4 septembre 1939, un Rennais lit son journal

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Ce lundi 4 septembre, le Rennais ouvre son journal et voit en première page l'information apprise hier de la TSF :

La France et l'Angleterre en état de guerre avec l'Allemagne

le Reich ayant "brutalement" repoussé les ultimatum de l'Angleterre et de la France expirés à 11 heures et 17 heures.

Et il parcourt les articles de la page 1 : Les Polonais accueillent avec enthousiasme l'intervention franco-anglaise... En Pologne bombardements répétés des villes ouvertes... Héroïque résistance des Polonais à Dantzig... Lourdes pertes de troupes ennemies... Tout laisse à penser que l'Amérique ne se bornera pas à aider économiquement les grandes démocraties d'Europe...

En page 2 il lit "l'émouvant appel du cardinal Verdier aux Français : Ne pleurez pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance..." ...

Loyalisme et enthousiasme de tout notre empire...

Dans les syndicats on condamne le pacte germano-russe et l'attitude des communistes...

Mais il en vient assez vite aux nouvelles locales :

Appel aux Catholiques du président diocésain de l'Union catholique des hommes qui donne "des consignes spirituelles dans les circonstances difficiles que nous traversons : que ceux qui s'en vont, en emportant nos coeurs, affectent l'affectation militaire qui leur est donnée, ceux qui restent, pour maintenir, nerécuseront rien de leur tâche coutumière. Nous aurons une grande bataille, une guerre à gagner. Les hordes des Sans Dieu, hier frères ennemis, en apparence, aujourd'hui sinon réconciliés, associés du moins, contre l'armée des soldats du Christ : nous"

Mais après ces belles déclarations nationales ou locales, il lit des informations plus concrètes :

Le repos hebdomadaire est suspendu dans les entreprises de l'Etat ou travaillant pour lui.... Pour le logement des réfugiés, les volontaites pour en recevoir contre rémunération ou à titre gratuit s'adressent au secrétaire général du cercle Saint-Yves, 11 rue des Dames.

Un arrêté prévoit en son article 4 que le gardiennage des immeubles pendant la durée des alertes incombe aux propriétaires qui doivent laisser libre l'accès aux caves classées comme abri à toute personne se trouvant à proximité de leur accès, ainsi qu'aux services de la défense passive ou "D.P." pour rechercher dans les immeubles et combattre les foyers d'incendie et assurer leur service de sécurité générale.

A l'aéroport Joseph Le Brix, en Saint-Jacques, les baptêmes de l'air sont supprimés conformément aux instructions ministèrielles.

Contre la hausse des prix, des procès-verbaux seront dressés par la gendarmerie et la police contre les commerçants "qui auront profité de la situation pour augmenter leurs prix".

Notre Rennais aura vu, en page 3, la photo de M. Camille Tomine, président des transporteurs routiers, tué dans un terrible accident d'automobiles survenu à la sortie de Saint-Malo, à Saint-Jouan des Guérets.

Et pour se distraire de ces nouvelles qui assombrissent l'horizon, peut-être ira-t-il au cinéma, à 14 h 30 ou à 20 h 45, voir un des films annoncés :

au Royal (tél. :42 45) l'Equipage Ier épisode et La Vie magnifique

au Français (tél. : 32 52) Jim la Jungle 1er épisode et Le Grand Jeu

à l'Excelsior : Maria Chapdelaine et L'ombre qui frappe...


Puis, pendant sept mois et demi, notre Rennais continuera à lire tranquillement son journal : ce sera ce qu'on appellera "la drôle de guerre" et, à la mi-mai, surviendra la guerre pas drôle du tout : l'affluence des réfugiés à Rennes, l'annonce de tués au combat, puis le bombardement du 17 juin 1940 et le 18 juin 1940 : les troupes allemandes à Rennes, ville traumatisée.