Palais du Parlement en 1820 :"attristant" !
Après la Révolution, une remise en état
En 1800, la justice avait retrouvé son antique demeure qui avait été détournée de sa destination. L’architecte de la Commune, le citoyen Philippe Binet, chargé d’établir le devis des travaux nécessaires à la restauration et au nettoyage du Palais, avait fait de son état, au 12 messidor, un écœurant tableau.
Le vestibule du rez-de-chaussée était encombré de dépôts de bois. L’exécuteur y remisait les pièces de l'échafaud qu’il jetait dans le passage, maculées de boue et de sang. Des baraques le remplissaient et obstruaient les fenêtres ; elles étaient occupées, les unes par des blanchisseuses qui pavoisaient la cour du linge bariolé de leurs clients, les autres par l’échoppe de menuiserie du citoyen Dufresne, et par l’imprimerie de la citoyenne Félicité Vatar ; dans le pourtour se trouvaient divers ateliers, l’imprimerie de la citoyenne Bruté, voire des cuisines de restaurateurs.
De tout cela s’échappait, par des tuyaux de poêle, une fumée qui s’attachait en couches épaisses aux voûtes de pierre, lèpre dans laquelle s’allumaient des incendie qui menaçaient de se propager dans le reste de l’édifice. L’escalier ouest était inabordable, devenu un dépôt d’ordures. Le soir, le Temple de la Loi se transformait en Temple de Vénus.
Le 1er étage était presque complètement envahi par des services étrangers à la Justice. Deux salles seulement, situées dans la partie orientale, étaient affectées aux audiences ainsi que l’ancienne grand’Chambre du parlement où les trois sections pouvaient se réunir pour les réceptions, les prestations de serment et les audiences solennelles. Mais le tribunal d’appel n’avait pas la disposition exclusive de ce vaste local ; il lui était commun avec le Tribunal criminel. Le Ministère public n’avait pas, à proprement parler, de Parquet, car on ne pouvait donner ce nom à un appartement intermédiaire, autrefois buvette qui servait de passage et d’issue à plusieurs pièces, notamment à la chambre des vacations.
Toute l’aile occidentale était occupée par l’administration centrale du département qui y avait installé ses bureaux et y tenait ses assemblées. Lorsque la Préfecture se fut, en 1803, transportée à l'actuel hôtel une partie de ces locaux fut assignée à l’École de Droit rétablie qui eut alors son amphithéâtre dans la salle des assises ; une autre partie fut réservée aux travaux du conseil de préfecture et du conseil général.
Enfin, dans l’aile nord du Palais, plusieurs grandes pièces qui servaient jadis de salle d’audience, de salle du conseil et de buvette à la Chambre des requêtes avaient été converties en logement particulier où habitait le secrétaire général de la préfecture avec sa famille. [1] [2].
Une façade délabrée
Vingt ans plus tard, si le palais a recouvré ses utilisations, c'est son extérieur qui laisse à désirer. Le voyageur de 1821 trouve le palais de justice (palais du parlement) "d'un aspect attristant" ! C'est du moins ce que pense un grand voyageur du temps, Régis Jean Vaysse de Villiers, inspecteur des postes-relais qui parcourt tout le royaume et l'Italie, et qui publie en 1822 Région de l'ouest, route de Paris à Rennes. Il reproche au palais le style sévère de l'ordre toscan et "un défaut de proportion entre la hauteur insuffisante de la façade et la prodigieuse hauteur du comble". Il constate que, depuis 1820, "à la couleur grise et sale de la façade, a succédé le triste jaune d'un badigeon" dans sa moitié supérieure. Et la critique négative continue : "Rien de plus claustral que les corridors aux murs bruts et poudreux, aux vitres poudreuses et délabrées". Même si les peintures des salles d'audience trouvent grâce, malgré le caractère énigmatique des allégories, l'édifice est "beaucoup trop vanté". Il regrette, sur la belle place inachevée, la disparition de la statue équestre de Louis XIV par Antoine Coysevox et trouve quand même assez gracieux l'hôtel de ville.
Le la est donné à tous les guides de voyage du 19e siècle qui commettront de Rennes une présentation dans l'ensemble sévère et assez défavorable. Pour le Palais, Girault de Saint-Fargeau plagie Vaysse de Villiers : c'est le style sévère de l'ordre toscan. " On peut lui reprocher un défaut de proportion entre la hauteur insuffisante de la façade, qui n'a qu'un étage, et la prodigieuse hauteur du comble".[3]
Source
- ↑ Devis et cahier des charges dressé par le citoyen Binet. Archives départementales et registre du Tribunal d’appel, 3 juin 1806
- ↑ Rennes en 1800, audience solennelle de la cour d'appel de Rennes, du 16 octobre 1900, discours de M. Denier, avocat général. Imprimerie rennaise, 5 rue Bourbon
- ↑ Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle, par Étienne Maignen, dans Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008
Géolocalisation
48.112778°, -1.677500°