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Porte mordelaise
La porte et son histoire
La porte Mordelaise (ouportes Mordelaises) est l'un des plus beaux vestiges qui subsiste à Rennes de la ville médiévale et de l'architecture militaire du XVe siècle. Elle fut reconstruite sur ses anciennes bases en 1440, mais il devait exister une porte en cet endroit dès l'époque gallo-romaine.
On nommait aussi la porte Mordelaise, porte Royale, en référence aux ducs de Bretagne et aux évêques de Rennes, qui faisaient leur entrée dans la ville par cette porte et prêtaient devant sa herse abaissée, leur serment solennel. Elle servit jusqu'au XVIe siècle de demeure au capitaine ou gouverneur de Rennes ; c'est là également que se trouvait la garde-robe de la ville, c'est à dire principalement l'artillerie lui appartenant. Les bourgeois y tinrent souvent des réunions avant de posséder une Maison de ville. Enfin, la chambre des comptes s'y réunit aussi au XVe siècle. Après avoir été fermée pendant les guerres de la ligue , elle fut donnée à bail par le gouverneur de Rennes à des particuliers, jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Elle fut enfin afféagée[1] en 1723. Les tours étaient alors ruinées et inhabitables. Elle reçut en 1793 le nom de porte Marat et fut utilisée comme prison.
Le jambage [2] sud de la porte, du côté de la cathédrale, présentait jusqu'en 1874 une pierre en granit de 50 cm sur 56, portant une inscription en l'honneur de l'empereur Gordien III (238-244) :
IMP CAES
M ANTONI°
GORDIANO PI°
FEL AUG PMTR
P C°S O R
( Imperiatio Caesari Antonio Gordiano, Pio, Augusto, Pontifici Maximo, Tribunitia potestate Consuli, Ordo Redorum [3] )
- ↑ Concéder une partie d'une terre noble d'un domaine, à tenir en fief ou en roture, contre une redevance.
- ↑ Chaîne de pierre de taille ou de maçonnerie qui soutient l’édifice et sur laquelle on pose les grosses poutres.
- ↑ A l’empereur César Marc-Antoine Gordien pieux, heureux, auguste, le plus grand pontife, revêtu de la puissance tribunitienne, Consul, l’ordre (décurional) des Redones.
Son emplacement
C'est en 56 av J-C que les premiers remparts de Rennes seront construits, sous la domination Romaine. Avant cette date, Rennes, nommée alors Condate [1] est une ville ouverte, démunie de remparts. Placée sur la colline la plus proche du confluent de l'Ille et de la Vilaine, sur des coteaux aisément utilisables et desservie par les rivières, la ville se développe le long des coteaux qui dominent l'Ille, en direction du pont Saint-Martin, du quartier de l'hôtel Dieu et vers les hauteurs du Thabor à l'est, délimitant une zone de 1100m nord-sud sur 900m ouest-est, ce qui donne environ une surface de 90 hectares. Bien isolée, l'emplacement de la ville lui permet d'être protégée au nord et l'ouest par l'Ille et au sud par la Vilaine. C'est le seul point dans un rayon d'une trentaine de kilomètres où les courbes de niveau de 30 et 40 m d'altitude soient à la fois si proches l'une de l'autre et si proches de la rivière. Le site est donc facile à fortifier et à défendre.
La porte est construite avec le mur d'enceinte gallo-romain. Celui-ci, en prenant comme point de départ la place de la Mission, coupait d'abord obliquement cette place du sud-est au nord-ouest en passant derrière la Croix, puis longeait les cours des maisons est de la rue Nantaise, gagnait la Porte Mordelaise, suivait le côté sud de la place des Lices et rejoignait le Bazar Parisien et l'hôtel de la Rivière. Tournant alors vers le sud, il suivait la ligne des maisons est de la rue Châteaurenault, passait sous le Présidial (aile nord de l'Hôtel de Ville), longeait la rue de l'Horloge et le côté ouest de la rue de Rohan, puis, se dirigeant vers l'ouest, il gagnait le quai Duguay-Trouin entre la rue de Rohan et l'escalier du Coulage, et passait sous les maisons du quai jusqu'à la place de la Mission. En d'autres termes, il s'étendait depuis la Croix de la Mission jusqu'à l'Hôtel de Ville, et depuis la place de Lices jusqu'à la Vilaine.
La muraille d'enceinte se composait à sa base d'une maçonnerie confuse, de blocs de schiste gris non appareillés et reliés entre eux par un mortier jaune très dur, mêlé de graviers ; au-dessus se trouvaient des pierres de granit juxtaposées, accompagnées parfois de débris de monuments et de fûts de colonnes, comme dans toutes les enceintes de cette époque; un massif de grande briques noyées dans un ciment rouge surmontait cette assise de granit; enfin, la partie supérieure du mur était formée par des lignes de pierres constituant un petit appareil irrégulier et séparées, de trois rangs en trois rangs, par trois rangées parallèles de briques.
Il semble, d'après les portions de murailles qui ont pu être étudiées, que la hauteur du mur variait entre onze et quatorze mètres, ce qui est la hauteur moyenne des enceintes gallo-romaines.
La muraille était alors percée de quatre portes, dont la porte Mordelaise, celle-ci située devant la cathédrale. Elle conduisait alors à Vannes, Carhaix et Conseul.
- ↑ Signifie "confluent" en gaulois.
Son architecture
La porte Mordelaise se compose d'une grande et d'une petite porte flanquées de deux grosses tours.
La façade extérieure est en granit [1] appareillée avec soin.
Étant un type de roche non poreuse (l'eau n'y pénètre pas), imperméable (l’eau ne la traverse pas), grenue (constituée de grains visibles à l'œil nu) et cohérente (elle ne s'effrite pas sous la pression des doigts, car elle est formée d'éléments fortement soudés entre eux), elle est idéale pour la réalisation de grands travaux. Dès l'époque de Louis XIII-Louis XIV, avec l'arrivée de décorateurs et d'architectes italiens, cette pierre est souvent utilisée (le Palais du Luxembourg, le châteaux de Marly ou encore le château de Versailles seront construits en granit). La porte est donc en granit gris, rouille, les tours en schistes briovériens, les mâchicoulis en granit gris, rouille, et la toiture en schistes ardoisiers noirs.
La grande porte est en arc légèrement brisé, plus précisément en arc en ogive ou en tiers-point [2]
Elle était précédée de larges douves et munie d'un pont-levis à flèches et à chaînes. On voit encore au-dessus d'elle deux rainures destinées à en loger les bras (ou flèches) qui supportent la passerelle mobile. Il s'agit d'un procédé couramment employé vers le milieu du XIVe siècle : les ponts-levis sont appliqués aux portes elles mêmes. Malgré de sérieux inconvénients, grande hauteur de ses flèches, visibles de très loin et donc vulnérables, et de profondes saignées pratiquées sur la façade de la porte pour les recevoir, ils resteront en usage jusqu'à la période moderne.
La petite porte, également en arc brisé, servait au passage des piétons; elle est cachée par une échoppe [3] accolée au mur et ne se voit plus que de l'intérieur. Son pont-levis était soutenu par une seule porte, aussi n'existe-t-il qu'une seule rainure au-dessus du portillon.
Au-dessus de la grande porte se trouve une petite niche rectangulaire surmontée d'une pierre sculptée : bien qu'aujourd'hui abîmée, elle figure deux lions affrontés soutenant une lance à laquelle sont attachés à droite une bannière carrée et à gauche un guidon à deux pointes. Il s'agit du drapeau des ducs de Monfort qui régnaient sur la Bretagne de 1364 à 1514.
Une grande fenêtre plutôt moderne est percée au-dessus de la grande porte, et une seconde beaucoup plus étroite surmonte le portillon. La courtine est couronnée par une rangée de mâchicoulis dont les corbeaux à trois ressauts [4] portent un linteau orné d'arcs trilobés parfaitement conservé. Les mêmes mâchicoulis existent aussi au sommet des deux tours.
La façade intérieure de la porte, du côté de la ville, présente une construction moins soignée : la grande baie à conserver ses quatre gonds, outre ses vantaux , elle était défendue par une herse dont on voit encore la coulisse. Le premier étage est éclairé par des fenêtres carrées plus modernes ; au-dessus d'elles était une ligne de mâchicoulis dont trois seulement sont restés en place ; ils soutenaient au commencement du XIXem siècle une petite galerie découverte, munie d'un parapet en bois.
- ↑ à ne pas confondre avec granite , le granit est une appellation commerciale désignant une roche dure et grenue utilisée dans la sculpture, l'architecture ou l'ornementation, quelle que soit sa nature géologique.
- ↑ les arcs en ogive ou en tiers-point, formés de deux portions de cercle qui se croisent et donnent un angle curviligne plus ou moins aigu au sommet, suivant que les centres sont plus ou moins éloignés l'un de l'autre.
- ↑ Une échoppe est une boutique de second rang : moins bien bâtie, adossée à un mur porteur existant. Cependant, aujourd'hui le terme s'utilise comme synonyme médiéval de magasin.
- ↑ Saillie qui dépasse une surface. Partie qui forme une avancée sur le plan vertical.
Sources
- Le Vieux Rennes, de Paul Banéat, édition F.E.R.N
- Histoire de Rennes, sous la direction de J.Meyer
--Laura.Francois 30 mars 2012 à 13:46 (CEST)