Portrait d'habitant : Alain, toujours en action

Alain, aujourd’hui à la retraite après une carrière dans le milieu hospitalier, n’est pas du genre à couler des jours tranquilles et à regarder le monde défiler sans réagir !

Arrivé à Rennes sur un coup de tête en 1972, il achètera avec sa femme une maison rue du Verger, dans laquelle ils vivent toujours et qu’ils retaperont de fond en comble. Véritable coup de cœur pour le quartier Saint-Hélier, il s’y investira par la force des choses.

En effet, deux ans à peine après leur arrivée, le couple sera vite confronté aux inondations de 1974 dans des circonstances qui le font rire : « C’était en novembre, je m’en rappelle parce que c’était le mariage de ma sœur et c’est nous qui organisions la soupe à l’oignon en fin de soirée. Donc on était à Bédée en plein repas et on entendait qu’à Rennes il y avait des inondations mais bon, on n’a pas cherché… sans plus. Et puis on est arrivés vers deux heures du matin, tous, le cortège et là on s’est dit : « Tiens, c’est bizarre, il y a les pompiers, les flics, tout ! ». (…) Donc on s’est organisés avec les autres pour déménager et après on a fait la soupe… mais tout était inondé ! ». Jusqu’à ce jour, Alain était plutôt investi dans le hockey sur glace en tant que coach mais cet événement lui insuffla l’envie de se battre pour améliorer son environnement quotidien, le bien-être et par conséquent le bien-vivre à Saint-Hélier.

Les débuts d’une aventure associative

Cette volonté se traduisit dans un premier temps par la mobilisation des habitants pour amener la ville à faire quelque chose afin de les protéger des crues de la Vilaine une bonne fois pour toutes ! Première victoire pour Alain et ses comparses.

En 1993, l’association de quartier Laënnec – Saint-Hélier – Gares voit le jour et Alain y adhère sans hésitation dès le commencement. Cette association sort de l’ordinaire car elle regroupe autant des commerçants, nombreux avec la rue Saint-Hélier qui en compte plus de 80, que de particuliers. « Dans le quartier, c’était aussi bien des proviseurs, des avocats, des notaires, des maçons, des apprentis ; il y avait beaucoup d’étudiants et il y avait une certaine dynamique qui s’était mise en place ». À l’image de ce quartier « toujours en mouvement », l’association sera porteuse de nombreux projets, alors rien de surprenant lorsqu’Alain, plein d’énergie et d’idées se retrouve propulsé à la présidence de l’association.

Entouré d’une équipe de choc, Alain sera sur tous les fronts : présents à tous les ateliers organisés en vue de refaire la rue Saint-Hélier ; la Brasserie également afin de conserver certains vestiges (ils iront jusqu’à Nantes pour visiter l’ancienne usine LU) ; le travail réalisé sur l’axe Est-Ouest depuis 1989 ; le projet mis en place avec les écoles sur le Square des Français Libres consistant à planter des bulbes de jonquilles avec les enfants et parents pour lui redonner son éclat et éviter la présence de marginaux, devenus relativement nombreux jusqu’aux années 2000 dans le secteur… Tout cela avec un objectif sous-jacent : maintenir l’esprit de solidarité qui règne dans le quartier, car selon lui, dans une société de plus en plus individualiste, seules des actions attirant des personnes ayant un intérêt commun à un moment donné peuvent perpétuer cet état d’esprit.

Alain n’est pas un homme pressé, il fait preuve de patience car il a bien compris qu’avec un peu d’entêtement, on arrive toujours à ses fins. Prenons comme exemple le cas de la passerelle Odorico. Il lui aura fallu attendre 14 années pour obtenir gain de cause. Cette passerelle, qui se situera rue Alain Gerbault, a d’autant plus d’importance qu’elle sortira de son isolement « la Petite Californie » et permettra de faire le lien entre le Nord et le Sud, autrement dit Saint-Hélier et la Gare, en permettant aux cyclistes et piétons de franchir la Vilaine. Alain profitera de l’occasion de l’inauguration pour créer un festival intergénérationnel qui regroupera les six associations du quartier : Pari-Rennes, le Cercle Paul Bert, l’Espace des deux Rives, Le Pôle Bert, Alphonse Guérin et la leur. Mais au-delà, il souhaite attirer du monde afin de d’amener des habitants à s’investir dans l’association de quartier car sa crainte et celle de l’équipe est qu’une fois partis, il n’y aura personne pour prendre la relève : « Les gens, quand ils viennent, sont surtout consommateurs, il y a moins d’investissement. Cela demande du temps, il faut être souple ».

Un quartier ouvert

Selon Alain, le quartier serait divisé en trois : une partie plutôt bourgeoise, un autre plus populaire et enfin une dernière plus démunie. Cette distinction lui paraît flagrante dans la rue Saint-Hélier si nous observons les commerces existants : du Théâtre National de Bretagne à l'avenue Louis Barthou, ce sont essentiellement des métiers de bouche que nous rencontrons, puis jusqu’à la rue de la Crêche plus ou moins, nous avons des banques, des médecins et enfin, en troisième partie, nous retrouvons tout ce qui est plus utilitaire comme des petits supermarché, PMU, primeurs…

Cependant, la rue Saint-Hélier reste une des seules rues de Rennes qui a su conserver ses nombreux commerces même si « Avant, les commerçants vivaient au-dessus. Maintenant, ils vivent à 20-30 km donc cela change la donne quant à l’investissement dans le quartier ». Néanmoins, ce que nous pouvons retenir de ce quartier et qui le rend atypique est que : « On n’a jamais voulu être enfermés : nous, nous sommes Saint-Hélier, mais on s’ouvre à l’extérieur. Notre association va jusqu’à la rue de Châteaugiron et la rue de Vern, ce qui nous permet de connaitre un petit peu tous les projets qui se mettent en route. Il y a beaucoup d’interactions avec les autres quartiers ».

Et lorsque je lui pose la question de savoir quels sont les changements, passés ou futurs, pour lesquels il apporte sa désapprobation, Alain est incapable de répondre. En dehors d’une hausse significative du coût d’achat du logement, il reste muet… Il est tellement impliqué dans la vie de son quartier, avec l’association, que ce soit par le biais d’actions, d’ateliers organisés par la Ville de Rennes lorsque l’idée d’un projet émerge… le tout fait qu’aucune décision, aucun changement n’échappe aux habitants et commerçants grâce au travail acharné d’Alain et son association.

Alors, entre individualisme et solidarité, Alain a su trouver le point de raccord !

Référence

Portrait réalisé par Georgia Walter, écrivaine public dans le cadre de la Caravane de quartier Thabor – Saint-Hélier – Alphonse-Guérin en Mars 2013.

Zoom sur

Les inondations

 
Les inondations de 1966, rue Alphonse Guérin.
 
Les inondations de 1966, quai de Richemont.

En raison d’un lit peu profond, la Vilaine a provoqué de fréquentes inondations dans la partie basse de la ville et notamment sur le Quartier 2 : Thabor – Saint-Hélier – Alphonse Guérin.

Trois dates  ont marqué les mémoires du quartier : - Janvier 1881 : la plus grande crue du XIXe siècle. Elle s’étend sur une grande partie de la rue Saint-Hélier et de "la Californie". - Octobre 1966 : l'eau envahit les rues Alphonse-Guérin, Saint-Hélier, Paul-Bert, mais submerge également la Chapelle-Boby et le vélodrome. On navigue même en barque près de l’actuel TNB.

Une nouvelle inondation du quartier en 1974 conduit la municipalité à se doter d’un large éventail d'équipements qui ont quasiment supprimé les risques d’inondation.

 
Les inondations de 1974, vue aérienne rue de la Barbotière.