« Souvenirs du parc du Thabor » : différence entre les versions

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Au début des années quarante et même un peu avant remontent mes souvenirs du Thabor. Ce parc, pour une famille habitant dans le centre, était le lieu de promenade et de jeux le plus apprécié : le jardin Saint-Georges était trop près et sans mystère, presque entièrement offert aux yeux et sans recoins, quant au parc de Maurepas, aux lisières de la ville, ses balançoires, ses tourniquets et son anneau de patinage à roulettes ne pouvaient compenser son éloignement. Pour les Rennais voisins, toute excursion hors la ville étant impossible, le jeudi après-midi ou le dimanche, le Thabor était un lieu de convergence pour la promenade et la détente et pour que les enfants prennent l'air et le bon.
Au début des années quarante et même un peu avant remontent mes souvenirs du Thabor. Ce parc, pour une famille habitant dans le centre, était le lieu de promenade et de jeux le plus apprécié : le jardin Saint-Georges était trop près et sans mystère, presque entièrement offert aux yeux et sans recoins, quant au parc de Maurepas, aux lisières de la ville, ses balançoires, ses tourniquets et son anneau de patinage à roulettes ne pouvaient compenser son éloignement. Pour les Rennais voisins, toute excursion hors la ville étant impossible, le jeudi après-midi ou le dimanche, le Thabor était un lieu de convergence pour la promenade et la détente et pour que les enfants prennent l'air et le bon.


La maman, avec landau ou poussette, montait donc la [[rue Gambetta]] et le [[contour de la Motte]], au square dédaigné, un enfant tenant d'une main la poignée chargée du sac du "quatre-heure" et, éventuellement d'un sac de tricot, les autres trottant à ses côtés, souvent devant, pressés d'arriver. A la grille de la [[place Saint-Melaine]], se tenait un étrange personnage derrière son chariot de friandises : vêtu d'une ample robe, portant des lunettes noires et une toque circulaire à pans de couleurs variées, il proposait bonbons, sucettes et sucres d'orge. Par la suite on trouva là un chariot des glaces Lopez.
La maman, avec landau ou poussette, montait donc la [[rue Gambetta]] et le [[contour de la Motte]], au square dédaigné, un enfant tenant d'une main la poignée chargée du sac du "quatre-heure" et, éventuellement d'un sac de tricot, les autres trottant à ses côtés, souvent devant, pressés d'arriver. À la grille de la [[place Saint-Melaine]], se tenait un étrange personnage derrière son chariot de friandises : vêtu d'une ample robe, portant des lunettes noires et une toque circulaire à pans de couleurs variées, il proposait bonbons, sucettes et sucres d'orge. Par la suite on trouva là un chariot des glaces Lopez.
Une fois passée la grande grille, les souliers crissaient sur les graviers de l'allée : nous n'étions plus en ville : à droite le grand carré Duguesclin avec sa statue et la colonne Vanneau, un peu plus haut l'Enfer, dont le fond plat permettait de jouer au ballon, puis près du manège des chevaux de bois, le '''petit bassin''' sur lequel des garçonnets faisaient naviguer leur petit voilier, voire un bateau à moteur, et le kiosque. Parmi les nombreuses mères de famille et les personnes âgées il s'agissait alors de trouver au moins un siège : place libre d'un banc ou une de ces chaises en fer, dont il fallait acquitter le droit d'usage à la chaisière qui parcourait les allées inlassablement. On retrouvait fréquemment des "petits amis", occasion pour jouer à cache-cache ou aux gendarmes et aux voleurs, hors de vue des mamans, dans le secteur chahuté et propice aux cachettes de la grotte, de la cascade, avec les escaliers, de l'île avec son ponceau. Mais pas question de couper par les pelouses : des gardes à képi, l'un manchot, tel autre unijambiste, étaient prompts à user du sifflet ou à brandir leur canne pour rappeler à l'ordre les contrevenants. Pour les petits le manège et les biches dans leur enclos, la volière ! Entre les grands dômes miroitants des serres, et le grand cèdre du Liban, ('''*''' ''voir note'' ) les bustes ou statues, près des bassins, nous retrouvions la maman pour le goûter : tartine de confiture et grenadine, boisson rose et un peu sirupeuse, extraite d'une bouteille thermos dont le bouchon faisait tasse. Ici et là des paons développaient soudain leur roue aux yeux autrement plus magiques que leur "Léon !" perçant.
Une fois passée la grande grille, les souliers crissaient sur les graviers de l'allée : nous n'étions plus en ville : à droite le grand carré Duguesclin avec sa statue et la colonne Vanneau, un peu plus haut l'Enfer, dont le fond plat permettait de jouer au ballon, puis près du manège des chevaux de bois, le '''petit bassin''' sur lequel des garçonnets faisaient naviguer leur petit voilier, voire un bateau à moteur, et le kiosque. Parmi les nombreuses mères de famille et les personnes âgées il s'agissait alors de trouver au moins un siège : place libre d'un banc ou une de ces chaises en fer, dont il fallait acquitter le droit d'usage à la chaisière qui parcourait les allées inlassablement. On retrouvait fréquemment des "petits amis", occasion pour jouer à cache-cache ou aux gendarmes et aux voleurs, hors de vue des mamans, dans le secteur chahuté et propice aux cachettes de la grotte, de la cascade, avec les escaliers, de l'île avec son ponceau. Mais pas question de couper par les pelouses : des gardes à képi, l'un manchot, tel autre unijambiste, étaient prompts à user du sifflet ou à brandir leur canne pour rappeler à l'ordre les contrevenants. Pour les petits le manège et les biches dans leur enclos, la volière ! Entre les grands dômes miroitants des serres, et le grand cèdre du Liban ('''*''' ''voir note'' ), les bustes ou statues, près des bassins, nous retrouvions la maman pour le goûter : tartine de confiture et grenadine, boisson rose et un peu sirupeuse, extraite d'une bouteille thermos dont le bouchon faisait tasse. Ici et là des paons développaient soudain leur roue aux yeux autrement plus magiques que leur "Léon !" perçant.
[[Fichier:Thabor_cedre_du_liban.jpeg|300px|right|thumb| Le grand cèdre du Liban vers 1905]]
[[Fichier:Thabor_cedre_du_liban.jpeg|300px|right|thumb|Le grand cèdre du Liban vers 1905]]


L'heure venait de redescendre vers la maison. Un peu las, nous laissions derrière nous les paons à l'allure si compassée quand ils daignaient faire leur roue multicolore pleine de yeux, les jets d'eau et les poissons rouges,les chaudes plate-bandes de millepertuis. On retrouvait le carré Duguesclin en ignorant les jeunes soldats boches convalescents qui, torses nus sur un toit terrasse du lycée de filles, hélaient parfois une jeune Rennaise.
L'heure venait de redescendre vers la maison. Un peu las, nous laissions derrière nous les paons à l'allure si compassée quand ils daignaient faire leur roue multicolore pleine de yeux, les jets d'eau et les poissons rouges,les chaudes plate-bandes de millepertuis. On retrouvait le carré Duguesclin en ignorant les jeunes soldats boches convalescents qui, torses nus sur un toit terrasse du lycée de filles, hélaient parfois une jeune Rennaise.


On redescendait le [[Contour de la Motte]] et la [[rue Gambetta]] et, de retour, on disait à papa qu'on s'était bien amusés.
On redescendait le [[Contour de la Motte]] et la [[rue Gambetta]] et, de retour, on disait à papa qu'on s'était bien amusés.
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Quand il était petit, les jardins du Thabor étaient sa cour de récréation. Et, quand il était petit, c'était en 39-45, dans une ville occupée par les Allemands. « Je pense qu'il y a peu de gens de ma génération qui peuvent apporter ce témoignage. Il n'y avait que les enfants du coin qui venaient jouer dans ce parc. C'était trop compliqué de traverser une ville avec des Allemands dans toutes les rues. »
Quand il était petit, les jardins du Thabor étaient sa cour de récréation. Et, quand il était petit, c'était en 39-45, dans une ville occupée par les Allemands. « Je pense qu'il y a peu de gens de ma génération qui peuvent apporter ce témoignage. Il n'y avait que les enfants du coin qui venaient jouer dans ce parc. C'était trop compliqué de traverser une ville avec des Allemands dans toutes les rues. »


Georges Dorer, né en 1930, passe son enfance [[rue de Viarmes]]. Les échos de la première guerre ne sont pas loin. La ville est en pleine expansion, on pose les dernières pierres de la [[piscine Saint-Georges]] et de la halle centrale. Mais le petit Georges allait souvent au [[parc du Thabor]] le jeudi ou après l'école, il y retrouvait des copains.
Georges Dorer, né en 1930, passe son enfance [[rue de Viarmes]]. Les échos de la première guerre ne sont pas loin. La ville est en pleine expansion, on pose les dernières pierres de la [[piscine Saint-Georges]] et de la halle centrale. Mais le petit Georges allait souvent au [[parc du Thabor]] le jeudi ou après l'école, il y retrouvait des copains.


« Je me souviens qu'à mon époque, à gauche de l'entrée nord, il y avait déjà un café qui faisait un peu restaurant, près du kiosque à musique, du manège et du bassin où on faisait nager nos bateaux. »  
« Je me souviens qu'à mon époque, à gauche de l'entrée nord, il y avait déjà un café qui faisait un peu restaurant, près du kiosque à musique, du manège et du bassin où on faisait nager nos bateaux. »  
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« Le Thabor a été bombardé. Combien de fois, je ne sais pas. Dès qu'on entendait les douze coups de la sirène, on allait s'abriter à la cave. »
« Le Thabor a été bombardé. Combien de fois, je ne sais pas. Dès qu'on entendait les douze coups de la sirène, on allait s'abriter à la cave. »


En 1944, <ref>[[bombardement du 17 juillet 1944]]</ref> Georges a 14 ans, son ami Jacques Floch aussi. « C'était un camarade de lycée, on avait le même âge. Un soir, il rentre du Thabor et dit à sa mère : 'Je n'ai pas faim ce soir, je vais me coucher.' Le lendemain, il était décédé. Il avait reçu un éclat de bombe dans le bulbe rachidien.  
En 1944<ref>[[bombardement du 17 juillet 1944]]</ref>, Georges a 14 ans, son ami Jacques Floch aussi. « C'était un camarade de lycée, on avait le même âge. Un soir, il rentre du Thabor et dit à sa mère : « Je n'ai pas faim ce soir, je vais me coucher ». Le lendemain, il était décédé. Il avait reçu un éclat de bombe dans le bulbe rachidien.  
Pendant l'occupation, des Allemands venaient se reposer au Thabor devant les serres. Devant, il y avait des tranchées couvertes. Ils s'y abritaient pendant les bombardements.
Pendant l'occupation, des Allemands venaient se reposer au Thabor devant les serres. Devant, il y avait des tranchées couvertes. Ils s'y abritaient pendant les bombardements.
Dès 18 h, chacun devait rentrer chez soi, couvre-feu oblige. Et aujourd'hui, je ne vais plus m'y promener. Enfin, j'y vais, mais mentalement... Je m'en souviens comme si c'était hier».  
Dès 18 h, chacun devait rentrer chez soi, couvre-feu oblige. Et aujourd'hui, je ne vais plus m'y promener. Enfin, j'y vais, mais mentalement... Je m'en souviens comme si c'était hier».  


Georges Dorer, 82 ans en 2012
Georges Dorer, 82 ans en 2012
==références==
 
<ref> ''Il garde la mémoire du Thabor sous l'Occupation'' Ouest-France, 2 août 2012</ref>
==Références==
<ref>''Il garde la mémoire du Thabor sous l'Occupation'' Ouest-France, 2 août 2012</ref>


[[Catégorie:Un lieu, un souvenir]]
[[Catégorie:Un lieu, un souvenir]]
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