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La Petite Thébaudais
Manoir et ferme dans la campagne rennaise
La Petite Thébaudais est un lieu-dit qui se situait dans la campagne rennaise, à l'endroit actuel de rencontre de la rue Adolphe Leray avec le boulevard Oscar Leroux, à l'emplacement de l'actuel collège de la Binquenais. Il y avait ici jusqu'en 1955 une demeure bourgeoise et une ferme dont les bâtiments ont été détruits après 1958. Les plans de Rennes édités par J. Larcher situaient ces constructions en bordure du chemin vicinal n°10, ainsi que la Grande Thébaudais, en face de la rue du Docteur Ferrand. Ce chemin serpentait entre fermes et manoirs : la Goupillais, la Binquenais, les Écotais, la petite Thébaudais, les Cormiers, le Gacet, le Petit Thorigné, Le Landrel, les Hautes Ourmes.
En 1664, la Thébaudais au Coq appartenait à Julien Fontaine, marchand de vin en Saint-Hélier. Elle comprenait un corps de logis de 54m2 au sol, "bâti de masonnail et terre", couvert d'ardoise comportant salle basse avec cheminée, une grille de fer à la fenêtre, un cellier à l'ouest, un escalier à vis donnant sur une chambre haute, un siège de latrines, un grenier, et un autre logis de 48 m2 composé d'une étable avec cheminée et cellier à l'est du précédent, et au sud une petite écurie de 14m2, ainsi qu'un four et un fournil de 20,6m2 et corps de logis de 54 m2 à l'ouest du fournil sur poteaux de bois, couverts d'ardoise et un autre de 88m2 avec pressoir, cuve, auge de pierre, avec une cour de 10 ares close de mur avec grand portail et petite porte à l'est, un jardin arboré de 10 ares à l'ouest, un jardin planté d'arbres fruitiers, l'ensemble du domaine s'étendant sur plus de 15 hectares. En 1811, Guillaume Augustin de La Croix et son épouse, demeurant aux "ci-devant Jacobins", vendent le domaine à Claude François Deraze-Sédalier et à son épouse, demeurant rue de l'Horloge. L'acquéreur est un négociant bordelais domicilié de fait à Rennes, droguiste, et son épouse Louise Françoise Elias, est la nièce de l'ancien maire de Rennes, Sébastien Elias auquel succéda Jean Leperdit en 1794. A sa mort en 1822, la Petite Thébaudais va servir de maison de vacances à sa fille et ses descendants. Jean Dugas est le fermier.
A la ferme, on trouve en 1845 Julien Mathurin Jouanot et Marie Dugas, son épouse, avec un fermage de 500 F. Les propriétaires de la Petite Thébaudais en 1860, Antoine Guillemot et sa femme, entreprennent de gros travaux sur la maison, en la démolissant et la reconstruisant. Ils ré-édifient en 1863 la maison du fermier. Ils ont pris comme architecte Louis Le Ray. Antoine Guillemot décède en 1875 et deux de ses sœurs héritent et habitent à la belle saison. La ferme de 4ha 52ca est louée aux époux Mallet. Les bâtiments représentent alors 46ca. Une fille d'Antoine décédé en 1908, Elizabeth, épouse de Paul Morel, officier, reçoit la Petite Thébaudais et meurt en 1922. En 1918, Marcellin Charpy, précédemment locataire, acquiert la ferme et les terres d'exploitation pour 37 000F et y mène des jours heureux avec sa famille dont les membres se souviennent avec nostalgie de l'odeur du chocolat chaud, de celle du bouillon liebig, mais aussi de l'odeur de navette du champ d'en face, de celle du crottin, du foin coupé sur les gazons en juin, de l'odeur de coaltar du cabinet de toilette, et du bruit de la chaîne descendant le seau dans le puits et de celui des batteuses à chevaux au moment de la moisson... Pour la bourgeoisie rennaise, la possession d'un terre était, à travers la "retenue" et ses jardins et vergers, un élément de mode de vie et une marque de position sociale [1] Puis la famille Charpy vend la Petite Thébaudais, acquise par Emile François Lefeuvre qui la revend à Pierre Hubert. Les terres d'exploitation sont vendues en 1929 à Charles de Bel Air, le fermier qui avait succédé à son beau-père François Mallet, l'arrière petit-fils de Jean Dugas le fermier de 1812.
Souvenirs à la ferme...
Charles de Bel Air évoque son enfance à la Petite Thébaudais. "La maison de la ferme n'avait que deux pièces : la salle commune et une chambre. Dans la salle commune on faisait la cuisine et deux meubles s'y trouvaient : un vieux lit à colonnes et baldaquin et une table à tirettes qui fermait, sous elle, le rangement, ce qui empêchait d'allonger les jambes pendant le repas, assis que nous étions sur un banc et des chaises, cherchant le bon équilibre sur le sol de terre battue. La chambre comptait plusieurs lits. Dans la grande cheminée de la salle, sur un feu de bois se mitonnaient potage, légumes, lard aux choux. Un trépied supportait l'harassoire à griller les châtaignes ou la poêle à frire. Une grille sur les braises permettait de cuire saucisses et poissons et dans un grand chaudron de cuivre suspendu à la crémaillère chauffait l'eau pour la vaisselle. On s'éclairait à la bougie ou à la lampe à pétrole avant l'arrivée de l'électricité vers 1930. [...]"
"Mon grand-père maternel venait travailler chez mes parents, intéressé par les fleurs, transportant les pots dans une caisse sur sa tête.[...] Pour les charges légères, on attachait le chien sous la voiture à bras. Mes parents allaient, plusieurs fois par semaine, livrer les marchands de légumes et livraient aussi les halles. Le samedi au printemps ils s'installaient place de la Mairie pour vendre les fleurs proposées en godets ou en pots, tandis qu'un commerçant vendait leurs plants de légumes sur la place du Champ Jacquet. Le tout déchargé, nous emmenions le cheval et la voiture au Mail Donge où une auberge disposait d'écuries. Le jeudi nous nous occupions des lapins. Souvent aussi nous parcourions l'exploitation pour surveiller la maturité des fraises, framboises, voire des cerises que nous allions chercher dans l'arbre au risque de tomber. La saison des poires et des pommes suivait pour la plus grande satisfaction de notre gourmandise, en l'absence de nos parents. Nous attendions aussi impatiemment le dimanche. Ce jour-là, en effet, nos cousines qui habitaient à 400 mètres de là, la ferme du Gacet, nous rejoignaient. C'était dans la prairie et les champs des jeux sans fin.
La circulation n'était guère importante sur le chemin vicinal, sauf le dimanche quand les promeneurs le fréquentaient. En semaine, on y voyait surtout les cantonniers cassant les cailloux pour son entretien puis les distribuant entre les nids de poule. Entre la ferme du Cormier et celle du Gacet circulait le petit train départemental; il s'arrêtait une fois par mois à la halte du Cormier et un voyageur en descendait. C'était un événement pour nous qui allions jouer dans la prairie du Gacet où la ferme était séparée du chemin par une grande mare où évoluaient canards, d'où surgissaient des gis et où un grand platane ombrait la route.
Pouvions nous imaginer que, cinquante ans plus tard, des maisons, des immeubles seraient bâtis ici, que des rues sillonneraient ces espaces ?... Au Gacet se trouve maintenant le centre culturel le Triangle. Sur la prairie où nous allions jouer s'en va l'avenue des Pays-Bas et sans doute y a t-on creusé la bouche de métro près de laquelle je gare ma voiture." [2]
En septembre 1939, le Manoir des Ecotais et la ferme voisine de la petite Thébaudais furent réquisitionnés par l’Armée anglaise de décembre 1939 à leur départ, le 16 juin 1940. A la place de l’actuelle tour de la Binquenais, les Anglais avaient installé 100 tentes.
Notes et références
- ↑ Deux maisons de campagne rennaises : la Petite et la Grande Thébaudais, par Jacques Charpy, Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine. t. CI - 1998
- ↑ Le Gacet, le Triangle, sur la Petite Thébaudais, un collège, Rennes, comme toute ville, se construit sur bien des souvenirs. Groupe du vécu de l'UTL. Bulletin d'information de l'Université du Temps Libre du Pays de Rennes - 2012