A l'occasion des 80 ans de la libération de Rennes, (re)découvrez l'ensemble des
contributions autour de la Seconde Guerre mondiale et de la libération sur Wiki-Rennes.
« Carrier à Rennes » : différence entre les versions
Aucun résumé des modifications |
Aucun résumé des modifications |
||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
[[Catégorie:Révolution française]] | [[Catégorie:Révolution française]] | ||
[[File:J-b carrier gravure.jpg|200px|right|thumb]] | |||
Jean-Baptiste Carrier, 37 ans, représentant de la Convention en mission, arrive à Rennes le 1er septembre 1793, après avoir passé huit jours à Saint-Malo où il a préparé le terrain pour le terrible Jean-Baptiste Le Carpentier qui y prendra son poste le 15 décembre. <ref> ''La Terreur à Port-Malo'', par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine,t. CVIII, 2004.</ref> Carrier se présente à Rennes "investi de la mission de faire arrêter les ex-députés fugitifs et de rétablir l'harmonie civique dans les départements de la ci-devant Bretagne..." dit-il. Il a fait venir de Saint-Malo neuf compagnies de soldats. Pendant son séjour, qui sera court (cinq semaines), selon la régle établie par la Convention, il descend, accompagné de son secrétaire Poupinet (!) ex-ecclésiastique, à l'ancien hôtel de Montluc, bien national, baptisé hôtel de la Montagne ainsi que la rue où il se trouve, [[rue Saint-Georges]] (actuellement presbytère au n° 15). | Jean-Baptiste Carrier, 37 ans, représentant de la Convention en mission, arrive à Rennes le 1er septembre 1793, après avoir passé huit jours à Saint-Malo où il a préparé le terrain pour le terrible Jean-Baptiste Le Carpentier qui y prendra son poste le 15 décembre. <ref> ''La Terreur à Port-Malo'', par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine,t. CVIII, 2004.</ref> Carrier se présente à Rennes "investi de la mission de faire arrêter les ex-députés fugitifs et de rétablir l'harmonie civique dans les départements de la ci-devant Bretagne..." dit-il. Il a fait venir de Saint-Malo neuf compagnies de soldats. Pendant son séjour, qui sera court (cinq semaines), selon la régle établie par la Convention, il descend, accompagné de son secrétaire Poupinet (!) ex-ecclésiastique, à l'ancien hôtel de Montluc, bien national, baptisé hôtel de la Montagne ainsi que la rue où il se trouve, [[rue Saint-Georges]] (actuellement presbytère au n° 15). | ||
Ligne 31 : | Ligne 31 : | ||
Tel ne fut pas l'avis de son successeur, Esnue-Lavallée, qui, trouvant Pocholle trop libéral car il avait remis beaucoup de gens en liberté,, écrivit le 1er janvier 1794 : "''L'esprit public à Rennes est à la glace, les patriotes et surtout les républicains y sont en petit nombre... Rennes que j'avais élevée à toute la hauteur de la Révolution est dans un état de modérantisme le plus déplorable''" Trois membres du comité de surveillance envoyèrent une adresse à la Convention dénonçant le retour du fédéralisme, du fanatisme et de l'égoïsme de leurs concitoyens indifférents. " ''Voilà les ennemis que Carrier a eu à combattre, il les a frappés de sa massue populaire... Les fédéralistes se cachèrent, les royalistes singèrent le patriotisme, tous ces êtres malfaisants devinrent tout à coup républicains... Tout trembla devant Carrier qui fit incarcérer les coupables et vengea les sans-culottes des outrages qui leur avaient été faits''". Et ils déplorent, qu'après le départ de Carrier, tous ces ennemis relevèrent la tête (... du moins ceux qui ne l'avaient pas perdue !). | Tel ne fut pas l'avis de son successeur, Esnue-Lavallée, qui, trouvant Pocholle trop libéral car il avait remis beaucoup de gens en liberté,, écrivit le 1er janvier 1794 : "''L'esprit public à Rennes est à la glace, les patriotes et surtout les républicains y sont en petit nombre... Rennes que j'avais élevée à toute la hauteur de la Révolution est dans un état de modérantisme le plus déplorable''" Trois membres du comité de surveillance envoyèrent une adresse à la Convention dénonçant le retour du fédéralisme, du fanatisme et de l'égoïsme de leurs concitoyens indifférents. " ''Voilà les ennemis que Carrier a eu à combattre, il les a frappés de sa massue populaire... Les fédéralistes se cachèrent, les royalistes singèrent le patriotisme, tous ces êtres malfaisants devinrent tout à coup républicains... Tout trembla devant Carrier qui fit incarcérer les coupables et vengea les sans-culottes des outrages qui leur avaient été faits''". Et ils déplorent, qu'après le départ de Carrier, tous ces ennemis relevèrent la tête (... du moins ceux qui ne l'avaient pas perdue !). | ||
Après ses exploits à Nantes, Carrier perdit la sienne à Paris, le 16 décembre 1794, suivant de peu ses nombreuses victimes. | Après ses exploits à Nantes, Carrier perdit la sienne à Paris, le 16 décembre 1794, suivant de peu ses nombreuses victimes.<ref> ''Terreur et terroristes à Rennes. 1792-1795'' par B.-A. Pocquet du Haut-Jussé. Joseph Floch, éditeur. Mayenne, 1974</ref> | ||
<ref> ''Terreur et terroristes à Rennes. 1792-1795'' par B.-A. Pocquet du Haut-Jussé. Joseph Floch, éditeur. Mayenne, 1974</ref> | |||
Version du 6 mai 2011 à 07:51
Jean-Baptiste Carrier, 37 ans, représentant de la Convention en mission, arrive à Rennes le 1er septembre 1793, après avoir passé huit jours à Saint-Malo où il a préparé le terrain pour le terrible Jean-Baptiste Le Carpentier qui y prendra son poste le 15 décembre. [1] Carrier se présente à Rennes "investi de la mission de faire arrêter les ex-députés fugitifs et de rétablir l'harmonie civique dans les départements de la ci-devant Bretagne..." dit-il. Il a fait venir de Saint-Malo neuf compagnies de soldats. Pendant son séjour, qui sera court (cinq semaines), selon la régle établie par la Convention, il descend, accompagné de son secrétaire Poupinet (!) ex-ecclésiastique, à l'ancien hôtel de Montluc, bien national, baptisé hôtel de la Montagne ainsi que la rue où il se trouve, rue Saint-Georges (actuellement presbytère au n° 15).
Une mission bien préparée
" Rennes a été la ville sur laquelle toutes celles de la ci-devant bretagne ont modelé leur conduite politique. Il faut donc que là se porte le grand coup de l'organisation civique et la punition des traîtres " expliquera Carrier. Le but est de purger la ville de ses éléments girondins et fédéralistes qui avait voulu lancer, via Caen, une force départementale contre Paris. Carrier s'était fait précéder, en juillet et août, du policier Rousseville, ancien prêtre, qui lui remet son rapport le 5 septembre avec des listes : quinze Rennais bons à être guillotinés, quinze autres à déporter comme incorrigibles, sept à ôter vite de la place (dont l'évêque Le Coz "récalcitrant à la loi sur le costume et fanatisant les campagnes..." et à tous ces mauvais citoyens il ajoute tous les membres des corps constitués, à quelques exceptions près. Puis suit une liste de dix patriotes à porter aux premières places et une autre de douze à placer. Voici un bon programme pour Carrier en matière de personnes à traiter. Et pourtant il se plaindra qu'il lui aura fallu près de huit jours pour choisir les patriotes appelés à remplir les fonctions administratives, tant les bons principes ne sont pas appliqués par la population, les sans-culotte mis à part.
Un Carrier populaire
Feignant d'ignorer les autorités constituées, Carrier se présente d'abord aux sections et à la société populaire naguère dissoute par les Girondins. Unanimement applaudi, il fut reconduit chez lui par une foule chantante et, le lendemain, il fit l'apologie des Montagnards. Le dimanche 8 septembre se déroule sur le champ de Mars une revue de la garnison et de la garde nationale et il s'en prend publiquement à une compagnie des canonniers de la garde qu'il estimait avoir été en contre-révolution ouverte et il les fera d'ailleurs passer tous à l'armée du nord. La cérémonie se termine par la plantation d'un arbre de la liberté sur la place de l'Egalité place du Parlement de Bretagne et on jette dans un bûcher un portrait de Louis XVI et divers attributs du "despotisme". On danse jusqu'à l'aurore et des citoyennes ornées de guirlandes et de feuilles de chêne lui offrent une couronne civique et l'une d'elles chante un couplet à la gloire de la Montagne. Le lendemain, il présente son collègue Pocholle à la société populaire.
Coups de balai au département, au district et à la municipalité
Utilisant les fiches de Rousseville, le proconsul va choisir ses hommes sans avoir à rendre compte. Le directoire du département et son conseil général, qui a beaucoup à se faire pardonner, sont entièrement renouvelés et ont perdu la plupart de leurs pouvoirs. Le district, qui avait pour principale mission l'administration et la vente des biens nationaux et la poursuite des émigrés et des prêtres, fut aussi renouvelé alors qu'il s'agissait d'un docile agent de transmission.
La municipalité tombe sous le joug du comité de surveillance et des sections. Du conseil général de la commnune Carrier ne conserve que quatre notables dont trois sont nommés officiers municipaux ( dont Jean Leperdit)et font partie des quinze ( pour moitié commerçants et artisans) dont Elias est nommé maire, malgré son passé de Girondin. Trente notables leurs sont adjoints. L'installation de la nouvelle municipalité se fit solennellement le 20 septembre dans la grande salle de la maison commune où Carrier et Pocholle annoncèrent les noms choisis puis Elias fit sa profession de foi devant ses concitoyens "qu'un moment d'erreur a fait dévier du grand principe d'unité" et finit en s'adressant à Carrier : "Et toi, doublement montagnard, ( il est né près d'Aurillac) brave et pur Carrier, toi qui as ravivé le feu sacré du patriotisme des Rennais, reçois de tes amis le baiser fraternel, gage assuré de leur amour et de leur reconnaissance".
Le traitement des suspects et ennemis du peuple et... un projet de noyades
En application de la loi des suspects du 17 septembre, la mission principale de la municipalité est de détecter les ennemis du régime, souvent objets de dénonciations, et d'aider à leur détention. On l'invite aussi à combattre les accapareurs. Les suspects sont nombreux, à commencer par les étrangers dont Carrier prend directement la surveillance par le biais du comité du même nom renouvelé lui aussi avec trente hommes à sa dévotion. On envoie les réputés dangereux au Mont-Saint-Michel, faute de place dans les prisons de la porte Saint-Michel, de la tour Lebat et du refuge de la Trinité, les suspectes étant détenues au refuge du Bon Pasteur où le comité refusera l'élargissement de deux soeurs et d'une belle-soeur de l'émigré Chateaubriand. Dans une lettre au comité de Salut public du 27 septembre, il suggère de tranférer les coupables de fédéralisme hors de Rennes, car "quelques patriotes commencent déjà à sentir une fausse humanité pour eux", et nul doute qu'il mette en tête de ces patriotes l'officier public Leperdit désigné par la municipalité comme commissaire aux prisons.[2]
Carrier en a particulièrement contre l'évêque constitutionnel Le Coz, "contre-révolutionnaire et fanatique au dernier période, ce malheureux attise dans toute la ci-devant Bretagne le feu du fanatisme" et il s'emploie à la déportation des prêtres déguisés en paysans et annonce :" Je me propose de faire bientôt des cargaisons de prêtres insermentés amoncelés dans les prisons et d'en donner la conduite à un marin de Saint-Servan connu pour son patriotisme". Il enjoint au district de rassembler à Rennes tous ces prêtres réfractaires, en fait des sexagénaires ou des infirmes ( les valides ont déjà été déportés). Il fait appeler un officier de marine de Saint-Malo qui lui fit observer qu'il lui était impossible de sortir de la rade de Saint-Malo sans s'exposer à une capture par les bâtiments anglais. Aussi fait-il conduire Le Coz et ces êtres "malfaisants" au Mont-Saint-Michel mais n'abandonne pas l'intention de mettre son projet à exécution. On peut penser que l'histoire a failli enregistrer les noyades de Saint-Malo avant celles de Nantes !
Carrier, faute de temps peut-être, ne semble pas avoir fait fonctionner, à Rennes, la guillotine mais il envoie à Paris des prisonniers contre-révolutionnaires, complices de La Rouërie destinés au tribunal révolutionnaire où les risques de condamnation à mort sont majeurs. Il prend un arrêté de séquestre des biens de 15 Girondins absents, jusqu'à ce qu'ils se constituent prisonniers (dont Jean-Denis Lanjuinais, Le Graverend,Le Chapelier. Tous se rendent, sauf trois. Devant eux, dans la grande salle du Palais, Carrier énumère leurs "crimes" en présence du peuple de Rennes qu'il dit approbateur.
Carrier vante son action à Rennes
Carrier a quitté Rennes le 5 ou 6 octobre pour Nantes. Dans la première lettre qu'il écrivit de Nantes il assure :"Nous avons eu à rennes nos collègues Jeanbon Saint-André et Prieur de la Marne qui ont été contents de l'énergie républicaine qui se développe à Rennes.... Le mouvement heureux et rapide que nous y avons imprimé se propage dans toute la Bretagne." d'où il fait rapport à la Convention de son action à Rennes. Après avoir dit avoir trouvé le peuple de Rennes très patriote, il vante la société populaire mais indique que " Le fédéralisme apparut dans toute sa nudité, les autorités constituées furent renouvelées, le peuple applaudit à mon courage(...) Les administrations fédéralistes avaient pris cent mille livres dans les caisses publiques, je les forçai de se soumettre à les reverser dans les caisses de la nation.(...) Je reçus une nouvelle mission qui m'appelait à Nantes. Je quittai aussitôt Rennes, laissant après moi les regrets les plus honorables. J'emportai la douce jouissance d'avoir mis cette commune à toute la hauteur de la Révolution.(...) Nous avons destitué tout ce qu'il y avait à Rennes royalistes, feuillants, aristocrates, fédéralistes et modérés en place. Nous avons confié les places à des patriotes éprouvés.
Tel ne fut pas l'avis de son successeur, Esnue-Lavallée, qui, trouvant Pocholle trop libéral car il avait remis beaucoup de gens en liberté,, écrivit le 1er janvier 1794 : "L'esprit public à Rennes est à la glace, les patriotes et surtout les républicains y sont en petit nombre... Rennes que j'avais élevée à toute la hauteur de la Révolution est dans un état de modérantisme le plus déplorable" Trois membres du comité de surveillance envoyèrent une adresse à la Convention dénonçant le retour du fédéralisme, du fanatisme et de l'égoïsme de leurs concitoyens indifférents. " Voilà les ennemis que Carrier a eu à combattre, il les a frappés de sa massue populaire... Les fédéralistes se cachèrent, les royalistes singèrent le patriotisme, tous ces êtres malfaisants devinrent tout à coup républicains... Tout trembla devant Carrier qui fit incarcérer les coupables et vengea les sans-culottes des outrages qui leur avaient été faits". Et ils déplorent, qu'après le départ de Carrier, tous ces ennemis relevèrent la tête (... du moins ceux qui ne l'avaient pas perdue !).
Après ses exploits à Nantes, Carrier perdit la sienne à Paris, le 16 décembre 1794, suivant de peu ses nombreuses victimes.[3]
Notes et références
- ↑ La Terreur à Port-Malo, par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine,t. CVIII, 2004.
- ↑ Histoire de Rennes, sous la direction de Jean Meyer, Privat éditeur. 1972
- ↑ Terreur et terroristes à Rennes. 1792-1795 par B.-A. Pocquet du Haut-Jussé. Joseph Floch, éditeur. Mayenne, 1974