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Le Bezen Perrot à Rennes
Unité militaire bretonne auxiliaire des Nazis
La convention portant sur cette unité est signée le 11 novembre 1943 entre Célestin Lainé et le colonel Hartmut Pulmer, chef du SD de Rennes. En 1944, le Bezen Perrot, du nom du recteur de Scrignac, Jean-Marie Perrot , qui venait d'être abattu, le 1er décembre 1943, par Jean Thépaut[1], résistant FTP de l'organisation spéciale (O.S.) du parti communiste (Bezen Kadoudal avant décembre 1943), exécution toujours sujet de polémique[2]. Les membres de la formation Perrot étaient très bien payés, avantage s'ajoutant à leur désir de combattre le communisme, les Juifs, les francs-maçons et la démocratie au nom d’une Bretagne qu'ils rêvaient follement séparée de la France et satellite dans une Europe nazie. Ils eurent pour mission initiale de garder l'immeuble de la Gestapo à Rennes (cité des étudiantes, avenue Jules Ferry, où ses membres prenaient leurs repas) et ses prisonniers, mais en vinrent très tôt à participer à la lutte anti terroriste en auxiliaires actifs des Allemands, chargés d’établir des souricières, de torturer ou d'exécuter les résistants. Installée à Rennes avec des bureaux 29 quai d'Ille-et-Rance et des cantonnements 19 Rue Lesage et 19 boulevard de Sévigné, il avait participé depuis le début de l'année à des actions contre les maquis et les résistants de Bretagne[3].
Le recrutement était essentiellement breton. Jean-Marie Bouëssel du Bourg, qui découvre L'Heure Bretonne avec son père, magistrat à Rennes, issu d'une vieille famille bourgeoise, s'était engagé dans le service spécial de Lainé, et suite logique, se fourvoie un temps dans le Bezen Perrot en juin 1944, alors qu'il n'a que 19 ans et son père réussira à l'en tirer avec l'appui du préfet régional Jean Quenette. Certains des plus jeunes veulent venger l'abbé Perrot et lutter contre les « terroristes communistes », d'autres aussi pour échapper au STO. Les plus âgés se sont engagés idéologiquement nationaux-socialistes, anti-démocrates, et séparatistes. La moyenne d'âge est 22 ans[4]. De 60 à 80 Bretons au maximum, encadrés par Ange Péresse et Léon Jasson, avaient donc signé un engagement et portaient en opération l’uniforme des Waffen-SS. Ce n'étaient pas des miliciens. Pour les forces d’occupation, ils étaient Der bretonische Waffenverband der Waffen-SS. L'unité dépendait du Hauptscharfuhrer Hans Grimm (dit Lecomte, Alsacien), chef de la section VI du Sicherheitsdienst (S.D.) de Rennes, personnage puissant malgré son grade subalterne, en poste fixe à Rennes à partir de 1941. Bras droit du colonel Pulmer,« cet adjudant de 45 ans qui parle parfaitement le français, occupe une maison avec sa maîtresse, originaire de Bruz, au 26 rue Saint-Melaine à Rennes"[5], s'occupant de la répression anti-terroriste, en sus des questions d'espionnage et des relations avec la jeunesse et la presse. L'Obersturmbannfuhrer Hartmut Pulmer, chef su Sipo/SD, avait la responsabilité directe des unités qui combattaient les maquis de Bretagne et l’adjudant Erich Froboese, originaire de Magdebourg, chef de la section 3 du SD, avait le Bezen Perrot sous sa coupe. L'activité des autonomistes bretons était sous les ordres de l'indépendantiste Célestin Lainé (SS-Untersturmführer) et du SS-Untersturmführer Wild (Alsacien, 2e commandant de l’unité). On y trouvait aussi les Obercharführer Goulven Jacq "Maout" et Alan Heusaff.
Chasseurs féroces de résistants bretons
Lorsque les Allemands décidaient une opération contre un réseau de résistance ou un maquis, ceux-ci avaient déjà été infiltrés ou repérés par des agents français du SD. Se distingua particulièrement la quinzaine de membres du Groupe d'action du P.P.F. qui s'installa le 8 juin 1944 au 25 rue d'Échange. À partir de mai 1944, la Milice[6], le GAJS[7], la Selbstschutzpolizei[8] et la formation Perrot furent directement impliqués dans des opérations de combat et dans des interrogatoires violents. Avant, seule sévissait la formation Perrot ; son rôle se limitait alors à des activités de surveillance, gardes et souricières. Le plus souvent, ces différentes unités ont agi ensemble, au côté de soldats allemands et encadrées par des membres du SD, dans les quatre départements bretons.
Dès juin 1944, certains s'étaient enfuis en Allemagne, tel Fred Moyse qui se fit naturaliser allemand. Le 11 juillet 1944, les militaires allemands arrêtent à Canihuel au cours d’une opération de police cinq résistants qui furent emprisonnés deux jours dans la cave de la maison du notaire Souriman, à Bourbriac (22), puis dirigés à l’école d’Uzel-sur-l’Oust. Après avoir été martyrisés, les cinq Résistants sont assassinés par les Allemands et des membres du Bezen Perrot et de la Selbstchutzpolizei, le 16 juillet. Et le samedi 29 juillet, ils sévissent encore à Rennes ; dans l'après-midi, Geffroy et Botros qui s'étaient fait passer le matin pour des Résistants, se présentent au café « La Chaumière », situé au 6, rue du Lycée font arrêter par Ange Péresse, le chef des opérations du Bezen, en uniforme Waffen SS, Léontine Bohuon et ses deux frères, Francis et Eugène Bohuon, résistants FTP qui seront affreusement torturés au siège du SD, avenue Jules Ferry. Eugène ne reviendra pas du camp de concentration de Dachau[9].
Août 1944, la fuite
Mais le 1er août, les troupes américaines sont aux portes de Rennes. Célestin Lainé envoie ses lieutenants Ange Péresse et Léon Jasson à la recherche des « gours » de la Bezen afin que ceux-ci rejoignent la rue Lesage, centre de rassemblement. Il se rend avenue Jules Ferry, au siège de la Gestapo, pour mettre au point avec Pulmer les modalités du repli et organiser les convois et les itinéraires. Le soir, un premier contingent de trente membres de la Bezen, mêlé à un groupe d'employés de la Gestapo, prend la route. Le 2 août, les archives ayant été brûlées dans l'après-midi, rue Lesage, le reste suit avec des collaborationnistes notoires, tels l'imprimeur de « l'Heure bretonne », Marcel Guieysse, Roparz Hemon, fondateur de l'Institut celtique, Jos Youenou, beau-frère de François Debeauvais [10] [11]. À l’étape de Paris, les désertions se multiplient : certains (comme celui qu’on surnomme "Tintin la Mitraille") rejoignent les FTP, d’autres les FFI (Le Bihan...) et quelques-uns enfilent discrètement des vêtements civils...
Célestin Lainé et les reliquats du Bezen Perrot, une trentaine, fuirent vers l'Allemagne, participant à Troyes au massacre de 47 résistants[12]. Ils eurent le choix entre travailler dans des usines allemandes, ou suivre un cours de radio-opérateur au titre de l'Abwehr. Jean Flouriot, jeune inspecteur de police, résistant membre du Front national, fut chargé d'identifier les membres de la Bezen. Du jour au lendemain, il obtint d'un incarcéré, qui faisait en fait fonction de trésorier, sur papier les renseignements voulus, et celui-ci ne passa en Cour de justice que plus tard, sauvant sa vie[13]. La plupart furent arrêtés en tentant de rentrer en France. Sur l'ensemble des Waffen-SS du "Bezen Perrot", trois moururent au combat, un fut exécuté par la Résistance, un mourut durant un interrogatoire effectué par la Résistance et un qui avait "retourné sa veste" fut exécuté par les Allemands. Célestin Lainé se réfugia en Irlande.
Les principaux membres du Bezen Perrot:
1. SS-Untersturmführer Célestin Lainé – Réfugié en Irlande à la Libération, condamné à mort par contumace. Mort en 1983 à Dublin, Irlande.
2. SS-Sturmscharführer Ange Péresse - Condamné à mort par contumace. Naturalisé allemand après la guerre, mort à Munich en 1984.
3. SS-Untersturmführer Wild (Alsacien) – 2e commandant de l’unité.
4. SS-Hauptsturmführer Hans Grimm alias Lecomte (Alsacien) – Commandant nominal . 5. SS-Oberscharführer Erich Froeboese (Allemand) Quartier Maître
6. SS-Oberscharführer Goulven Jacq "Maout"
7. SS-Oberscharführer Alan Heusaff – Condamné à mort par contumace. Réfugié en Irlande, décédé en 1999.
8. SS-Mann Marcel Bibe – Condamné à une peine de prison le 17 juillet 1945.
9. SS-Oberscharführer Léon Jasson – Exécuté au stand de tir de Coëtlogon à Rennes le 17 juillet 1946, inhumé le jour même au cimetière de l'est à Rennes. Sa tombe est la seule à avoir fait l'objet d'une concession perpétuelle, où quelques rares nostalgiques du PNB se réunissaient il y a encore quelques années devant sa tombe[14].
Beaucoup de résistants étaient affiliés au Parti communiste et négligeaient l’héritage culturel breton. Aussi, malgré son faible effectif sans commune mesure avec le nombre des résistants, le PNB parut comme le principal occupant de l'espace politique et culturel breton. Cette apparence et les actions ignobles du Bezen Perrot contribuèrent, à tort mais fortement, à décrédibiliser, pendant les années d’après-guerre, l’ensemble du mouvement breton, frappé d'opprobre, au plan national et même en Bretagne.
Bibliographie
- Kristian Hamon, Le Bezen Perrot (1944 : des nationalistes bretons sous l'uniforme allemand), Yoran Embanner, Fouesnant 2004, ISBN 2-9521446-1-3
Références
- ↑ Jean-Marie Perrot, 12 décembre 1943. Un crime communiste, par Yves Mervin - 2023
- ↑ La mort de l"abbé Perrot, une plaie mal refermée. Ouest-France, page Bretagne. 9 déc. 2023
- ↑ https://kristianhamon.blogspot.com/
- ↑ http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2016/07/vie-et-destins-de-l-emsav-quatrieme-partie-le-mouvement-nationaliste-breton-dans-la-collaboration-par-ismael-dupont.html
- ↑ Archives secrètes de Bretagne 1940-1944 Henri Fréville
- ↑ La Milice à Rennes
- ↑ Le Groupe d'action pour la justice sociale
- ↑ En 1944 une Selbstschutzpolizei à Rennes
- ↑ 29 juillet 1944, une des dernières rafles à Rennes. Blog de Kristian Hamon -16 juin 2015
- ↑ Jos Youenou, mort le 14 février 1945 des mauvais traitements subis au camp d'internement du Strüthof
- ↑ 1er-4 août 1944: l'étrange libération de Rennes p. 192. Étienne Maignen. Editions Yellow Concept - Oct. 2017
- ↑ http://francoisemorvan.com/histoire/un-crime-de-guerre-impuni/
- ↑ Conférence les Heures sombres à Rennes par Kristian Hamon et Jean Flouriot. Archives municipales, 24 mai 2012
- ↑ https://www.bezenperrot.bzh/leon-jasson