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Place des Lices
La place des lices est une place du centre-ville nord de Rennes, prolongeant au sud-sud-ouest la place Saint-Michel en descendant vers le canal d’Ille-et-Rance qu'on aperçoit à son extrémité.
D'abord hors la ville
Elle était hors des murs, ainsi que l'indique la situation des Portes Mordelaises à son sud-est. Elle conserva longtemps une tradition guerrière étant utilisée jusqu'au début du 18 e siècle pour des exercices militaires.
"Lices" est le nom donné à un "champ clos" au Moyen-Age, terrain fermé par des barrières où avait lieu des tournois où des chevaliers s'affrontaient avec des lances.
À Rennes, c'est en 1327 que ce nom est connu pour la première fois, car pour le mariage de la Duchesse de Bretagne, Jeanne de Penthièvre, dite la boiteuse, avec Charles de Blois, le neveu du roi de France, un tournoi est organisé et un certain Bertrand Du Guesclin va entrer en lices, se faire connaître en effectuant son premier combat.
C'est à cause d'une épidémie de peste, en 1622, que fut décidé de faire le marché sur cette place, pour éviter que la maladie entre dans la ville.
La place servait aux exécutions des criminels et aux expositions au pilori comme l'indiquent encore les plans du 18 e siècle sur lesquels figure le poteau de justice, à hauteur de la rue des Innocents, à l'emplacement de l'horloge qui se trouve sur le haut de la place des Lices. Les condamnés y étaient encore exposés jusqu'au milieu du 19e siècle. Les corps des exécutés y restaient parfois plusieurs jours pour effrayer la population, avant d'être emmenés au cimetière qui se trouvait sur l'actuelle place Sainte-Anne en passant par cette rue des Innocents, car l'on pensait que tous ceux qui étaient exécutés n'étaient pas tous coupables.
De grandes demeures...
La place est bordée, en rive nord, par d'anciennes demeures comme l'Hôtel de la Noue, dont le toit en carène inversée de la tour centrale traduit une volonté d'ostentation, à laquelle répond le toit en carène de l'Hôtel Racapé de La Feuillée, tous deux à pans de bois construits en 1658,ainsi que l'Hôtel de Montbourcher dont les armes figurent au fronton (trois marmites) illustrant la devise familiale ("Assez d'amis quand elles sont pleines") et l'Hôtel du Molant en pierre, ce dernier de 1666, avec au-dessus de la porte qui communique avec la cage d'escalier, le profil du roi-soleil sculpté dans un médaillon ovale. Ces demeures furent construites dans la seconde moitié du 17 e siècle sur initiatives de gens de robe du Présidial et du barreau, mais le quartier des Lices, sans jardins et très resserré, ne fut espace aristocratique qu'un temps assez bref, la noblesse parlementaire - exilée à Vannes pendant quinze ans - et les notables lui ayant préféré le secteur de la rue Saint-Georges puis le nouveau quartier du Contour de la Motte.[2]
...souvent mises en location
Ces hôtels étaient souvent mis en location. Le bail à loyer ci-dessous donne en 1820 des indications sur un appartement de l'Hôtel Forsan donnant « sur la lice » et sur la rue Saint-Louis et les modalités de location tel que le loyer de 250 francs par an.
« Acte sous seing privé du 26 janvier 1819 portant entre nous soussigné Delle Rose De Forsan de la Bouteillerie d'une part et Dame Guitton née Anne Angélique André Duquesnoy, tout deux demeurant à Rennes, rue Saint Louis n° 28 et Place des Lices, a été par le présent acte de ferme s.s.p. par lequel ladite demoiselle Rose De Forsan loue aujourd'hui à la dite De Guiton pour neuf années qui commenceront le 24 juin 1820 et finiront à pareil jour 1829, savoir un appartement dans l'hôtel Forsan situé place des Lices à Rennes au rez de chaussée au coin meridionnal et occidental dit hôtel composé d'une grande salle ayant ses couvertures! sur la lice avec alcove et cheminée et un cabinet d'entrée ayant aussi sa croisée sur la lice, plus une grande salle ou chambre donnant sur la rue Saint Louis ayant de plus une croisée sous le pignon occidental dudit hôtel avec cabinet privatif de latrinnes, une cave et caveau à côté, une remise sur la rue Saint Louis et un grenier, le tout occupé et dont jouissent actuellement les demoiselles Ergault ;
la salle donnant sur la lice tapissée en papier pour y rester ou autre qui y serait placé par Dame Guiton en remplaçant sans que ladite De Guiton puisse réclamer d'indemnité ;
la grande chambre sur la rue Saint Louis garnie d'armoires d'attaches et ladite De Guiton déclare bien connaître le tout et en jouir sans rien dégrader ni changer à peine de rétablir à ses frais si ces changements n'étaient pas agréables à Demoiselle De Forsan et fera ramoner les cheminées conformément aux arrêtés de police, rendra les appartements en état de réparation locative ainsi qu'elle les aura reçue, payera sa diminution du prix du fermage designé ci-après les impôts pour portes et fenêtres et pour jouissance des appartements et autres objets ci-dessus Made Guiton s'oblige de payer chaque année en deux termes égaux dont le premier echoira et sera payé le 25 décembre 1820 et 2e le jour St Jean 1821 cent vingt cinq francs chaque ce qui fait par an deux cent cinquante francs, fait double à Rennes. Reçu sept francs vingt sept." [3]
Les rez-de-chaussée ne suffisaient pas à la demande en matière de locaux commerciaux, des baraques la complétaient pour des non-Rennais, comme en témoigne la vente aux enchères de deux baraques de François Bourée (marchand à Baulon) le 11 juin 1785, l'une située sur la place des Lices et l'autre rue Neuve. "La baraque située sur la lice ayant vingt et sept pieds de profondeur sur sept pieds et demi de largeur de dedans en dedans, sa façade vers nord et la boutique vers occident, dans celle-ci une cheminée et un petit grenier au dessus qui se desert par une trape", estimée et mise à prix à 150 livres, enchères couverte par la Demoiselle Lacroix à 151 livres. L'après-midi "l'enchère mise par la Dlle Lacroix a été couverte par le Sr. Houssais, marchand de fil, à cent cinquante deux livres", et après plusieurs enchères, elle est achetée par le Sieur Pierre Metel à 201,5 livres. Celle de la rue Neuve, mise à prix à 900 livres à plusieurs reprises, n'intéresse personne : elle est finalement acquise après de nouvelles publications (et une mise à prix inférieure) pour 910 livres par le Sr. Pierre Mathurin Collin.[4].
En 1781, le négociant en vins, Pierre André Lemière, en faillite, possède au bas de la place une cave renfermant une partie de ses marchandises, qui avec ses meubles sont évaluées à 17713 livres. Il possède deux caves sous sa maison et environ trente barriques de vin rouge dans deux caves sous le parlement de Bretagne[5].
Contenu de la cave de la place du bas des Lices du Sieur Lemiere : | |
Cinq barriques et un tierçon vin Muscat : 680 livres | environ 264 bouteilles vin d'Espagne : 455 |
environ cent douze bouteilles vin de Bourgogne : 250 | quatre tierçons vin rouge et blanc : 320 |
une busse Champagne : 60 | environ quatrevingt bouteilles vin de Champagne : 320 |
un baril vin d'espagne contenant environ vingt pots : 60 | vingt et deux barriques vin rouge et blanc : 2600 |
environ deux cent bouteilles vin blanc : 180 | environ trente bouteilles ptisane? de Champagne : 160 |
une barrique Bourgogne : 360 | onze pannier d'ozier : 20. |
Au 20 e siècle des projets heureusement avortés
En 1924, l'active municipalité de Jean Janvier faillit commettre une grosse bévue : la commission départementale reçoit un projet de possible démolition des hôtels du 17 e siècle en rive nord de la place en vue d'un agrandissement du marché - si toutefois leur disparition est provoquée par la vétusté, un sinistre ou la volonté des propriétaires, s'empresse de préciser le conseil municipal. Mais la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine émet un voeu porté au Conseil d'Etat qui, par lettre du 14 juin 1927, souhaite que les observations de la Société archéologique soient prises en compte mais le ministre des Beaux-Arts juge inutile de prononcer le classement "considérant le faible intérêt artistique, archéologique et historique de ces maisons " ! [6]. Et en 1977, le projet de démolition des halles pour les remplacer par un vaste parc automobile souterrain au-dessus duquel fonctionnerait le marché en plein air, projet de la municipalité d'Henri Fréville fait long feu en raison de l'élection de la liste conduite par Edmond Hervé dont la municipalité entreprendra une grande rénovation à la fin des années quatre-vingt.
Dans les années 50, des rencontres de boxe attiraient les Rennais aux Lices le samedi soir[7].
La place est ouverte à la circulation automobile sauf le samedi matin, jour du grand marché des Lices.
Sur la carte
Notes et références
- ↑ La Bretagne dans la France du Maréchal, pages écrites pour les prisonniers de guerre bretons - déc. 1942
- ↑ "Pas au sud de la Vilaine !" géographie des pouvoirs et des élites à Rennes sous l'Ancien Régime, par Gauthier Aubert dans : Habiter les villes de cours souveraines en France - 2008 publication de la MSH-Alpes
- ↑ s.s.p., c'est-à-dire sous seing privé ou signature(s) privée(s).
Transcription du folio 72 (4 février 1819) du registre du bureau de l'enregistrement de Plélan-le-Grand, registre conservé aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine (cote 3Q 27 239). Le motif de cet enregistrement dans un bureau autre que celui du bureau de Rennes n'est pas clair et il est probable que cet acte soit absent des registres de la ville (il y aurait double compte...). » - ↑ Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, fonds du consulat de Rennes.
- ↑ Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. Fonds du consulat de Rennes. Le Sieur Lemiere possède encore 23 barriques de vin rouge et blanc dans une cave de la rue Nantaise et à Ploërmel trente barriques valant 3000 livres.
- ↑ L'Urbanisme à Rennes de la Belle Epoque à la Reconstruction, par Benjamin Sabattier. Bulletin et mémoires de la Société Archéologiques & Historique d'Ille-et-Vilaine, tome CXVIII - 2014
- ↑ Les années 50 en Ille-et-Vilaine, hors-série Ouest-France 2005, p. 25.
- Rennes d'histoire et de souvenirs quatrain 67
Haïku de nuit
« "Tout en haut des Lices,
Un girophare de police,
Des pneux qui crissent." »
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