Ancienne maison Juguin Walker
L'ancienne maison Juguin Walker est une ancienne armurerie qui a existé jusqu'en 1923 ou 1924. Elle constitue un témoignage au XXe siècle d'une activité fortement réglementée et de son évolution et encadrement depuis 1554 à Rennes à travers les arrêts de réglement du Parlement de Bretagne.
L'armurerie était reconnue pour la qualité de ses produits et son savoir-faire artisanal. Elle joua aussi un rôle important dans le développement de l'horlogerie.
A l'origine, le métier d'orloger (sans H) était destiné au réglage des canons ("le dernier argument des rois" selon la formule latine : ultima ratio regum).
« Jamais l’abus des armes ne fut si grand. »
Tel est le constat désabusé que dresse le procureur général du roi au parlement de Bretagne dans un arrêt sur remontrance de 1610. Les guerres de la Ligue (1589-1598) avaient permis un armement massif de la population et le parlement s’engage dans cet arrêt à faire prévaloir l’interdiction du port d’armes afin d’obvier aux violences, vols et autres crimes. Sous l’Ancien Régime, les armes fascinent autant qu’elles sont craintes. Utilisées pour la chasse, lors de festivités, de conflits ou pour signifier une condition sociale, les armes sont omniprésentes dans la société et, de fait, préoccupent grandement les autorités qui, pour y remédier, bâtissent un arsenal législatif et réglementaire afin de prohiber le port d’armes[1].
Une jurisprudence rennaise très importante : sur 6000 arrêts, 161 concernent le port d’armes
Parmi les plus de 6 000 arrêts sur remontrance promulgués par le parlement de Bretagne entre 1554 et 1789, 161 concernent le port d’armes. Ce corpus permet d’appréhender minutieusement l’encadrement d’une pratique courante, interdite majoritairement aux roturiers et autorisée aux nobles, officiers et militaires, même si les exemptions ne sont pas totales.
Le dernier argument des rois (« ultima ratio regum »)
La formule « ultima ratio regum » était l'expression favorite du cardinal de Richelieu. Le roi Louis XIV reprit cette formule à son compte et la fit apposer sur ses canons.
En 1661, Louis XIV décide de doter son armée d’une artillerie puissante. En 1666, les frères Keller, fondeurs à Douai, proposent un modèle de bouche à feu en bronze, robuste et esthétique, qui deviendra le canon classique français[2].
La puissance du feu devient le dernier argument du roi : la locution latine "ULTIMA RATIO REGUM" est inscrite sur la volée de tous les canons.
La statue rennaise de Louis XIV démontée en 1793 et fondue pour réaliser des canons
La statue équestre et son modèle réduit
L'œuvre originale monumentale est conçue à la demande des États de Bretagne, entre 1688 et 1689, par Antoine Coysevox (1640-1720), alors le sculpteur le plus important de la fin du règne de Louis XIV.
Initialement destinée à Nantes, la statue équestre de Louis XIV a été finalement accueillie le 6 juillet 1726 par Rennes sur la nouvelle place du Palais (aujourd'hui place du Parlement), quelques années après les travaux de reconstruction qui suivirent le grand incendie de 1720. D'une hauteur d’environ 4 mètres, elle repose sur un piédestal de 3 mètres de hauteur, orné de chaque côté de reliefs en bronze également exécutés par Antoine Coysevox en 1693.
La statue est démontée en 1793 et fondue pour réaliser des canons, à l'exception des deux reliefs latéraux en bronze qui sont conservés au Musée des beaux-arts depuis sa fondation en 1801[3].
Conservée depuis plus d'un siècle dans une collection aristocratique britannique, la réduction en bronze est aujourd'hui l'unique témoignage en volume de la célèbre statue monumentale de Coysevox. Celle-ci n'était jusqu'alors connue qu'à travers la gravure réalisée par l'architecte Jean-François Huguet représentant l'inauguration de la statue.
Il s’agit à ce jour de la seule statue équestre de Louis XIV par Antoine Coysevox connue et conservée. D'une hauteur de 94 cm, elle repose sur un piédestal de 120 cm qui date du XIXe siècle.
Une opération d'acquisition exceptionnelle
En octobre 2019, la Commission consultative des trésors nationaux du ministère de la Culture a rendu un avis favorable à la reconnaissance de la sculpture comme "œuvre d'intérêt patrimonial majeur". Cette qualification témoigne de la valeur artistique exceptionnelle de la statue et permet notamment à des musées de France territoriaux d'acquérir des biens culturels, en mobilisant le dispositif fiscal de l’article 238 bis 0A du code général des impôts.
Cet article prévoit en effet que le financement par une entreprise de l'acquisition d'un bien culturel reconnu « d’intérêt patrimonial majeur » au profit d'une collection publique ouvre droit à celle-ci à une réduction de son impôt sur les sociétés égale à 90% du montant du versement effectué, dans la limite de 50% de l'impôt dû. Cette dépense fiscale représente un soutien important de l’État à l’enrichissement des collections territoriales, sans lequel cette acquisition n’aurait pu être réalisée.
Acquisition rennaise du modèle réduit de la statue équestre de Louis XIV réalisée par Antoine Coysevox, œuvre reconnue d'intérêt patrimonial majeur
Le Groupe Norac, en participant à cette opération comme mécène, a souhaité témoigner de son engagement durable dans la vie culturelle de Rennes et de la Bretagne.
Le Musée des beaux-arts de Rennes devient ainsi, après ceux de Lyon, de Montpellier et le musée de Grenoble, l'un des musées de France en région à bénéficier de ce dispositif mis en place par l'État. Il intègre dans ses collections l'œuvre d'un artiste majeur pour l'histoire de l'art et exceptionnelle par sa rareté, sa qualité artistique et ses dimensions.
Références
Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, 1Bf 229, 22 septembre 1610.
- ↑ https://journals.openedition.org/abpo/3121?lang=en
- ↑ https://artillerie.asso.fr/basart/article.php3?id_article=1015
- ↑ https://www.culture.gouv.fr/presse/communiques-de-presse/acquisition-du-modele-reduit-de-la-statue-equestre-de-louis-xiv-realisee-par-antoine-coysevox-aeuvre-reconnue-d-interet-patrimonial-majeur