« Juin 1944 : des Rennais otages, fusillés, assassinés » : différence entre les versions

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[[Catégorie:Rennes sous l'occupation|Otages]]
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Le mois de juin avec le débarquement des troupes alliées en Normandie et l'annulation dans la nuit du 5 au 6, du ''Kriegspiel'' (exercices sur cartes) décidé par le général Friedrich Dollman, qui devait rassembler à Rennes les commandants de divisions et de régiments, est marqué à Rennes par les bombardements<ref>[[bombardements des 9 et 12 juin 1944]]</ref> mais c'est aussi le mois d'un raidissement des autorités d’occupation qui va se traduire par des internements, des exécutions, et des Français collaborateurs vont même tuer des compatriotes.
Le mois de juin avec le débarquement des troupes alliées en Normandie et l'annulation dans la nuit du 5 au 6, du ''Kriegspiel'' (exercices sur cartes) décidé par le général Friedrich Dollmann, qui devait rassembler à Rennes les commandants de divisions et de régiments, est marqué à Rennes par les bombardements<ref>[[bombardements des 9 et 12 juin 1944]]</ref> mais c'est aussi le mois d'un raidissement des autorités d’occupation qui va se traduire par des internements, des exécutions, et des Français collaborateurs vont même tuer des compatriotes.
[[Fichier:Tract_de_mars_1944.jpeg|200px|right|thumb|tract de mars 1944, maculé sur un trottoir rennais, à l'attention des Rennais et des soldats allemands]]
[[Fichier:Tract_de_mars_1944.jpeg|300px|right|thumb|Tract de mars 1944, maculé sur un trottoir rennais, à l'attention des Rennais et des soldats allemands]]
=== Prises d'otages ===
=== Prises d'otages ===


Ainsi, le 7 juin au matin douze personnalités, dont le futur maire de Rennes [[Yves Milon]], sont internées au camp Margueritte, baraque 14<ref>Les otages bretons de la baraque 14- Yves Rannou :Communication présentée à la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine - Rennes, 9 mars 1999 </ref> où elles retrouvent une soixantaine d’autres otages des départements bretons. Huit autres sont arrêtées le 8. Il s’agit bien de notables : médecins, professeurs, avocats, banquiers, policiers. Au total ce sont 76 Bretons ainsi retenus pour garantir la sécurité des Allemands.
Ainsi, le 7 juin au matin douze personnalités, dont le futur maire de Rennes [[Yves Milon]], sont internées au [[camp Margueritte]], baraque 14<ref>Les otages bretons de la baraque 14- Yves Rannou : Communication présentée à la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine - Rennes, 9 mars 1999 </ref> où elles retrouvent une soixantaine d’autres otages des départements bretons. Huit autres sont arrêtées le 8. Il s’agit bien de notables : médecins, professeurs, avocats, banquiers, policiers. Au total ce sont 76 Bretons ainsi retenus pour garantir la sécurité des Allemands qui redoutent des actions de résistants menées en coordination avec les opérations du débarquement des alliés.
[[Fichier:Miliciens_gardant_des_suspects_de_terrorisme_a_rennes.jpeg|250px|left|thumb|A Rennes, des miliciens gardant un groupe de suspects de "terrorisme"]]
[[Fichier:Miliciens_gardant_des_suspects_de_terrorisme_a_rennes.jpeg|350px|left|thumb|A Rennes, des miliciens gardant un groupe de suspects de "terrorisme"]]


=== Exécutions de 32 résistants ===
=== Exécutions de 32 résistants ===
Le 8 juin, les Allemands sortent de la prison Jacques-Cartier et exécutent par fusillade à la caserne du Colombier 32 résistants dont 9 Républicains espagnols ; ainsi tombe [[Maurice Prestaut]], de Libération-Nord, délégué militaire régional de Défense de la France, arrêté [[rue de Châteaudun]] après avoir abattu un milicien et blessé un autre.  
Le 8 juin, alors que des bombes tombent sur Rennes, les Allemands sortent de la prison Jacques-Cartier et exécutent par fusillade à la caserne du Colombier 32 résistants dont 9 Républicains espagnols ; ainsi tombent [[Maurice Prestaut]], de Libération-Nord, délégué militaire régional de Défense de la France, arrêté [[rue de Châteaudun]] après avoir abattu un milicien et blessé un autre, et Pedro Florès-Cano, capitaine FTP et responsable régional des groupes armés espagnols pour la Bretagne<ref>https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article206378</ref>.
 
[[Fichier:Ex%C3%A9cution_de_terroristes.png|250px|right|thumb|''Ouest-Eclair'' du 13 juin 1944]]
[[Fichier:Hommage_aux_fusill%C3%A9s223.jpg|400px|right|thumb|thumb|Premier hommage aux fusillés du 8 juin 1944. ''Ouest-France'' 28 sept. 1944]]
[[Fichier:Obs%C3%A8ques_Colombier.png|400px|right|thumb||Hommage aux fusillés dans la caserne du Colombier]]
- « BARRIOS-UREZ Antonio (BARRIOS-URES Antonio (FTP-MOI arrêté fin mars 1944 en Ille-et-Vilaine)
 
- BURGOT Jean-Paul (FTPF arrêté le 8 avril 1944 à Elven, Morbihan)
 
- CAOUREN Pierre (FTPF arrêté le 18 juillet 1944 à Poullaouen, Finistère)
 
- CHAMPION Léon (à l’état civil LE CHAMPION Léon, FTPF arrêté le 16 mai 1944 dans le secteur de Saint-Nicolas-du-Pélen, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- COANT Francis (FTPF arrêté le 8 mai 1944 à Scrignac, Finistère)
 
- COANT Louis (FTPF arrêté le 8 mai 1944 à Scrignac, Finistère)
 
- COTTE Roger (FFI arrêté le 14 avril 1944 à Pontivy, Morbihan)
 
- DACQUAY François (FFI arrêté à Malguenac, Morbihan)
 
- DAVID Auguste (FTPF arrêté le 4 août 1944 à Plonévez-du-Faou, Finistère)
 
- FLORES CANO Pedro (FTP-MOI arrêté le fin mars 1944 en Ille-et-Vilaine)
 
- FOANEN Robert (à l’état civil TOANEN Robert, FTPF arrêté le 23 août 1943 à Saint-Brieuc, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- GARCIA RUBIO Dionisio (FTP-MOI arrêté fin mars 1944 en Ille-et-Vilaine)
 
- GRALL Marcel (FTPF arrêté le 23 août 1944 à Saint-Brieuc, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- HAMON Eugène (membre du PC clandestin arrêté le 8 août 1943 à Ploufragan, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- HERNANDEZ DIAZ Tomas (FTP-MOI arrêté le 21 mars 1944 à Lanester, Morbihan)
 
- HERLOAN Louis (à l’état civil KERLEAU Louis, FTPF arrêté en avril 1943)
 
- LE BARZIC Léon (FFI arrêté le 1er avril 1944 à Elven, Morbihan)
 
- LE BORGNE Ernest (FTPF arrêté le 3 août 1944 à Plonévez-du-Faou, Finistère)
 
- LE BRUN Albert (FFI arrêté le 31 mars 1944 à Questembert, Morbihan)
 
- LE CALVEZ Marcel (FTP arrêté le 3 avril 1944 à Plouguiel, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- LE FORESTIER Roger (FTPF arrêté le 16 mai 1944 dans le secteur de Saint-Nicolas-du-Pélem, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- LE GRÉVELLEC Émile (FFI arrêté le 31 mars 1944 à Muzillac, Morbihan)
 
- LE PARC Léon (FTPF arrêté le 16 mai 1944 à Maël-Pestivien, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- MALARD Gabriel (FFI arrêté le 31 mars 1944à Questembert, Morbihan)
 
- MOIZAN Marcel (membre du PC clandestin arrêté le 6 août 1944 à Guingamp, Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor)
 
- MOLINA CABRE Leoncio (FTP-MOI arrêté fin mars 1944 en Ille-et-Vilaine)
 
- MONTORI ROMEO Lorenzo (FTP-MOI arrêté le 20 mars 1944 en Ille-et-Vilaine)
 
- SEBASTIAN MOLINA Antonio (à l’état civil MOLERO Antonio Sebastian, (FTP-MOI arrêté fin mars 1944 en Ille-et-Vilaine)
 
- NIETO GRANERO Ramon (FTP-MOI arrêté le 21 mars 1944 à Port-Louis, Morbihan)
 
- PRESTAUT Maurice (responsable départemental de Libération-Nord en Ille-et-Vilaine, arrêté le 10 mai 1944 à Rennes)
 
- SIMON Yves (FTPF arrêté le 14 mai 1944 à Carhaix, Carhaix-Plouguer, Finistère)
 
- TURCADO ARENAS Teofilo (FTP-MOI arrêté le 23 mars 1944 en Ille-et-Vilaine)
 
 
"''Nous avons été réveillés ce matin au petit jour par le chant de la marseillaise et les cris de vengez-nous des pauvres malheureux qu'on emmenait pour les fusiller. Je te dis que c'est bien lugubre et révoltant d'entendre cela mais derrière nos épaisses portes, nous sommes bien impuissants. Nous avons appris depuis qu'ils étaient 33 en tout cas, ils étaient courageux''."
 
''Raymond Poulain'', du réseau ''Oscar-Parson'', interné à la [[prison Jacques-Cartier]], écrit à sa marraine Marie-Ange Drouet, sur feuille de papier à cigarettes dissimulée dans un ourlet de torchon, décédé le 25 octobre 1944, au camp de Neuengamme<ref> ''Oscar Buckmaster, un réseau de résistance en Haute-Bretagne, 1943-1944'', p.279,280  Daniel Jolys. Imp Reuzé. Martigné-Ferchaud - Nov. 2022 </ref>.


=== Assassinat de trois Rennais ===
=== Assassinat de trois Rennais ===
[[Fichier:Avis_d_obseques_d_assassines.jpeg|200px|left|thumb|L'avis d'obsèques des deux  Rennais assassinés : annoncés "décédés accidentellement"]]


Malgré la situation générale qui tourne mal pour le Reich et le débarquement des Alliés en Normandie, les Miliciens ne désarment pas et s'en prennent aux "terroristes", quand ils ne se vengent pas sur des citoyens à titre de représailles.
Malgré la situation générale qui tourne mal pour le Reich et le débarquement des Alliés en Normandie, les Miliciens ne désarment pas et s'en prennent aux "terroristes", quand ils ne se vengent pas sur des citoyens à titre de représailles.


Le 28 juin 1944, huit jours après l'assassinat de l'ancien ministre de l'Education nationale {{w|Jean Zay}} par la Milice mais dont la réalité n'était pas encore connue, {{w|Philippe Henriot}}, secrétaire d'Etat à la propagande du gouvernement de Vichy, était assassiné, sous les yeux de sa femme, au ministère de l'information à Paris par un groupe de résistants du COMAC ({{w|Comité d'action militaire}}) qui s'étaient fait passer pour des miliciens. L'un de ses fils, membre du NSKK (Nationalsocialistische KraftfahrKorps : formation militarisée rassemblant les chauffeurs nazis), était reparti la veille pour le front. Ainsi se taisait définitivement la voix de l'orateur talentueux que les Français entendaient sur les ondes de ''Radio-Paris'', en opposition totale aux voix des Français libres s'exprimant de Londres dans l'émission "''Les Français parlent aux Français''".[[Fichier:Avis_d_obseques_d_assassines.jpeg|200px|right|thumb|l'avis d'obsèques de deux des trois Rennais assassinés : annoncés "décédés accidentellement"]]
Le 28 juin 1944, huit jours après l'assassinat de l'ancien ministre de l'Education nationale {{w|Jean Zay}} par la Milice mais dont la réalité n'était pas encore connue, {{w|Philippe Henriot}}, secrétaire d'Etat à la propagande du gouvernement de Vichy, était assassiné, sous les yeux de sa femme, au ministère de l'information à Paris par un groupe de résistants du COMAC ({{w|Comité d'action militaire}}) qui s'étaient fait passer pour des miliciens. L'un de ses fils, membre du NSKK (Nationalsocialistische KraftfahrKorps : formation militarisée rassemblant les chauffeurs nazis), était reparti la veille pour le front. Ainsi se taisait définitivement la voix de l'orateur talentueux que les Français entendaient sur les ondes de ''Radio-Paris'', en opposition totale aux voix des Français libres s'exprimant de Londres dans l'émission "''Les Français parlent aux Français''".
 
Des obsèques nationales eurent lieu le samedi 2 juillet à Notre-Dame de Paris, présidées par le cardinal Suhard, archevêque de Paris, en présence du chef du gouvernement, Pierre Laval et d'Otto Abetz, ambassadeur d'Allemagne. Des milliers d'affiches avaient été collées dans Paris : "Il disait la vérité, ils l'ont tué."
Des obsèques nationales eurent lieu le samedi 2 juillet à Notre-Dame de Paris, présidées par le cardinal Suhard, archevêque de Paris, en présence du chef du gouvernement, Pierre Laval et d'Otto Abetz, ambassadeur d'Allemagne. Des milliers d'affiches avaient été collées dans Paris : "Il disait la vérité, ils l'ont tué."


Le journal l'''Ouest-Eclair'' du 3 juillet en rendit compte, mais au verso de la feuille unique, on trouvait d'étranges avis d'obsèques de Rennais. Dans toute la France, par mesure de représailles, 150 assassinats de citoyens avaient été décidés, dont celui de l'ancien ministre {{w|Georges Mandel}}, le 7 juillet. L'ordre avait été donné aux miliciens de les faire disparaître dans la nuit du 30 juin au Ier juillet.
Le journal l'''Ouest-Eclair'' du 3 juillet en rendit compte, mais au verso de la feuille unique, on trouvait d'étranges avis d'obsèques de Rennais décédés "accidentellement". Dans toute la France, par mesure de représailles, 150 assassinats de citoyens avaient été décidés, dont celui de l'ancien ministre {{w|Georges Mandel}}, le 7 juillet. L'ordre avait été donné aux miliciens de les faire disparaître dans la nuit du 30 juin au Ier juillet.


Ce fut le cas à Rennes où quatre Rennais furent abattus par des miliciens appartenant au C.E.N.S., le {{w|Cercle d'études national-socialiste}} de {{w|Raymond du Perron de Maurin}} (journaliste collaborateur qui s'enfuira en Allemagne et sera fusillé en 1946). Cinq désignations avaient été faites, dont l'ancien maire, [[François Château]] et quatre attentats exécutés : contre le fils de M. [[Louis Volclair]], libraire tué sur son lit à la clinique de la Sagesse, probablement par erreur à la place de son père, vieux militant socialiste; M. Gaëtan Hervé, secrétaire général de la Mairie, qui aurait été abattu en pyjama dans la [[rue de Coëtquen]] par une patrouille allemande rencontrée malencontreusement alors qu'il tentait de fuir les miliciens;<ref> ''Mémoires d'un Français moyen'', par René Patay - 1974 </ref> M. [[Pierre Lemoine]], greffier près la Cour d'Appel, blessé à l'entrée de son appartement au Palais de justice et achevé à la mitraillette dans les combles dont des poutres de la charpente gardaient des traces de balles en arc de cercle,<ref> visite sur place de Gilbert Guillou et de son père en compagnie du gardien, après la Libération</ref> et contre Oscar Leroux, adjoint au maire, blessé à l'épaule par un de ses agresseurs et qui ne dut son salut qu'à l'arrivée inopinée de policiers français.
Ce fut le cas à Rennes où trois Rennais furent abattus par des miliciens appartenant au C.E.N.S., le {{w|Cercle d'études national-socialiste}} de {{w|Raymond du Perron de Maurin}} (journaliste collaborateur qui s'enfuira en Allemagne et sera fusillé en 1946)<ref>[[À Rennes, Du Perron de Maurin, chasseur de Juifs puis milicien]]</ref>. Sept désignations avaient été faites, dont l'ancien maire, [[François Château]] et quatre attentats exécutés : contre le fils de M. [[Louis Volclair]], libraire tué sur son lit à la clinique de la Sagesse, probablement par erreur à la place de son père, vieux militant socialiste ; M. Gaëtan Hervé, secrétaire général de la Mairie<ref> [[boulevard Gaëtan Hervé]]</ref>, qui aurait été abattu en pyjama dans la [[rue de Coëtquen]] par une patrouille allemande rencontrée malencontreusement alors qu'il tentait de fuir les miliciens<ref>''Mémoires d'un Français moyen'', par René Patay - 1974 </ref> ; M. [[Pierre Lemoine]], greffier près la Cour d'Appel, blessé à l'entrée de son appartement au Palais de justice et achevé à la mitraillette dans les combles dont des poutres de la charpente gardaient des traces de balles en arc de cercle <ref> [[rue Pierre Lemoine]] </ref> Visite sur place de Gilbert Guillou et de son père en compagnie du gardien, après la Libération, et contre Oscar Leroux<ref>[[Boulevard Oscar Leroux]]</ref>, adjoint au maire, blessé à l'épaule par un de ses agresseurs et qui ne dut son salut qu'à l'arrivée inopinée de policiers français.


En outre, du 8 au 30 juin, 63 personnes furent passées par les armes en Ille-et-Vilaine sur ordre du tribunal militaire allemand.<ref>''Les Fusillés'', par Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty. Editions de l’Atelier</ref>
En outre, du 8 au 30 juin, 63 personnes furent passées par les armes en Ille-et-Vilaine sur ordre du tribunal militaire allemand<ref>''Les Fusillés'', par Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty. Editions de l’Atelier</ref>.


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===références===
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