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Les prisonniers quittent Rennes pour des années de captivité
Parcage puis départ
Après le bombardement du 17 juin 1940 dans la matinée, la panique s’empare de nombreux civils qui quittent la ville en proie aux explosions des deux trains de munition, en voiture, à bicyclette, à pied. Et les militaires font en partie de même, malgré l’ordre du général Louis Colson de rester sur place[2][3]. Le communiqué allemand du 18 juin signale que le bombardement a déclenché « une panique monstre parmi les troupes ». Celles-ci quittent la ville avec ou sans leurs officiers dont beaucoup se délestent de leur arme et vont encombrer les routes, fuyant vers l’ouest ou vers le sud. L’annonce du maréchal Pétain, radiodiffusée à 12 h 30 « il faut cesser le combat », entendue par certains, a pu conforter ce sauve-qui-peut, dans la crainte d’être pris les armes à la main et d’être fait prisonniers.
Dans un premier temps, les troupes allemandes, en mouvement vers l’ouest, doublent les groupes de soldats en fuite sans même leur prêter attention, puis, peu à peu les assemblent, et contrôlent tous ces hommes restés en uniforme, par craintes de représailles à venir pour les déserteurs, d’autres s’étant éclipsés et mis en civil.
Le 18 juin, les troupes allemandes ne rencontrent aucune formation militaire organisée. À 17 heures la caserne du Colombier fut occupée et ceux des officiers d’active et de réserve qui y étaient restés furent faits prisonniers, et rejoints au bout de quelques jours par des officiers de l’extérieur, au total près d’un millier est assemblé au bout de quelques jours. Beaucoup de sous-officiers et hommes de troupe sont parqués au camp de Coëtquidan.
À partir du 21 juillet, l'Ouest-Eclair publie, sur page entière, des listes de prisonniers de la région stationnés dans divers camps de France et de Belgique, et le journal du 18 août expose que pour l'ensemble du pays il faudrait établir 100 listes de 10 000 prisonniers... Le 20 août le journal annonce le transfert des prisonniers dans des camps de l'ouest vers la Somme, l'Aisne, le Nord et le nord-est. Le 28 août, les officiers sont dirigés sur la caserne Mac-Mahon et, le 7 septembre, 750 partent à pied, via les quais, en direction de la plaine de Baud où, à 12 h 15 s’ébranle un train en direction de l’Allemagne. Fin novembre, des milliers de prisonniers quittent ainsi les camps et casernes et traversent la ville par les quais en direction de la plaine de Baud, en longues colonnes donnant lieu parfois à des scènes tragiques par des parents ou des enfants des partants. Le service cinématographique de l’armée allemande présenta ce cortège le long des quais aux actualités hebdomadaires (Die Deutsche Wochenschau). Et les Allemands ne plaisantent pas: un cheminot a pris un mois de prison pour avoir accepté d'un prisonnier de guerre de transmettre des lettres à la poste, "essayant ainsi de tromper le contrôle militaire du courrier des prisonniers"[4].
Le retour pour quelques uns, puis correspondance et des colis pour les autres
Un train sanitaire quitte Rennes pour Nîmes le 10 février 1941, avec 150 prisonniers libérés pour raison de santé. Et le 8 avril, un groupe d’officiers, pères de famille de 4 enfants reviennent d’Allemagne, libérés. À partir de mars le journal publie les listes des camps où la correspondance avec les prisonniers n'est autorisée que sur des formulaires réglementaires et les colis doivent porter des étiquettes-adresses envoyées par les prisonniers. On annonce le 4 juillet la libération des prisonniers de plus de 41 ans, des officiers de réserve anciens combattants et de 1000 fonctionnaires des P.T.T. Fin juillet quelques prisonniers malades ou invalides sont libérés. Et le 1er septembre, la radioscopie de prisonniers des camps et Kommandos permet la libération de plus de 400 prisonniers et le 2, un groupe d’officiers de réserve, anciens combattants de 14-18 reviennent des camps de Oberlangendorf (Sudètes de l’est) et d’Elemberg. Le 13 octobre l'Ouest-Eclair relate l'accueil d'une trentaine de prisonniers, blessés et malades rapatriés d'Allemagne via le centre de démobilisation de Compiègne par le tain de 14h11 la veille. Le 29 octobre sont publiées deux photos d'une messe à l'OFLAG IV D, camp pour officiers situé à l'est de Dresde en Oberlausitz. Et le 3 décembre le journal informe, avec photo, l'arrivée à Rennes, en provenance de Compiègne, de 43 prisonniers libérés, en qualité d'anciens combattants ou soutiens de famille. En vue du "Premier de l'An du prisonnier", le commissariat au reclassement des libérés incite ceux-ci à verser une obole. Le journal n'avait pas manqué de relever le 24 septembre la déclaration de "gars de l'ouest" dans ce centre, disant leur reconnaissance "au maréchal, notre chef".
Le chômage féminin apparaît plus difficile à résorber que le chômage masculin. Dès avril 1941 le Préfet d’Ille-et-Vilaine indique en outre que, parmi les ouvrières chômeuses, on compte de nombreuses femmes de prisonniers de guerre qui tiraient de leur travail leurs seuls moyens d’existence. [5]
Des galas ont lieu au profit des prisonniers, tel celui donné, le dimanche 14 septembre 1941, par le groupe gallo breton à Saint-Grégoire dans le parc de Ker-Maria, présentant les danses et anciennes coutumes du mariage dans le Pays de Rennes. Le dimanche 27 septembre 1942 les Rennais se rendirent en foule à une kermesse au profit des prisonniers tenue aux Gayeulles. À Rennes, une vente de grands portraits du maréchal au profit des prisonniers de guerre obtient un grand succès.
De temps en temps, le quotidien régional publie une photo d'un groupe de prisonniers sur laquelle quelques-uns reconnaîtront le leur. En janvier 1942, le groupe "Collaboration", section de Bretagne, 4 rue Du Guesclin, invite les Rennais à voir au cinéma le "Royal" "Prisonniers", le film de nos prisonniers, "qui vient montrer du fond des camps de la Prusse orientale, ou des Kommandos de Rhénanie à ceux qui ici les chérissent, la façon dont ils vivent, dont ils travaillent et aussi comment ils se distraient" : film de propagande censé rassurer les familles des 1 300 000 prisonniers[6].
En février 1942 on effectue le recensement des prisonniers en vue de l’établissement de cartes permettant d’obtenir les denrées qui leur seront envoyées par colis. Beaucoup de prisonniers blessés restés dans les hôpitaux meurent et l’Escorte d’honneur fait appel aux Rennais pour suivre leurs obsèques sur le trajet Grand Séminaire – cimetière de l'Est (5 km) mais il ne reste bientôt plus que deux A.D.N. à suivre le corbillard, salué toutefois avec respect par la population.
Des correspondances s'établissent difficilement entre familles et prisonniers par le Kriegsgefangenenpost, la poste aux prisonniers de guerre. Le 27 novembre ce sont 31 prisonniers de retour à Rennes, dont 29 d'Ille-et-Vilaine, cultivateurs pour la plupart et le préfet délégué souligne "la valeur symbolique que comporte le geste de la relève".
Pour inciter à dénoncer un soldat ennemi, un parachutiste, un espion ou un saboteur, l'autorité allemande en arrive à promettre la libération d'un prisonnier. En décembre, la préfecture régionale édite une plaquette sur « la Bretagne dans la France du Maréchal », à l’intention des prisonniers bretons qui attendent « avec une impatience douloureuse, à laquelle fait écho celle de la Bretagne fidèle, celle de la France tout entière, une heure qui ne tardera plus désormais, celle de votre retour » bonne paroles signées du préfet régional de Bretagne Jean Quénette, en poste depuis mai 1942, pour un retour qui tardera encore deux ans et demi. Le journal publie fréquemment des listes de prisonniers libérés dans le cadre de "la relève". Ils arrivent en gare de Rennes et sont accueillis par les autorités et nourris avant de regagner leurs foyers ; la plupart sont des cultivateurs et la fréquence de ces retours ne peut faire illusion sur le fait que le plus grand nombre reste en Allemagne ou dans des pays occupés.
À partir de mars 1943, en sus des problèmes de ravitaillement, d'autres soucis tombent sur les têtes rennaise, les bombes ! Cependant, les prisonniers ne sont pas oubliés. Le 7 novembre ouvre pour une semaine, au palais de Justice, une exposition en faveur des prisonniers à laquelle les Rennais, qui s'y pressèrent, purent voir des travaux de prisonniers, et le 12 novembre, des quêteurs sollicitent les passants dans les rues en faveur du Secours national et 20 000 colis furent ainsi envoyés pour Noël par la Croix-Rouge aidée de bénévoles.
Les prisonniers ne reviendront à Rennes qu'au bout de près de cinq ans, en mai 1945.
Références
- ↑ rue Xavier de Langlais
- ↑ Bombardement du 17 juin 1940 : témoignages
- ↑ Les Heures Douloureuses de Rennes, par V. Ladam, imp. Les Nouvelles
- ↑ 'Ouest-Eclair du 20 janvier 1941
- ↑ Synthèse des rapports des préfets, avril 1941
- ↑ Ouest-Eclair, 14 janvier 1942
Liens internes
18 juin 1940 : les troupes allemandes à Rennes, ville traumatisée