Continuum International Publishing Group - 2012
- ↑ rapport du maire de Rennes au directeur des services techniques du ministère de l'information, 18 décembre 1943
- ↑ Yves Laurent les missions par "Rennes kriegsmarine bombardement" [1]