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Avril 1871, des zouaves pontificaux malmenés dans la rue à Rennes
"Populace rennaise" contre zouaves
Un journal de Rennes[1] relate que, dans la nuit du 14 au 15 avril, un zouave pontifical de faction à la Manutention faillit être atteint à la tête par une énorme pierre qui, lancée à vingt pas, lui rasa le visage et vint frapper la guérite. Le zouave fit feu sur la forme qui fuyait à toutes jambes mais la manqua. Le journal se fait aussi l’écho d’une rixe ayant mis aux prises des zouaves pontificaux et des Rennais hostiles. Le 18 avril entre 7 et 8 heures du soir, le zouave Danieli revenait de la place de Bretagne quand, près de la rue de Nemours, il croise deux hommes à figure sinistre. En le voyant passer, l’un de ces hommes dit : « En v’là un ! » Puis, s’approchant de Danieli : « Ah ! te voilà, lui dit-il, c’est toi qui mange notre pain ! » Son camarade accourt, et tous deux attaquent le zouave qui, forcé de dégainer, se défend de son mieux. Un huissier, qui passait, arrive à son secours, et bientôt d’autres zouaves qui s’emparent des agresseurs. Mais la foule s’ameutait et les rues regorgeaient de monde. Voyant ce rassemblement, de la Rue de l'Horloge, le général de Charrette[2] dit au capitaine Harscouët, son aide de camp, et au zouave Michel, d’aller voir ce qui se passait. En ce moment les cris : « Enlevez-les ! Enlevez-les ! » retentissaient dans la foule qui grossissait de minute en minute.
Arrivant rue de Nemours Michel entend : « En v’là un autre ! » et il est frappé d’un coup de poing dans la tête. Il dégaîne mais on lui enlève son sabre, il le reprend; mais on le saisit par les bras, par les jambes, et un homme, le terrassant, lui tient dans le ruisseau le cou si étroitement serré, que sans l’intervention de la garde, qu’on avait fait prévenir, j’allais, dit Michel, être étranglé. Avertis par d’ « honnêtes citoyens » deux autres zouaves, venus au secours de leurs camarades, s’emparèrent d’un agresseur qui, aidé par la foule, leur échappa, emportant la croix de Mentana[3] que portait un des zouaves. Tous les autres individus arrêtés furent délivrés par « la populace qui poussaient des cris sinistres et semblaient animée des plus mauvais sentiments ».
Un seul arrêté
Un seul, le menuisier Béron, en sabots, casquette et blouse blanche, qui avait crié « Enlevez-les ! » fut emmené au poste. Il est jugé le 28 avril par le tribunal de police correctionnelle. Au zouave Michel demandant ce qu’il avait fait pour être ainsi traité, le président explique : « Il y a des hommes qui haïssent les gens de bien, et aux yeux de qui l’honnêteté est un crime. Dans toutes ces déplorables affaires, on voit toujours du côté des zouaves la plus grande modération ». Béron nie être l’auteur de la tentative d’étranglement mais reconnaît avoir ensuite résisté à la patrouille : « Je criais : Enlevez-les ! dit-il, comme un imbécile et parce que je l’entendais crier par d’autres ! Aussitôt on m’a arrêté ». Le substitut du procureur de la République, M. Labroquère, constate que le prévenu est un ouvrier honnête, laborieux mais qu’il est coupable et peut bénéficier des circonstances atténuantes. Tout en indiquant qu’il a accepté avec répugnance la défense de Béron, l’avocat, Me Jenouvrier, défendra efficacement son client. Après dix minutes de délibération, le tribunal déclare Béron coupable, mais sans préméditation et avec circonstances atténuantes. Béron est condamné à six mois de prison et aux frais.
Estimés par les uns, honnis par d'autres
Les volontaires de l'ouest, dont la devise était "Pour Dieu et la patrie", avaient été essentiellement recrutés sur des bases confessionnelles. Catholiques, beaucoup convaincus que la défaite de la France était une punition divine, ils n’avaient pas hésité à se sacrifier au sein des armées de la Loire comme dans une démarche d’expiation[5].
Le Journal de Rennes du 14 août 1871[6] annonça la "séparation" des zouaves pontificaux, en fait le licenciement des zouaves du général de Charette, officiellement dénommés les "Volontaires de l'ouest" :
Leur nom restera attaché aux souvenirs les plus glorieux de nos dernières luttes contre l'invasion étrangère. Ils n'ont pu être conservés dans l'organisation actuelle de notre armée [...] Notre ville de Rennes a possédé pendant plusieurs mois la légion des zouaves. Elle avait appris à les aimer, à comprendre leur dévouement, à estimer leurs vertus civiques et militaires, leur patience et leur discipline. En dépit de certaines excitations perfides, s'adressant aux plus basses passions et aux ignobles instincts qu'exploite la mauvaise foi, les zouaves avaient conquis parmi nous les sympathies générales et depuis les classes élevées jusqu'aux clases populaires, tous les honnêtes gens voyaient en eux des amis. Aussi leur dispersion est-elle un sujet de regrets.
On trouve plusieurs raisons à la détestation des volontaires par une partie des Rennais. Les zouaves sont nombreux à Rennes : plusieurs centaines, pourvus d'une bonne solde supérieure aux salaires des ouvriers, descendant en ville, dans leurs beaux uniformes, du grand séminaire (maintenant faculté des sciences économiques au nord de l'actuelle [[place Hoche])] où ils sont casernés, catholiques affirmés, certains royalistes et opposés à la Commune de Paris qui avait bien des sympathisants à Rennes mais vivait ses derniers jours (Charette, bien que promu général par Gambetta après la défaite du Mans, louvoya pour ne pas engager son unité dans la répression contre la Commune et refusa l’intégration à l’armée française parce qu'il n'acceptait pas de se battre contre d'autres Français). [7]
Références
- ↑ Le Journal de Rennes du 3 mai 1871
- ↑ Athanase de Charette de La Contrie
- ↑ Croix de Mentana : décoration instituée par le pape Pie IX en 1867, décernée aux défenseurs de Rome, et notamment à l'armée française, en souvenir des événements survenus dans les États pontificaux
- ↑ L'avant-garde, 1er décembre 1907
- ↑ Rennes pendant la guerre de 1870
- ↑ https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54591919
- ↑ Louis-Gaston de Sonis, Yves et Hélène de Sonis. Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, bulletin et mémoires t.CX - 2006