L’avant dernier guillotiné à Rennes, en 1922 : un parricide
Un chenapan tue son père
Fernand Lagadec, 24 ans, valet de ferme à Parigné, un chenapan, se rend à Romagné, le 25 juillet 1921, et sous prétexte d'un refus de lui donner de l'argent, frappe violemment son père Pierre, 68 ans, ancien garde forestier dans la forêt de Fougères, et, aidé de sa mère, porte l'homme encore vivant vers l'étang voisin où il est noyé. Joséphine Génain, veuve Lagadec, est condamnée à vingt ans de travaux forcés. Le fils est condamné à mort le 16 février 1922 et c'est la plus grande audience criminelle vue en cette enceinte, constate le journaliste et des cris de " À mort ! " sont poussés dans la rue. L'avocat conjure : " Si vous estimez, MM. les jurés, qu'il est coupable, je vous en prie, ne donnez pas à la foule malsaine le spectacle de la guillotine élevée sur une place de Rennes !". Lagadec est déclaré coupable avec préméditation. La grâce présidentielle lui est refusée et il est donc destiné à la guillotine.
Trois mois plus tard, l'exécuteur des « hautes œuvres », Deibler, né à Rennes, arrive de Paris en gare de Rennes, le 18 mai, accompagné de ses trois aides et les « bois de justice », alias "la veuve", dissimulés sous une bâche, y parviennent sur un fourgon, en fin de journée.
Curiosité morbide
Le journal L'Ouest-Eclair annonce que l'exécution aura lieu le samedi matin et "comme d'habitude, des personnes qui recherchent les émotions fortes, espérant assister au petit jour à cette exécution, se trouvaient depuis minuit devant la porte de la prison départementale" (Prison Jacques-Cartier). Et le journal de rappeler la dernière exécution, celle du 18 juillet 1892, où l'assassin d'une jeune fille expia son crime, au coin du Champ de Mars situé entre le boulevard Magenta et le boulevard de la Liberté.
Deux colonnes du journal relatent les préparatifs et l'exécution avec moult détails. Deux aides en cotte bleue posent des cales et un quart d'heure est nécessaire pour le nivelage avec un niveau d'eau, puis ce sont les deux montants hauts de 4 mètres 50, à environ 3 mètres 50 de la porte de la prison, puis le couperet sorti de sa gaine avec la poulie, et le panier dans lequel tombera la tête du condamné est placé devant la lunette. et la bascule, verticale, haute d'un mètre.
Devant la prison, à la sortie des cinémas, des personnes s'assemblent, bientôt une centaine. "Un bec de gaz au coin de la rue Alain Bouchart éclaire le petit espace où se déroulera dans quatre heures la scène brève et tragique. "À 1 heure et demi, 500 personnes sont massées devant la prison. Les curieux en seront chassés énergiquement à 150 mètres en arrière. Les gendarmes forment des barrages à 150 mètres à hauteur de la rue Marcellin Berthelot et de la rue Lobineau. "Grosse désillusion pour les très nombreux curieux qui, en fait d'exécution, ne verront décidément que les casques des poilus et les croupes des chevaux des gendarmes. Une petite pluie fine ajoute encore au caractère lugubre de cette cérémonie". L'arrivée et le montage de la guillotine sont décrits par le menu. Deux aides en cotes bleues. Il est 3 heures et demie.
Un luxe de détails pour les lecteurs
À 4 heures moins 10 une voiture amène l'aumônier et arrivent procureur général, substitut, colonel de gendarmerie, conseiller à la cour, substitut du tribunal de première instance, Baderot médecin [1], gardien en chef. Réveillé à 3h50, Lagadec dormait profondément. Hébété, il reprend vite ses esprits et répond au substitut qui lui dit : "Votre recours en grâce est rejeté... Ayez du courage !" - "Du courage, j'en ai toujours eu jusqu'ici, j'en aurai encore." Il s'habille, et passe une paire de sandales, car, parricide, il doit avoir les pieds nus dans des chaussures de toile. Il entend la messe qui dure une vingtaine de minutes, communie, accepte un verre de rhum et une cigarette. On lui passe une grande blouse blanche et un voile noir est placé devant ses yeux.
À 4 heures 50 les deux battants de la porte de la prison s'ouvrent et Lagadec, les mains liées derrière le dos, s'avance à petits pas à peine soutenu par les aides devant l'aumônier qui marche à reculons, lui présentant la croix.
Le greffier en chef lit la sentence tandis que Deibler enlève la blouse et le voile du condamné. Sa chemise est échancrée. "Pas une contraction du visage... rien. Mais les aides le poussent vers la bascule... un choc... un éclair... un bruit mat... Il est 5 heures moins neuf minutes... Le corps a roulé dans le panier avec un bruit sourd. On y verse la tête et le panier qui est déposé dans le camion qui part une minute après escorté par six gendarmes à cheval" pour le cimetière de l'Est.
Justice est faite
Telle est la relation morbide du journal, conclue par ce constat et cette opinion: "Le parricide Lagadec a expié son horrible forfait. La société a usé contre lui de son droit de défense et les affres qu'il aura traversées en marchant à la guillotine sont, nous le pensons, une sanction suffisamment terrible."
L'article s'achève sur la phrase : "Lasse et émue, bien que n'ayant rien vu, la foule s'écoule lentement". Mais le journal a bien pallié ce manque par des récits et descriptions aussi détaillés que possible. En dessous, un article : Les fleurs de Mlle Grenthe, une peintre.
Les Rennais adeptes de ce genre d'émotion devront attendre 17 ans, 4 février 1939 : le dernier guillotiné à Rennes.