Interventions sur l'habitat ancien de Rennes

De WikiRennes
Aller à la navigationAller à la recherche

Préservation, protection, conservation ou interventions sur l'habitat ancien de Rennes, ont le même objectif plus ou moins explicite : faire que le patrimoine immobilier de la ville de Rennes se maintienne et se transmette. La ville n'a de ce point de vue rien de spécifique et ce n'est que dans le détail de son évolution, celle de ses acteurs et habitants comprise, qu'il y a matière à des considérations vraiment locales.

A Rennes comme ailleurs, comme première institution de la ville, la municipalité - les municipalités successives - a naturellement une place au premier rang dans le traitement de ces questions diverses [1]. Rennes conserve une taille humaine, avec des institutions restées au contact de la population, des associations dynamiques et vigilantes, toutes choses propices à des actions cohérentes, comprises et qui aboutissent globalement à une préservation du patrimoine du centre-ville. La pression estudiantine en matière de logement et plus généralement immobilière pourrait cependant facilement déborder par sa constance et sa force les meilleures volontés ; la presse rend compte de temps à autre de quelques regrets[2]. En arrière-plan, des événements mémorables, incendie de 1720 et incendie du parlement de 1994, entretiennent chez les Rennais l'idée de la fragilité de ce qui a - jusqu'alors - traversé les siècles.

Les dimensions du cadre préalable aux interventions

Portant sur des opérations auxquelles, par leur temporalité, s'apparentent les longs cycles des ingénieurs forestiers, les décisions s'élaborent par intégration, délibérée ou de fait, de multiples considérations qui peuvent se répartir en quelques chapitres pourtant aux nombreuses intrications.

Le cadre et contexte politique et administratif

Chacun sait qu'au nom de l'intérêt public, toutes les initiatives affectant l'immobilier sont encadrées légalement, à l'échelle nationale comme à des échelles moindres à l'aide d'instruments qui ont eux-mêmes une histoire. La ville comme collectivité, et parfois certains de ses habitants, modulent, au moyen de priorités et projets, ces cadres réglementaires et veillent à leur respect au cas par cas. La loi montre pourtant ses limites justement dans les questions de limites géographiques, mais aussi de délais, et l'homme public ne peut porter le bras partout où cela paraît judicieux : il faut faire avec les périmètres une fois qu'ils ont été tracés et laisser au bon vouloir du privé ce qui aurait été plus loin l'objet d'une attention collective sourcilleuse.

Le propriétaire doit donc insérer son projet dans le flux continu de toutes les initiatives apparentées sur la ville. Il comprendra les ressorts d'arrière-plan et pourra éventuellement apprivoiser une complexité apparente. Il peut d'ailleurs être bénéfique selon le projet de ne pas suivre le chemin le plus direct, le plus classique. Dans cet ordre, ce n'est pas parce que son bien n'est grevé d'aucune obligation d'ordre patrimoniale, qu'il n'est pas pertinent de considérer et prendre en compte leurs fondements et recommandations. Pour le succès de sa démarche, il doit se renseigner très en amont auprès de services d'urbanisme concernés. Rue Le Bastard, le Centre d'information sur l'urbanisme peut être une porte d'entrée.

Le cadre conceptuel

L'urbanisme, l'architecture, les habitudes de vie, l'application des lois, la production industrielle, les ressources locales vivent chacune leur vie sur fond de l'évolution générale. Par exemple, l'exigence de confort et sa traduction dans l'immobilier évolue par divers facteurs, locaux ou généraux. Les nuisances sonores dans les logements ne se traitent pas exactement de la même manière quand une rue une fois débarrassée de ses poids lourds, s'encombrent un temps de bus, puis se troublent de fêtards noctambules. Toute difficulté demande de ce point de vue une prise de recul et un temps d'arrêt sur ces raisons d'être, derrière les premières évidences : en matière de patrimoine, le gain à long terme est à privilégier plutôt que les accroissements à courte vue, parfois finalement désastreux.

Une mise à jour des présupposés est donc un préalable à toute heureuse intervention sur le bâti ancien. Chaque jour, des paramètres changent, des retours d'expérience se font, des consignes se corrigent. Certains jours, ce peut être la vérité commune qui change du tout au tout : interdisant ce qui était encouragé hier, tout automobile contre diversité des transports ; expansion contre concentration de la ville par exemple.

Les professionnels du privé et du service public font spontanément ce travail de veille et d'actualisation et c'est eux, en confrontant leurs différentes approches, qu'il faut consulter à toutes les étapes. Il faut cependant avoir mené sa part de compréhension des problématiques pour tirer le meilleur profit de cette expertise et faire le moment venu les choix judicieux, en fonction des priorités personnelles.

En matière de patrimoine historique immobilier, souvent densément occupé, la sécurité des personnes et l'intégrité du bâtiment sont les deux impératifs qui ne peuvent faire l'objet de négligence, la loi y veillant pour sa part, aussi en prévoyant des peines dissuasives dans le cas contraire. La portée des interventions prévues doit être examinée attentivement et notamment au moment des demandes d'autorisation de travaux souvent requises (toujours dans le secteur sauvegardé de Rennes). On ne peut ainsi, comme par le passé, se satisfaire esthétiquement de peinture au plomb très préjudiciable en matière de santé infantile : ces produits ont disparu des catalogues commerciaux récents, mais les catalogues sont chaque jour plus épais de nouvelles possibilités ...

Le cadre financier

La cohérence recherchée au niveau de l'organisation sociale comme au niveau des logiques à mobiliser est à prolonger aux plans des finances publiques et privées. Tout bien considéré, les mesures trop simples et les raisonnements courts peuvent présenter un bilan plus défavorable que des choix plus lourds à divers points de vue, financièrement compris. Il y a probablement peu de propriétaires du centre de Rennes qui se soient réjouis de la volonté municipale de voir tourner la page d'une ville enfumée et donc les façades résolument sous un jour plus reluisant, alors qu'ils étaient bien habitués à un état de chose qui avait mis des siècles à s'imposer. Pourtant, personne ne conteste maintenant l'intérêt des investissements faits, subventions publiques comprises. L'investissement judicieux dans le patrimoine a un retour en plusieurs temps et finalement le propriétaire s'en félicite si tout un chacun - acheteur potentiel - pourrait le faire aussi bien que lui...

Se souciant ainsi de cohérence, c'est avant même l'acquisition qu'il faut prendre en compte la charge d'une mise aux normes - mêmes informelles - de tel ou tel composant de la bâtisse. Si on ne peut acheter un immeuble dans son jus du XVIIIe siècle, on n'est pas obligé pour autant de s'endetter pour un curetage général d'un édifice farci de ce qui est devenu dans ce siècle de vraies aberrations. Ceci est d'autant plus à considérer avant toute initiative qu'il est souvent difficile de chiffrer des travaux avant d'avoir dégagé les éléments vitaux de leur gangue plus ou moins d'origine industrielle.

Bien entendu, selon le statut du bâtiment et la nature de l'opération (privée ou publique), les subventions publiques sont à considérer et intégrer, même avec une marge d'incertitude sur leur montant.

Il faut aussi parlant de patrimoine ancien, se souvenir que dans le passé, l'entretien des constructions était considéré comme une tâche à assumer en permanence, même si cela était souvent financièrement impossible et laissé en charge aux héritiers. L'élévation du niveau de vie jusqu'à présent doit permettre ce que nos ancêtres ne pouvaient que rêver ainsi que de les imiter en bien quand ils le pouvaient. Ils ne construisaient pas des bâtiments prémunis par nature des injures du temps, mais des environnements qu'ils pouvaient entretenir comme ils le faisaient de leurs terres, leurs bêtes, leur matériel, leurs relations. Le coût de ces obligations constantes et communes était naturellement toujours pris en compte dans leurs décisions.


La problématique des années 2010

Ainsi entrevu le caractère largement multifactoriel des conditions de déploiement d'une intervention immobilière urbaine, il est nécessaire de jalonner de quelques repères ce qui s'est passé dans une ville comme Rennes, comme dans bien d'autres lieux.

Parmi les opérations publiques notoires localement, sont notables l'attention aux parties communes des immeubles du centre-ville et le ravalement des façades, imposé ou fortement encouragé. La ville a pris un nouveau visage sous cet effort soutenu. D'autres incidents et mêmes des drames, réactivent depuis quelque temps les préoccupations sur l'état des cages d'escalier du point de vue de la sécurité incendie ; préoccupations partagées par les occupants et propriétaires.

Par extension, l'incendie ne s'arrêtant pas aux parties communes, l'inquiétude générale porte chacun à s'immiscer localement et préventivement dans les intérieurs, pour rejoindre par exemple l'obligation nationale légale de détecteur de fumée des années 2010. Cette pénétration du regard collectif dans l'intimité de l'habitat est officialisée à Rennes pour tous les bâtiments du secteur sauvegardé, les architectes des bâtiments de France portant ce regard au premier chef [3]. La division des appartements est alors montré du doigt comme contrariant en même temps les deux impératifs, de sécurité et de pérennité : les occupants sur cour sont hors de portée des secours arrivant en façade sur rue ; les cloisons en matériaux étanches s'opposent aux échanges qui maintiennent la salubrité des pièces puis à long terme la résistance des ossatures en bois. Les dégâts provoqués par ces interventions sont déjà repérables pour les yeux exercés et l'interrogation sur l'avenir de ces configurations, devenues anormales bien que communes, croît continuellement.

De manière plus large, les professionnels les plus soucieux du patrimoine font le constat d'un changement tant des raisonnements préalables que des pratiques. Ils touchent au quotidien la nocivité de l'intrusion, depuis des décennies, dans la construction locale traditionnelle des produits et contraintes de l'industrie, produits "miracles" s'appliquant partout et de la même façon. La ville de Rennes n'avait aucune raison d'y échapper, elles en a peut-être d'être aux premiers rangs de ce changement de logique encouragé d'ailleurs par la vague mondiale des contraintes écologiques. Des filières locales seraient pour cela à soutenir, des savoir-faire à conforter et diffuser largement.

Revenant au présent, il paraît favorable aux bonnes pratiques d'intervention sur l'habitat ancien, de s'habituer à refuser tous les produits et matériaux s'opposant aux échanges hydriques, matériaux souvent imposés par de médiocres raisonnements ou des calculs en nombre de calories. Il faut alors se tourner vers un matériaux performant de ce point de vue comme le mélange chaux-chanvre, et mieux, si on veut de plus favoriser les circuits géographiquement courts, la terre argileuse du secteur dont les artisans redécouvrent les qualités et la maîtrise en divers usages intérieurs et extérieurs. Certes la question des garanties décennales reste en suspens de ce point de vue (en l'absence de directive technique, d'ailleurs facultatives dans l'habitat privé), mais ne faut-il pas aussi accompagné le choix d'un matériau d'un choix assumé d'une prise de risque minimale quant à l'évolution d'une prestation, pour peu qu'on soit garanti d'avoir ainsi évité un piètre résultat à plus long terme.

Du point de vue de la structure de l'habitat, points d'introduction d'eau dans l'immeuble, les salles de bain semblent concentrer tous les maux suite aux réflexes habituels d'étanchéification systématique, le reste de l'édifice devant s'adapter jour après jour à ces poches humides peu considérées au-delà de leur fonction élémentaire et de leur confort. Ensuite, là encore, comme le cloisonnement excessif, les revêtements de sol à base d'hydrocarbures cumulent - où qu'ils soient - les risques en matière de sécurité (gaz mortels en cas de combustion) et le préjudice à moyen terme pour l'ossature originelle du bâtiment (condensation, fuites inaperçues permanentes).

Notes et références

  1. Ces lignes sont fortement inspirées d'une conférence-débat qui s'est tenue en juin 2011 au Centre d'information sur l'urbanisme de Rennes.
  2. Démolition d'un hôtel particulier rue du Bois Rondel dans les années 1990.
  3. Dans le secteur sauvegardé, il est obligatoire de demander une autorisation de travaux même à l'intérieur du logement.