Émile Schwaller, à la LVF puis milicien criminel

De WikiRennes
Aller à la navigationAller à la recherche


Émile Schwaller, milicien criminel à Rennes

À la Légion des volontaires français contre le bolchevisme

Ouest-Eclair 25 juin 1943

Emile Schwaller est né le 8 octobre 1911 à Portrieux dans l’est, fils d’un légionnaire allemand. Il commence à se mettre au service du " Grand Reich allemand " dès 1941, en signant un contrat de trois mois comme travailleur volontaire en Allemagne. Puis le voici au camp d’entraînement de Deba, dans le Wehrkreis VIII, en Pologne occupée, où était arrivé, le 6 septembre 1941, le premier contingent de la légion des volontaires français contre le Bolchevisme, pour former le 1er bataillon du 638e régiment d'infanterie de la Wehrmacht, sous l'uniforme allemand, avec insigne tricolore surmonté du mot « France ». Il combat sur le front russe du 1er novembre au 15 décembre, revient au camp Deba où il fait la connaissance de Raymond Du Perron de Maurin[1] - qu’il retrouvera à Rennes en 1944 - puis retourne au front de juillet 1942 à avril 1943. Sergent à son départ pour le front de l’Est, Emile Schwaller se bat donc pendant près de deux ans et conquiert les étoiles d’adjudant, puis d’adjudant-chef. Il est réformé le 8 avril 1943, titulaire de la croix de guerre légionnaire avec palme.

Émile Schwaller

Deux mois et demi plus tard, voici Schwaller (présenté comme permissionnaire alors qu'il est réformé) à Rennes, le 23 juin 1943, pour participer au cinéma l'Excelsior[2], rue Leperdit, à la commémoration du 2e anniversaire de l'entrée en guerre de l'Allemagne contre la Russie bolchevique "comme cela se fit dans toute la France et dans toute l'Europe" annonce le journal. Schwaller vanta son engagement précoce comme n° 76 à la L.V.F., Légion des Volontaires français contre le Bolchevisme et ses actions contre les partisans, "des bandits composés à 90% de Juifs qui attaquent dans le dos les soldats ». Un grand article dans l’Ouest-Eclair s’étend sur les propos de de Saint-Méloir[3] et de « Schweller » (sic), ce croisé d’un nouveau genre venu prêcher la bonne parole. Il adhère au Cercle d'études national socialiste fondé par Raymond Du Perron de Maurin, où l’on compte une vingtaine d'adhérents au château d'Apigné, dont celles d’Alain de Saint-Méloir, d’Alan Louarn, et de Joseph Le Ruyer, militants du PNB et de Guy Vissault[4]. Il vient s’installer à Rennes où on lui confie le secrétariat départemental de la LVF, au 9, rue Nationale. Volontaire à la L.V.F.

Chef milicien à Rennes

La Milice française est implantée à Rennes en avril 1944 par Raymond du Perron de Maurin,[5] et Schwaller entre, avec une dizaine d'individus, dans cet organisme d’État qui correspond bien à ses vues : lutte contre le bolchevisme, les Juifs et les terroristes, il est nommé instructeur de la Milice et, à l’arrivée des recrues qui se sont laissés prendre au mirage de la croisade prêchée par Darnand, il prendra, le 15 mai 1944, le commandement de son « groupe de Bretagne » en qualité de chef de centaine, au salaire mensuel de 4200 F. Le groupe est cantonné presque à hauteur du lieu-dit « La Croix-Rouge » (entre route de Saint-Brieuc et route de Vezin) en rive est, au n° 110 de la rue de Saint-Brieuc, où l’on torture dans les caves et son siège est rue Le Bastard. Schwaller torturait des résistants comme Ginette Lion, agent de liaison de la Résistance, arrêtée en gare de Rennes. Il passe chef de cohorte. Craignant la Résistance, il ne se déplace qu’accompagné de gardes du corps. Après le débarquement du 6 juin, arriva à Rennes la 2e unité de marche des francs-gardes de la Milice, forte de 250 francs-gardes, cantonnée d'abord rue du Griffon puis à l'asile de Saint-Méen, et commandée par le capitaine Joseph Di Costanzo.[6] La Milice s'active contre les résistants en arrêtant, torturant et pillant. En Ille-et-Vilaine, les miliciens participent à des opérations à Rennes, Fougères, Talensac, Saint-Hilaire-des-Landes, Vieux-Vy-sur-Couesnon, Broualan, à La Lopinière, à Saint-Rémy-du-Plain où sept membres du maquis de Broualan et un officier américain de la 82e division Airborne, tombé à Saint-Georges-de-Gréhaigne, et recueilli par la Résistance le 6 juillet à La Boussac. Ils sont torturés et fusillés, à la Roche aux Merles, à Mordelles.

Le 1er août, la Milice quitta Rennes, forfaits et crimes accomplis, Émile Schwaller, avec sa femme et son fils, en compagnie de membres du Bezen Perrot à bord d'un convoi du SD formé le long de l'hôpital de l'EPS Jean Macé. Il fuit vers l’est de la France puis en Allemagne en août 1944. Fait prisonnier par des maquisards dans un village de l’Indre, il se fait passer pour résistant auprès des maquisards qui le laissent partir[7]. En Allemagne, il est incorporé au groupe d’artillerie de brigade Waffen Grenadier Regiment der SS 57, il n’est pas resté très longtemps à l’unité, donnant comme raison son refus de prêter le serment à Hitler et il est envoyé dans un camp en Poméranie. Interné dans un camp soviétique à Wladimir, il travaille comme contremaître dans une usine électrique. Il aurait refusé une proposition de s’engager deux ans dans l’armée soviétique. Rapatrié, il est arrêté à la frontière. Ce n’est qu’en juillet 1946 que s’ouvre son procès[8].

Un procès édifiant

Le 6 juillet le journal Ouest- France titre : A LA COUR DE JUSTICE, TRAITRE, VOLEUR ET ASSASSIN, EMILE SCHWALLER, CHEF DE CENTAINE A LA MILICE VA REPONDRE DE SES CRIMES.

Le journaliste Jehan Tholomé annonce que Rennes aura, au cours de la semaine, son " grand procès" car les deux inculpés qui vont comparaître lundi 8 juillet au début de l’après-midi, devant la cour de justice de Rennes sont " des clients " de marque, les crimes qui leur sont reprochés sont si nombreux et d’une telle gravité que « l’on se pose la question de savoir comment des hommes, des Français, ont pu tomber si bas. » Inculpés tous deux d’intelligence avec l’ennemi et de port d’arme contre la France, Emile Schwaller et du Perron de Maurin sont présentés comme des voleurs, des bourreaux et des assassins.

Voleur

Le journaliste poursuit : « Émile Schwaller pour les Rennais et pour toutes les populations d’Ille-et-Vilaine, va devenir le bourreau n° 1. Et l’on a peine à croire qu’un homme puisse faire preuve de plus de cynisme et de plus de cruauté. Il multiplie en trois mois les arrestations, les pillages, les tortures et les meurtres. » Et de citer les pillages réalisés à l’hôtel de M. Lechaux, avenue Barthou à Rennes ; chez M. Bourdais à Saint-Méen-le-Grand ; chez M. Bohuon, boucher à Romillé ; aux établissements Thiercelin à Rennes, où avec ses hommes, il s’empara notamment de 1.769 bouteilles d’Armagnac ; chez M. Poirier au restaurant d’Armenonville. Partout pour masquer ses vols, Schwaller exige de ses victimes sous la menace, qu’elles signent des attestations affirmant qu’elles font don à la Milice de tous les objets qui leur ont été volés.

À l'inverse, pour tenter de donner l'exemple de l'honnêteté et de la sévérité, Schwaller s'y prit de façon étrange : une Rennaise s'étant plainte du vol d'un bijou par une milicienne lors d'une perquisition à son domicile, Schwalller convoqua la dame, lui fit restituer le bijou par la coupable et la plaignante ne put partir qu'après avoir assisté à la punition de la milicienne: dénudée, elle subit un sauvage tabassage[9].

Tortionnaire

Mais c’est surtout la longue série des arrestations, des tortures et des vols dont sont victimes : MM Pierre Larre et Marchand à Vern-sur-Seiche ; Désiré Faludi et Marcel Glasmau à Bourg-des-Comptes, tous deux brûlés avec des cigares et des cigarettes allumées ; Auffret, marchand de grains à Rennes ; Joseph Maret et Pierre Louis, Marcel Lodiais à Rennes ; André Leclerc qui fut assassiné route de Saint-Brieuc ; Henri Gloux et Clément Villoury de Talensac ; Jean Trémintin restaurateur route de Lorient à Rennes ; Auguste Thouin jardinier à Rennes ; André Roullier ; Charles Jaffrenou et Lucien Lagoutte qui connurent le supplice de la tête plongée dans une bassine d’eau ; Marie Rousseau et Roger Pignel, de Pacé, qui furent abattus sans motif sur la route et dont les enfants de Schwaller se partagèrent les dépouilles ; Henri Berthelot inspecteur aux renseignements généraux ; Fernand Brionne dont le cadavre atrocement mutilé ne fut retrouvé que plusieurs semaines après la libération ; Huchet-Chouan épicier à Rennes qui fut torturé malgré ses 64 ans; les frères Hyppolite et Roger Bruchet, commerçants 50 rue d'Antrain à Rennes, dont le second Roger, 33 ans, torturé fut exécuté le 18 ou 19 juillet; les frères Georges et Armand Guihard et Toussaint Langlament de Chartres-de-Bretagne etc [10]. Émile Schwaller torture des résistants comme Ginette Lion, agent de liaison de la Résistance, arrêtée en gare de Rennes. À en croire le jeune milicien Émile Savoye, jugé le 3 octobre 1945, disant n'avoir agi que dans des opérations contre le marché noir, Schwaller se faisaient obéir à la cravache de ses miliciens car "on le craignait comme le feu"[11]. Les ordres de Schwaller ne se discutaient pas. Savoye raconte que les époux Cancouët et leurs deux filles, voisins de la Milice au 106 rue de Saint-Brieuc, furent terrorisés par une perquisition car ils étaient témoins d'atrocités journalières dans les locaux de la Milice qu'ils apercevaient de chez eux, entendant chaque nuit les cris d'agonie et de souffrance des victimes.

Assassin de résistants

Schwaller avait commis d’autres crimes contre des membres de la Résistance. Mlle Le Guet, arrêtée le 26 juillet, torturée au château d'Apigné, meurt le 28 ; à Saint-Aubin-d'Aubigné fut arrêté Charles Brionne, dont le corps torturé sera retrouvé par des Américains, route de Saint-Brieuc à Rennes. Il est accusé d’avoir fait arrêter et déporter Mme Louis Nuss et Mme Toullec rue Gutenberg à Rennes, qui servaient dans le réseau " Blavet ," arrestation qui fut suivie à Paris de celle d’un héros de la Résistance, Yvon Jézéquel et de sa sœur, morts tous deux en Allemagne. Il opéra à Saint-Pierre-de-Plesguen chez M. Dufeil ; à Larchamp en Luitré contre le maquis dirigé par le chef de groupe Bouvier, qui blessé fut achevé à coup de révolver ; à Broualan contre un autre maquis, opération au cours de laquelle trois patriotes furent tués et dix sept arrêtés, dont huit furent exécutés sur place ; à la Roche-aux-Merles en Vieux-Vy-sur-Couesnon ou fut exécuté Yvonnick Laurent [12]. André Leclerc, de Talensac, est arrêté par Schwaller le 17 juin, torturé au camp de la Croix-Rouge et achevé le 22 ; Amand Bazillon, [13] abattu à coup de révolver. Tels sont les faits principaux retenus à la charge de Schwaller.

Me Yves Lecomte fut désigné d’office à la défense de l’accusé par le bâtonnier de l’Ordre des avocats. À l’issue du procès de plusieurs jours, Schwaller, évidemment, fut condamné à mort et ne sera fusillé à Rennes que près de trois mois plus tard, le 5 novembre 1946.

Références

  1. À Rennes, Du Perron de Maurin, chasseur de Juifs puis milicien
  2. Anciennes salles de cinéma de Rennes
  3. De Saint Méloir, chantre de la LVF
  4. Un Rennais, agent actif de la Gestapo, Guy Vissault
  5. À Rennes, Du Perron de Maurin, chasseur de Juifs puis milicien
  6. Di Costanzo, féroce chef de milice
  7. L’Encyclopédie de l’Ordre nouveau Français sous l’uniforme allemand. Partie 2. Hors série. Grégory Bouisse -2019
  8. L’Encyclopédie de l’Ordre nouveau Français sous l’uniforme allemand. Partie 2. Hors série. Grégory Bouisse -2019
  9. Exposé de Gilbert Guillou du fait rapporté par sa tante, la spoliée. Groupe Mémoire du vécu. UTL du Pays de Rennes - 2010
  10. Ouest-France 6 juillet 1946. Jehan Tholomé
  11. Ouest-France 4.10.1945
  12. rue Yvonnick Laurent
  13. Amand Bazillon résistant