« Amand Bazillon résistant » : différence entre les versions

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Je vois encore la couche de paille fraîche, bien jaune, un corps inerte gisant par dessus, des adultes qui discutent en l’observant, sans élever la voix et l’odeur fade qui flottait en ce lieu. On ne m’a pas interdit d’être là, de le regarder comme s’il s’agissait d’un spectacle de la vie quotidienne. Cette période de l’occupation nous a accoutumé à vivre des évènements qui témoignent du peu de valeur  accordée à une vie humaine. Chacun s’habituant à cet état de chose. Ce mort aujourd’hui, demain des bombardements suivis quelquefois de corvées de déblaiement pour les hommes valides, des soldats allemands partout.  
Je vois encore la couche de paille fraîche, bien jaune, un corps inerte gisant par dessus, des adultes qui discutent en l’observant, sans élever la voix et l’odeur fade qui flottait en ce lieu. On ne m’a pas interdit d’être là, de le regarder comme s’il s’agissait d’un spectacle de la vie quotidienne. Cette période de l’occupation nous a accoutumé à vivre des évènements qui témoignent du peu de valeur  accordée à une vie humaine. Chacun s’habituant à cet état de chose. Ce mort aujourd’hui, demain des bombardements suivis quelquefois de corvées de déblaiement pour les hommes valides, des soldats allemands partout.  


Des convois de véhicules et de blindés couverts de branchages, circulent sans cesse, sur cet axe Rennes-Brest. Une importante activité des troupes allemandes règne suite au récent débarquement des Alliés en Normandie. Les interventions aériennes des anglo-américains, déjà fréquentes, s’intensifient sur les routes et sur les lignes de chemin de fer en cette fin du mois de juin 1944. L’énervement de la milice et de la Gestapo se manifeste par une recherche plus intense et une répression encore plus vive envers les personnes suspectées d’être des résistants ou sympathisants.  
Des convois de véhicules et de blindés couverts de branchages, circulent sans cesse, sur cet axe Rennes-Brest. Une importante activité des troupes allemandes règne suite au récent débarquement des Alliés en Normandie. Les interventions aériennes des anglo-américains, déjà fréquentes, s’intensifient sur les routes et sur les lignes de chemin de fer en cette fin du mois de juin 1944. L’énervement de la Milice et de la Gestapo se manifeste par une recherche plus intense et une répression encore plus vive envers les personnes suspectées d’être des résistants ou sympathisants.  


Un cultivateur (1) trouve dans un de ses champs à Pont Lagot, (le certificat de décès désigne  ''Bel Air''), commune de Vezin-le-Coquet, un homme sans vie, celui d’Amand Bazillon 20 ans. Il charge le corps sur une charrette et le transporte à la mairie école, l’unique endroit public qui offre une place pour déposer provisoirement le défunt. Du haut de mes six ans et demi je regarde avec une grande curiosité ce cadavre qui ne m’effraie ni ne m’impressionne. Je le regarde comme un évènement du moment, que la guerre produit. Depuis cinq années que cette guerre durait, depuis quasiment toujours pour moi, curieux, j’écoute les conversations des adultes avec beaucoup d’attention, elles emplissent ma tête d’informations sur les évènements de la guerre, j’essaie de les concrétiser en les imaginant avec tous les fantasmes que peut produire l’esprit d’un enfant. Je les mets en scène sans en avoir vu l’authentique déroulement. La vie me conditionne. Ainsi les évènements qui se produisent, les situations, les conversations des adultes participent progressivement sans doute à me préparer afin d’affronter sans émotion la vue du premier mort que ma jeune existence rencontre.
Un cultivateur (1) trouve dans un de ses champs à ''Pont-Lagot'', (le certificat de décès désigne  ''Bel Air''), commune de Vezin-le-Coquet, un homme sans vie, celui d’Amand Bazillon, 20 ans. Il charge le corps sur une charrette et le transporte à la mairie-école, l’unique endroit public qui offre une place pour déposer provisoirement le défunt. Du haut de mes six ans et demi je regarde avec une grande curiosité ce cadavre qui ne m’effraie ni ne m’impressionne. Je le regarde comme un évènement du moment, que la guerre produit. Depuis cinq années que cette guerre durait, depuis quasiment toujours pour moi, curieux, j’écoute les conversations des adultes avec beaucoup d’attention, elles emplissent ma tête d’informations sur les évènements de la guerre, j’essaie de les concrétiser en les imaginant avec tous les fantasmes que peut produire l’esprit d’un enfant. Je les mets en scène sans en avoir vu l’authentique déroulement. La vie me conditionne. Ainsi les évènements qui se produisent, les situations, les conversations des adultes participent progressivement sans doute à me préparer afin d’affronter sans émotion la vue du premier mort que ma jeune existence rencontre.




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« Fin juin 1944, (en fait il a été arrêté le 16 ou 17 juin) de bonne heure le matin, des éléments de la Milice frappent à la porte de chez Amand Bazillon, l’interpellent et l’emmènent. Il est placé à l’arrière d’une traction noire entre deux miliciens. Un chauffeur est à l’avant».
« Fin juin 1944, (en fait il a été arrêté le 16 ou 17 juin) de bonne heure le matin, des éléments de la Milice frappent à la porte de chez Amand Bazillon, l’interpellent et l’emmènent. Il est placé à l’arrière d’une traction noire entre deux miliciens. Un chauffeur est à l’avant».
   
   
Des Français collaborateurs, des scélérats qui se font passer pour des résistants ont habilement su interroger les habitants des villages alentours. Le résultat de leurs investigations les ont amenés tout droit vers Amand Bazillon qu’ils cueillent ainsi facilement. Il est transporté à la kommandantur de Fougères, puis à la prison départementale, [[boulevard Jacques Quartier]] à Rennes. A t-il été transféré ensuite au poste de la milice, au lieu-dit ''la Croix Rouge'' à Rennes pour y être interrogé ? Je le crois fermement ! Cette maison, lieu de tortures que la Milice occupe, est surnommée «La Météo» parce que située à proximité d’une station météorologique.<ref> [[La Milice quitte Rennes]]</ref> Enfant, me rendant à pied avec ma mère de Vezin-le-Coquet à Rennes, je suis passé plusieurs fois devant ce sinistre lieu. Des chevaux de frise avec du barbelé sont disposés en chicane sur la route. Ce poste de contrôle commande une des entrées de la ville de Rennes. Une sentinelle vêtue d’un uniforme  bleu foncé surveille le passage.  C’est certain ! c’est à cet endroit qu’Amand Bazillon a été amené puis interrogé et torturé, son corps ayant été retrouvé, sans vie, non loin de là. Il n’a, paraît-il, pas parlé.
Des Français collaborateurs, des scélérats qui se font passer pour des résistants ont habilement su interroger les habitants des villages alentours. Le résultat de leurs investigations les ont amenés tout droit vers Amand Bazillon qu’ils cueillent ainsi facilement. Il est transporté à la kommandantur de Fougères, puis à la prison départementale, [[boulevard Jacques Quartier]] à Rennes. A t-il été transféré ensuite au poste de la Milice, au lieu-dit ''la Croix Rouge'' à Rennes pour y être interrogé ? Je le crois fermement ! Cette maison, lieu de tortures que la Milice occupe, est surnommée «La Météo» parce que située à proximité d’une station météorologique.<ref> [[La Milice quitte Rennes]]</ref> Enfant, me rendant à pied avec ma mère de Vezin-le-Coquet à Rennes, je suis passé plusieurs fois devant ce sinistre lieu. Des chevaux de frise avec du barbelé sont disposés en chicane sur la route. Ce poste de contrôle commande une des entrées de la ville de Rennes. Une sentinelle vêtue d’un uniforme  bleu foncé surveille le passage.  C’est certain ! c’est à cet endroit qu’Amand Bazillon a été amené puis interrogé et torturé, son corps ayant été retrouvé, sans vie, non loin de là. Il n’a, paraît-il, pas parlé.


Beaucoup plus tard, à Rennes, c’est en 1946, des proches d’Amand sont convoqués pour reconnaître le corps à partir d’une photo du visage, retrouvée et prise  après son exécution par Monsieur Fernand Bons,  alors maire de Vezin-le- Coquet. Celle-ci montre des traces d’ecchymoses qui confirment bien qu’il a reçu force coups avant d’être exécuté.  
Beaucoup plus tard, à Rennes, c’est en 1946, des proches d’Amand sont convoqués pour reconnaître le corps à partir d’une photo du visage, retrouvée et prise  après son exécution par Monsieur Fernand Bons,  alors maire de Vezin-le- Coquet. Celle-ci montre des traces d’ecchymoses qui confirment bien qu’il a reçu force coups avant d’être exécuté.  
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