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" Je travaillais aux ateliers SNCF. Rennes était un centre ferroviaire important, avec 3000 cheminots. Les réfugiés du Nord nous racontaient déjà des horreurs sur l'avance allemande. Ce jour-là, le 17 juin, il y avait précisément plusieurs trains de réfugiés dans la gare de triage de la plaine de | " Je travaillais aux ateliers SNCF. Rennes était un centre ferroviaire important, avec 3000 cheminots. Les réfugiés du Nord nous racontaient déjà des horreurs sur l'avance allemande. Ce jour-là, le 17 juin, il y avait précisément plusieurs trains de réfugiés dans la gare de triage de la plaine de Baud, à côté d'un train de soldats et de convois de munitions. Vers 10 heures du matin, '''5 Dornier''' allemands sont venus bombarder la gare de triage. On n'a pas pu évaluer les morts : sûrement plus de 2000 […] Les Espagnols, réquisitionnés pour déblayer, nous disaient:" Vous voyez, ça arrive maintenant chez vous, le fascisme ! Ils gardaient une certaine rancœur contre la république française qui ne les avait pas aidés contre Franco. Ils ramassaient des boîtes de conserve parmi les cadavres; on en rigolait. Seulement, un an plus tard, on a compris, à notre tour ! des gars rampaient sur les corps pour récupérer montres, objets divers. Il y avait même un gars qui ouvrait les vannes d'un wagon de vin, et repartait (les bombes explosaient toujours) ses deux seaux de vin rouge à la main ! Risquer sa vie pour du pinard, c'est bête." | ||
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Vers dix heures, ce dix-sept juin, je parle avec le maire de Chartres-de-Bretagne lorsqu'une violente explosion nous souffle littéralement. Je crois au tir d'une batterie de D.C.A. proche mais m'inquiète, en repartant, de voir la population se cacher sous les pommiers. je file sur [[Bruz]] [...] et vais à La Massaye que les Anglais évacuent en toute hâte. De cette hauteur, j'entrevois ce qui s'est passé. Sous un ciel d'orage particulièrement noir, la ville de Rennes apparaît | Vers dix heures, ce dix-sept juin, je parle avec le maire de Chartres-de-Bretagne lorsqu'une violente explosion nous souffle littéralement. Je crois au tir d'une batterie de D.C.A. proche mais m'inquiète, en repartant, de voir la population se cacher sous les pommiers. je file sur [[Bruz]] [...] et vais à La Massaye que les Anglais évacuent en toute hâte. De cette hauteur, j'entrevois ce qui s'est passé. Sous un ciel d'orage particulièrement noir, la ville de Rennes apparaît tout entière recouverte d'une épaisse fumée ! Je rentre en hâte mais suis arrêté, rue de Nantes, par la défense passive. On entend des explosions du côté de la gare et des rafales de mitrailleuse du côté de la Courrouze. Arrivé bd Magenta, où notre baraquement est abandonné, mais intact, je constate que la gare n'a rien mais qu'une épaisse fumée s'élève des gares de triage d'où viennent des voitures d'ambulance ensanglantées filant vers les hôpitaux ou cliniques... | ||
'''''René Patay''''' <ref> ''Mémoires d'un français moyen'', p. 122-3 - 1974</ref> | '''''René Patay''''' <ref> ''Mémoires d'un français moyen'', p. 122-3 - 1974</ref> | ||
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« Je jouais dans le jardin derrière la petite maison où la famille louait un appartement rue de Paris, face à la fac Beaulieu maintenant. Devant coulait la Vilaine et sur l’autre rive : la plaine de Baud, le grand lieu de triage de la gare de Rennes. Maman était rentrée dans la maison, pour changer ses vêtements afin de se préparer pour partir livrer à vélo son travail de couture faite à domicile : des musettes militaires. Elle me laisserait en garde chez la propriétaire des lieux. Soudain, le bruit des bombes, les vitres volaient en éclat près de moi. Par chance, je n'ai pas été blessée. Maman comprit tout de suite ce qui se passait. Elle tenta, me tenant par la main, de traverser la route qui séparait la maison de la campagne afin de trouver refuge dans un fossé. Je me souviens que l'on courait, mais après je ne me rappelle que d'une chose : j'étais sous une couverture (une capote militaire) et un monsieur me protégeait. Ce monsieur, me dira Maman après, était un militaire et il pleurait. Elle, s'était évanouie en traversant la route et avait été secourue puis transportée là. En le voyant pleurer, et pensant tout de suite à sa fille, elle crut un moment que j'étais morte ; il pleurait car il avait un enfant du même âge et ne savait pas où il était. J'ai le souvenir d'avoir vu des blessés, un en particulier qui semblait n'avoir plus de nez et qui avait le visage ensanglanté, ça frappe une petite fille ! | « Je jouais dans le jardin derrière la petite maison où la famille louait un appartement [[rue de Paris]], face à la fac Beaulieu maintenant. Devant coulait la Vilaine et sur l’autre rive : la plaine de Baud, le grand lieu de triage de la gare de Rennes. Maman était rentrée dans la maison, pour changer ses vêtements afin de se préparer pour partir livrer à vélo son travail de couture faite à domicile : des musettes militaires. Elle me laisserait en garde chez la propriétaire des lieux. Soudain, le bruit des bombes, les vitres volaient en éclat près de moi. Par chance, je n'ai pas été blessée. Maman comprit tout de suite ce qui se passait. Elle tenta, me tenant par la main, de traverser la route qui séparait la maison de la campagne afin de trouver refuge dans un fossé. Je me souviens que l'on courait, mais après je ne me rappelle que d'une chose : j'étais sous une couverture (une capote militaire) et un monsieur me protégeait. Ce monsieur, me dira Maman après, était un militaire et il pleurait. Elle, s'était évanouie en traversant la route et avait été secourue puis transportée là. En le voyant pleurer, et pensant tout de suite à sa fille, elle crut un moment que j'étais morte ; il pleurait car il avait un enfant du même âge et ne savait pas où il était. J'ai le souvenir d'avoir vu des blessés, un en particulier qui semblait n'avoir plus de nez et qui avait le visage ensanglanté, ça frappe une petite fille ! | ||
Notre mère nous a raconté qu’elle courut à la maison détériorée. Plus de fenêtres, les portes arrachées. Elle se précipita pour prendre ses petits billets dans le tiroir de l'armoire. Nouveau drame : tout l'argent avait disparu ! Quelqu’un avait profité de son absence pour piller ses maigres ressources. Et, plus de nouvelles du papa sur le front « On part chez Grand-Mère ! Je me revois très bien derrière maman, sur la petite selle de son vélo. Nous avons traversé la voie ferrée à Cesson et là encore j'ai vu des blessés, du sang. Maman m'a dit : « Ferme les yeux ! » | Notre mère nous a raconté qu’elle courut à la maison détériorée. Plus de fenêtres, les portes arrachées. Elle se précipita pour prendre ses petits billets dans le tiroir de l'armoire. Nouveau drame : tout l'argent avait disparu ! Quelqu’un avait profité de son absence pour piller ses maigres ressources. Et, plus de nouvelles du papa sur le front « On part chez Grand-Mère ! Je me revois très bien derrière maman, sur la petite selle de son vélo. Nous avons traversé la voie ferrée à Cesson et là encore j'ai vu des blessés, du sang. Maman m'a dit : « Ferme les yeux ! » |
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