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4 septembre 1939, un Rennais lit son journal

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Ouest-Eclair, 19 février 1939

La déclaration de guerre a arrêté de grands projets immobiliers sur Rennes, tel un immeuble d'appartements de belle allure prévu au n° 30 avenue Sergent Maginot dont la publicité était faite en février 1939 avec l'adresse encore à tort appelée "avenue du Gué-de-Baud", le nouveau nom ayant été donné l'année précédente.

Dès le 30 août un essai des sirènes avait été effectué vers 9h00. Le 26 avait commencé le rappel des réservistes et une photo du journal accompagnait ce constat : « Optimistes et joyeux, ces jeunes gens, arrachés à la vie civile le sont. C’est le sourire aux lèvres, la boutade à la bouche que, grimpés sur la plate-forme d’un camion, ils sont conduits vers la caserne où ils doivent être transformés en soldats »[1].

Réclame de guerre, Ouest-Eclair du Ier février 1940

Le lundi 4 septembre, le Rennais ouvre son journal et voit en première page l'information apprise hier de la TSF :

La France et l'Angleterre en état de guerre avec l'Allemagne

le Reich a "brutalement" repoussé les ultimatum de l'Angleterre et de la France expirés à 11 heures et 17 heures.

Et il parcourt les articles des pages 1 et 2 : Énergiques messages de M. Daladier et du roi George VI : "En nous dressant contre la plus effroyable des tyrannies, nous luttons pour défendre notre terre, nos foyers et nos libertés"... Les Polonais accueillent avec enthousiasme l'intervention franco-anglaise... En Pologne, bombardements répétés des villes ouvertes... Héroïque résistance des Polonais à Dantzig... Les raids aériens allemands n'ébranlent pas le moral polonais... Lourdes pertes de troupes ennemies... Tout laisse à penser que l'Amérique ne se bornera pas à aider économiquement les grandes démocraties d'Europe...

En page 2, il lit "l'émouvant appel du cardinal Verdier aux Français : Ne pleurez pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance..." ...

Paris a conservé son calme... (Rennes aussi, pense le lecteur).

Loyalisme et enthousiasme de tout notre empire...

Dans les syndicats on condamne le pacte germano-russe et l'attitude des communistes...

Mais il en vient assez vite aux nouvelles locales qui peuvent le toucher personnellement :

Appel aux Catholiques du président diocésain de l'Union catholique des hommes qui donne "des consignes spirituelles dans les circonstances difficiles que nous traversons : que ceux qui s'en vont, en emportant nos cœurs, acceptent l'affectation militaire qui leur est donnée, ceux qui restent, pour maintenir, ne récuseront rien de leur tâche coutumière. Nous aurons une grande bataille, une guerre à gagner. Les hordes des Sans Dieu, hier frères ennemis, en apparence, aujourd'hui sinon réconciliés, associés du moins, contre l'armée des soldats du Christ : nous"

Mais après ces belles déclarations nationales ou locales, le Rennais lit des informations plus concrètes :

Le repos hebdomadaire est suspendu dans les entreprises de l’État ou travaillant pour lui.... Pour le logement des réfugiés, les volontaires pour en recevoir contre rémunération ou à titre gratuit s'adressent au secrétaire général du cercle Saint-Yves, 11 rue des Dames.

Ouverture des maisons de commerce et des magasins habituellement fermés le lundi matin, aujourd'hui lundi 4 septembre, en raison des réquisitions militaires effectuées quotidiennement...

Un arrêté prévoit en son article 4 que le gardiennage des immeubles pendant la durée des alertes incombe aux propriétaires qui doivent laisser libre l'accès aux caves classées comme abri à toute personne se trouvant à proximité de leur accès, ainsi qu'aux services de défense passive, ou "D.P." pour rechercher dans les immeubles et combattre les foyers d'incendie et assurer leur service de sécurité générale.

À l'aéroport Joseph Le Brix, en Saint-Jacques, les baptêmes de l'air sont supprimés conformément aux instructions ministérielles.

Contre la hausse des prix, des procès-verbaux seront dressés par la gendarmerie et la police contre les commerçants "qui auront profité de la situation pour augmenter leurs prix".

En page 4, Aux Françaises, " à l'heure où chacune éprouve le besoin de "servir", appel aux bonnes volontés pour œuvrer dans les formations sanitaires. Pour la région de Rennes, s'inscrire à la société de secours aux blessés militaires, 3 rue Saint-Hélier, à l'Union des femmes de France, 22 place des Lices, à l'école d'infirmières, 3 rue de la Cochardière.

Notre Rennais aura vu aussi, en haut à droite, la photo de M. Camille Tomine, président des transporteurs routiers, tué dans un terrible accident d'automobiles survenu à la sortie de Saint-Malo, à Saint-Jouan des Guérets.

Et pour se distraire de ces nouvelles qui assombrissent l'horizon, peut-être ira-t-il au cinéma, à 14 h 30 ou à 20 h 45, voir un des films annoncés :

  • au Royal (tél. :42 45) : l'Equipage 1ère partie et La Vie magnifique
  • au Français (tél. : 32 52) : Jim la Jungle 1er épisode et Le Grand Jeu
  • à l'Excelsior : Maria Chapdelaine et L'ombre qui frappe...[2]



Une drôle de guerre: de position et d'attente, censée venir en aide à la Pologne : "En Ière ligne, le général X... observe les positions ennemies"[3]


Tickets de pain pour juin 1940, chaque ticket correspond à 100 gr de pain

Puis, pendant sept mois et demi, notre Rennais continuera à lire tranquillement son journal : ce sera ce qu'on appellera "la drôle de guerre" avec un hiver froid (- 16,9° à Rennes le dimanche 21 janvier 1940) et, à la mi-mai, surviendra la guerre pas drôle du tout : l'affluence des réfugiés à Rennes, l'annonce de tués au combat. Le 26 mai 1940 a lieu la première distribution de cartes d'alimentation qui serviront bientôt. Puis survient le bombardement du 17 juin 1940 et le 18 juin 1940 : les troupes allemandes à Rennes, ville traumatisée. Les grandes annonces et proclamations parues dans le journal du 4 septembre 1939 sont bien loin et périmées. La réalité est tout autre...

--Stephanus 4 décembre 2011 à 13:05 (CET)

Références

  1. L'Ouest-Eclair, 27 août 1939
  2. L'Ouest-Eclair, édition d'Ille-et-Vilaine - 4 septembre 1939
  3. Couverture de Match du 18 janvier 1940