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Les Castors

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L'initiative collective de Rennais bâtisseurs

C'est entre la rue de Châtillon et la rue Albert Gérard, à la la Binquenais, que de courageux et industrieux nouveaux Rennais ont entrepris de créer de leurs mains leur cadre de vie en construisant eux-mêmes, comme les castors, ces rongeurs d'Amérique du Nord qui élèvent des barrages en bois où ils emmagasinent leurs provisions d'hiver.

L'ancien lotissement des "Castors" de nos jours. À gauche le boulevard Louis Volclair

Ainsi, le long de dix rues entre le boulevard Oscar Leroux au nord et le boulevard Louis Volclair au sud, 167 maisons, soigneusement alignées, toutes de la même taille (68 m2), ont été bâties, chacune sur une parcelle de terrain de 242 m2, entre 1953 et 1958 par leurs futurs habitants, dans un esprit de coopération selon les capacités techniques de chacun mise à la disposition des autres, remarquable illustration d'entraide humaine. En 1954 c'est l'initiative des cités d'urgence et l'une d'elle fut montée à Cleunay. Ici, des gens se sont pris par la main et ont agi d'eux-mêmes. Le cahier des charges donnait les règles d'urbanisme régissant l'implantation des maisons jumelées réalisées sur un plan type avec variante (entrée en façade antérieure ou en pignon). Les maisons de TYPE 4 disposent d'un séjour, d'une cuisine et d'un cellier-buanderie au rez-de-chaussée et de 3 chambres et salle d'eau à l'étage ; les maisons de Type 6 comptent 1 chambre supplémentaire à chaque niveau.

Cet épisode d'urbanisme associatif de l'histoire rennaise remonte déjà à 70 ans et des riverains d'aujourd'hui visent à le perpétuer et à en transmettre l'esprit aux actuels habitants de ce "village des Castors". En janvier 2013, une association fut créée officiellement, baptisée « le Village des Castors ».

Maison Castor

Albert Le Moal, en avril 2010, [1] était l'un des deux derniers à avoir vécu la construction du quartier des Castors. Une idée vite reprise pour agrandir ce lotissement unique. Il narre que c'est Pierre Réaudin qui avait lancé l'idée de faire des logements pas trop chers car il avait beaucoup d'enfants mais qu'une petite maison. Trois familles étaient prioritaires puisqu'elles avaient été expulsées. Pour les autres maisons, cela s'est fait au tirage au sort.


Il apporta aussi une information qui met un bé mol sur l'importance de l'initiative : les Castors ont donné des idées à une entreprise, la société Vaillant, qui construisit 90 autres maisons avec le style Castors mais différentes des premières : on les repère à leur rez-de-chaussée surélevé.

Un "village"" en évolution

Les habitants d'aujourd'hui savent qu'ils habitent des pavillons pas comme les autres. « Ces maisons, elles sont costauds, comme ceux qui les ont fabriquées », résume Jérôme Dubois, le président de l' association. « Le quartier est bien situé, près du métro et des commerces. Surtout, il a une forte identité. L'association du « Village des Castors » envisage des animations pour se retrouver entre voisins : galette des rois, braderie, troc aux plantes, entraide pour de menus travaux, etc. Car le quartier a bien changé au fil des décennies. Ouvrier à l'origine, il accueille désormais les classes moyennes. « Dès qu'une maison Castor se libère, il y a beaucoup de candidats à l'achat », témoignent les habitants. Les maisons se négocient autour de 250 000 voire bien davantage. Les valeureux anciens ayant disparu, « la population évolue, rajeunit, reconnaît Mélanie, c'est pour cela que nous voulons transmettre à nos enfants l'histoire des bâtisseurs. »

Témoignages

Albert Le Moal raconta:

« J'étais apprenti, je faisais 70 heures dans la semaine. Et je devais faire 60 heures par mois en plus pour la maison. Tous les dimanches, on construisait les maisons. Et même le soir, après la journée de travail, on travaillait jusqu'à minuit - 1 h du matin. » Ce qui avait le don d'énerver les voisins environnants. Il y eut quelques plaintes pour le bruit la nuit. On demandait de ne pas faire de bruit après 22 h. Ils ont tout fait à la main, même les tranchées d'évacuation des eaux usées. « On n'avait pas de tractopelles comme aujourd'hui. C'était à la pelle, à la pioche, à la barre à mine. Qu'est-ce qu'on en a bavé », se souvient Albert Le Moal. La maison est revenue à 18 000 francs (2 744 €). On avait payé les matériaux aussi' »

Henri Leborgne, 88 ans, retraité soudeur de l’Arsenal, spécialisé dans la production de douilles d’artillerie témoigne :

« Pour adhérer à l’association, j’ai versé 8 000 F. A l’époque, c’était une somme importante, mon salaire mensuel était de 14 000 F» [...], Durant les travaux, chaque adhérent verse une mensualité de 3 500 F. Au fur et à mesure des réunions, l’organisation se précise : des règles strictes et un planning de travail sont mis en place. Très vite le chantier prend de l’ampleur. « Nous avons fait appel à un jeune architecte, Paul Pothier. [...] Deux Castors et comptables de profession obtiennent les matières premières à bon prix. La SNCF leur fournit quelques outils et le directeur de l’Arsenal leur propose de démonter les poudrières en pierres pour construire les fondations de leurs maisons. La première pierre est posée le 31 janvier 1954. Le travail d’équipe s’organise rapidement en corps de métiers : terrassiers, maçons, plâtriers, plombiers. « On ne se connaissait pas tous, certains travaillaient en 3/8. Mais les cinq années de travail acharné n’ont en rien altéré la solidarité et la fraternité qui nous ont toujours unis. » observe Henri Leborgne qui prit en charge le ravalement des façades, lui qui n'avait jamais touché une truelle. Chaque fin de semaine le quartier des Castors était une véritable fourmilière. En 1956 la famille Leborgne put emménager dans son T4 de 68 m2. »

Vue d'ensemble du lotissement
Site en 1950 du futur terrain d'activité des Castors

Références

Ouest-France 17/2/2013 Histoire du Village des Castors : http://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/le-village-des-castors-quartier-bati-par-ses-habitants-830867

Ouest-France 4/10/ 2010

La mémoire des Castors rennais, Henri Leborgne. Place Publique - #11 Mai-Juin 2011 . Pauline Baumer et Alisée Casanova




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  1. Ouest-France, 4 octobre 2010