15 août 1914
L'Ouest-Eclair fait état d'un nouveau départ de régiment, le 75e régiment territorial, signe qu'on puise dans le tiroir des effectifs, et du trouble causé au fonctionnement des tramways rennais dû au mauvais fonctionnement de l'usine électrique du boulevard Laënnec et à la mobilisation de cadres.
Le sentiment religieux, fort chez la plupart, fait se tourner vers les églises et, touchante attention, mais qui fait surgir la lugubre éventualité à laquelle le soldat ne veut pas penser, la ligue patriotique des femmes françaises propose aux femmes de distribuer aux soldats sur le départ des feuilles où ils expriment leur volonté formelle de mourir avec les secours de la religion catholique. Beaucoup de prêtres sont mobilisés.
L’enthousiasme de circonstance est un effet de foule, mais cache les déchirements et la gêne éprouvée en campagne en cette pleine époque des moissons, dont ne dit rien le journal. Parallèlement, la mobilisation des boulangers risque d’occasionner une pénurie de pain.
Les Rennais lisent qu’un premier convoi d’une trentaine de blessés est arrivé le 13 en gare de Rennes et que, "fatigués mais courageux, ils ne pensent qu’à retourner vite sur le champ de bataille." Le 18, Le Nouvelliste souligne la mise en place d’un « buffet gratuit » par des bénévoles et financé par la générosité publique, permettant de procurer sur les quais mêmes de la gare des boissons, voire des repas aux blessés, réfugiés et aux mobilisés en transit.
Le 23 août, 15 premiers prisonniers allemands sont arrivés à Rennes, gardés par 14 fantassins, baïonnette au canon, et le lendemain c’est un millier amené à Dinan par train spécial. « Ah ! Ces braves pioupious, il suffit de les voir pour être sûr qu’ils ont fidèlement veillé. Dans leurs yeux passent un éclair de fierté, de triomphe. » Telle est la tonalité des relations que vont lire les Rennais au fil des mois, des années. Beaucoup seront blessés où tués notamment à cause de ce voyant pantalon rouge garance qui en faisait des cibles très visibles, alors que trois ans avant la guerre, dès 1911, on avait bien prévu une couleur discrète mais qui hélas ne fut pas utilisée d'abord. Probablement fallait-il épuiser les stocks de pantalons rouges. Le bleu-horizon ne fut généralisé que fin 1915.