« Bombardement du 17 juin 1940 » : différence entre les versions

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===Le bombardement===
===Le bombardement===


Le dimanche 16 juin 1940, les Rennais et les nombreux réfugiés  avaient entendu des tirs de la D.C.A dans le ciel de Rennes, probablement pensera-t-on ensuite, sur un avion allemand venu repérer le triage ferroviaire de la plaine de Baud avec les trains qui y stationnaient nombreux.
Le dimanche 16 juin 1940, les Rennais et les nombreux réfugiés  avaient entendu des tirs de la D.C.A dans le ciel de Rennes, probablement pensera-t-on ensuite, sur un avion allemand venu repérer le triage ferroviaire de la ''plaine de Baud'' avec les trains qui y stationnaient nombreux.


Le 17, [[René Patay]], après avoir entendu une violente explosion, vers 10 heures, voit les gens se cacher sous les pommiers et, de la hauteur de la Massaye que les Anglais évacuent en hâte, il aperçoit, sous un ciel d’orage particulièrement noir, la ville de Rennes couverte d’une épaisse fumée. Le docteur se rend à Rennes où il entend des rafales de mitrailleuse à [[la Courrouze]] et des explosions du côté de la gare. La gare des voyageurs n’a rien mais une épaisse fumée s’élève de la gare de triage d’où viennent des voitures d’ambulance ensanglantées filant vers les hôpitaux et les cliniques. Il fait quelques pansements dans un hôtel de la [[place de la Gare]] à des personnes atteintes par des éclats de verre (les vitres exposées à l'est ont été brisées dans toute la ville).
Le 17, [[René Patay]], après avoir entendu une violente explosion, vers 10 heures, voit les gens se cacher sous les pommiers et, de la hauteur de la Massaye que les Anglais évacuent en hâte, il aperçoit, sous un ciel d’orage particulièrement noir, la ville de Rennes couverte d’une épaisse fumée. Le docteur se rend à Rennes où il entend des rafales de mitrailleuse à [[la Courrouze]] et des explosions du côté de la gare. La gare des voyageurs n’a rien mais une épaisse fumée s’élève de la gare de triage d’où viennent des voitures d’ambulance ensanglantées filant vers les hôpitaux et les cliniques. Il fait quelques pansements dans un hôtel de la [[place de la Gare]] à des personnes atteintes par des éclats de verre (des vitres, dont toutes celles exposées à l'est ont été brisées dans toute la ville).


Que s’était-il passé ?
Que s’était-il passé ?
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====sur Rennes, quelques "crayons volants"====
====sur Rennes, quelques "crayons volants"====
[[File:Bundesarchiv Bild 101I-341-0489-10A, Frankreich, Flugzeug Dornier Do 17 Z.jpg|300px|right|thumb|Un Dornier Do 17Z du groupe de combat allemand III/KG en 1940]]
[[File:Bundesarchiv Bild 101I-341-0489-10A, Frankreich, Flugzeug Dornier Do 17 Z.jpg|300px|right|thumb|Un Dornier Do 17Z du groupe de combat allemand III/KG en 1940]]
Quelques avions de la Luftwaffe à croix noires, provenant de l'aérodrome de Cormeilles-en-Vexin, près de Pontoise, à 300 km, des bimoteurs Dornier DO 17Z de l'escadre de combat (Kampfgeschwader) III/KG 76,<ref>  traduction du ''Manuscrit de Heinrich Weiss'', dans ''Eagles over Europe'' IHRA 2010, air corps 1 </ref>  (commandant : major Franz Reuss),venant de l’ouest à très basse altitude, ont survolé la Vilaine en direction de la gare de triage  <ref> témoignage de Joseph-Jean Naviner. Ouest-France, édition Rennes 3 juin 2010</ref> sans aucun risque, la D.C.A anglaise s’étant repliée dans la nuit... Quittant la ville par le sud-est et après un virage à 180° à l'est, les "crayons volants", comme les appelaient les Allemands en raison du long et mince fuselage de ces avions, se présentèrent au-dessus de Cesson et dans l'axe du triage ferroviaire de la ''plaine de Baud'' sur laquelle ils lâchèrent des dizaines de bombes SC50 de 55kg, ainsi que sur les voies ferrées de Saint-Hélier; un chapelet de bombes tomba sur un train de munitions, causant une énorme explosion avec une grande colonne de feu et de fumée. ('''NB''' : Heinrich Weiss cite "''quelque 120 bombes''" larguées, ce qui supposent une participation de six Dornier, or la plupart des témoins citent trois avions, quelques uns cinq.)
Quelques avions de la Luftwaffe à croix noires, provenant de l'aérodrome de Cormeilles-en-Vexin, près de Pontoise, à 300 km, des bimoteurs Dornier DO 17Z de l'escadre de combat (Kampfgeschwader) III/KG 76,<ref>  traduction du ''Manuscrit de Heinrich Weiss'', dans ''Eagles over Europe'' IHRA 2010, air corps 1 </ref>  (commandant : major Franz Reuss), venant de l’ouest à très basse altitude, ont survolé la Vilaine en direction de la gare de triage  <ref> témoignage de Joseph-Jean Naviner. Ouest-France, édition Rennes 3 juin 2010</ref> sans aucun risque, la D.C.A anglaise s’étant repliée dans la nuit... Quittant la ville par le sud-est et après un virage à 180° à l'est, les "crayons volants", comme les appelaient les Allemands en raison du long et mince fuselage de ces avions, se présentèrent au-dessus de Cesson et dans l'axe du triage ferroviaire de la ''plaine de Baud'' sur laquelle ils lâchèrent des dizaines de bombes SC50 de 55kg, ainsi que sur les voies ferrées de Saint-Hélier; un chapelet de bombes tomba sur un train de munitions, causant une énorme explosion avec une grande colonne de feu et de fumée. ('''NB''' : Heinrich Weiss cite "''quelque 120 bombes''" larguées, ce qui supposent une participation de six Dornier, or la plupart des témoins citent trois avions, quelques uns cinq.)


====une catastrophe humaine disproportionnée====
====une catastrophe humaine disproportionnée====
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« J'étais sur la passerelle de la gare avec un copain. Je lui disais, en montrant ma paire de jumelles, que si les Boches revenaient, avec ça, je les verrais », raconte Guy Faisant. Mais ce dernier n'aura nul besoin de sortir ses jumelles. « Ils volaient en rase-mottes au-dessus de la gare. » Or, quand le jeune Guy les aperçoit, les trois appareils ont déjà lâché leurs bombes sur la gare de triage de la plaine de Baud.
« J'étais sur la passerelle de la gare avec un copain. Je lui disais, en montrant ma paire de jumelles, que si les Boches revenaient, avec ça, je les verrais », raconte Guy Faisant. Mais ce dernier n'aura nul besoin de sortir ses jumelles. « Ils volaient en rase-mottes au-dessus de la gare. » Or, quand le jeune Guy les aperçoit, les trois appareils ont déjà lâché leurs bombes sur la gare de triage de la ''plaine de Baud''.


Guy Faisant, 15 ans en juin 1940 <ref>témoignage  recueilli par Pierrick Baudais,  ''Ouest-France'', 3 juin 2010</ref>
Guy Faisant, 15 ans en juin 1940 <ref>témoignage  recueilli par Pierrick Baudais,  ''Ouest-France'', 3 juin 2010</ref>
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En juin 1940, mes parents habitaient le 121 de la rue de Châteaugiron devenu le 113 aujourd'hui. Cette maison est à droite de l'entrée du groupe scolaire du Landry. Nous avions un jardin en face du numéro 140 de cette même rue. Ce 17 juin, mon père était sur une échelle à cueillir des cerises. Et, moi, j'étais au pied de l'arbre pour ramasser celles qui tombaient. Soudain, nous avons entendu un mitraillage à droite, vers Cesson. Et, au même moment, nous avons vu trois avions allemands. C'étaient des bimoteurs Dornier, pas des stukas.
En juin 1940, mes parents habitaient le 121 de la [[rue de Châteaugiron]] devenu le 113 aujourd'hui. Cette maison est à droite de l'entrée du groupe scolaire du Landry. Nous avions un jardin en face du numéro 140 de cette même rue. Ce 17 juin, mon père était sur une échelle à cueillir des cerises. Et, moi, j'étais au pied de l'arbre pour ramasser celles qui tombaient. Soudain, nous avons entendu un mitraillage à droite, vers Cesson. Et, au même moment, nous avons vu trois avions allemands. C'étaient des bimoteurs Dornier, pas des stukas.


Une explosion énorme, suivie de nombreuses autres, pendant près de deux jours, avec projections de nombreux éclats, a semé la peur! Une maison de la rue de Vern a été incendiée par un morceau de wagon venu de plusieurs centaines de mètres.
Une explosion énorme, suivie de nombreuses autres, pendant près de deux jours, avec projections de nombreux éclats, a semé la peur! Une maison de la [[rue de Vern]] a été incendiée par un morceau de wagon venu de plusieurs centaines de mètres.


Avec papa, nous sommes rentrés à la maison et, avec des voisins, nous nous sommes cachés dans un chemin creux en face de la maison.
Avec papa, nous sommes rentrés à la maison et, avec des voisins, nous nous sommes cachés dans un chemin creux en face de la maison.


Émile Riaudel, 13 ans en juin 1940 <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>
Émile Riaudel, 13 ans en juin 1940 <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>
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" Je suis entré dans la guerre, pour de bon, le lundi 17 juin 1940, vers 10 heures 30 du matin, [[place de Bretagne]]. Le hurlement des sirènes, les sifflements aigus et stridents de stukas qui plongeaient sur leur cible, le bruit des explosions agitant les vitres de la porte d’entrée de l’immeuble où je m’étais réfugié, m’effrayaient. J’ai vu les avions passer au ras des toits. J’ai vu les boules de feu clignotantes au devant de leurs ailes, signe évident que les pilotes ne se contentaient pas de lâcher leurs bombes et qu’ils mitraillaient la ville aveuglément, cherchant ainsi à semer la panique, ce qui réussit parfaitement (...] Une fois le calme revenu, j’ai repris mon vélo, abandonné au milieu de la rue dans ma course pour chercher un abri.[...] À la maison, j’ai trouvé ma mère complètement affolée, heureuse quand même de nous voir sains et saufs, Geneviève et moi.
- Où sont tes frères ?
- Je ne sais pas, ils ne vont sûrement pas tarder à arriver. Il me semble que le bombardement a eu lieu du côté de la gare. Ce n’est pas sur leur trajet de retour. Ne t’inquiète pas ! J’ai bien évité de lui parler du mitraillage de la ville."
André Triverio, <ref> ''Comme l'oiseau fait son nid'' ch. 14, par André Triverio </ref>


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"Le 16 juin, boulevard Voltaire, sur le pont de chemin de fer un long train bourré de soldats britanniques stationnait sur la voie Saint-Malo-Rennes. Ils avaient interdiction de sortir des wagons surchauffés. La chaleur à l'extérieur était intense et ils criaient leur soif.
"Le 16 juin, [[boulevard Voltaire]], sur le pont de chemin de fer un long train bourré de soldats britanniques stationnait sur la voie Saint-Malo-Rennes. Ils avaient interdiction de sortir des wagons surchauffés. La chaleur à l'extérieur était intense et ils criaient leur soif.


A quelques mètres en contrebas du ballast existait un café, le Champ Fleuri. On peut dire que ce café a vidé sa cave ! mais aussi tous les voisins du quartier s'y sont mis. Bouteilles de cidre, vin, brocs d'eau pour soulager les soldats. Et dire qu'ils ont vu leur mort quelques heures plus tard.
A quelques mètres en contrebas du ballast existait un café, ''le Champ Fleuri''. On peut dire que ce café a vidé sa cave ! mais aussi tous les voisins du quartier s'y sont mis. Bouteilles de cidre, vin, brocs d'eau pour soulager les soldats. Et dire qu'ils ont vu leur mort quelques heures plus tard.


Vers 19 heures le train a enfin réussi à entrer en gare de Rennes, via la plaine de Baud. Cela nous a tellement marqués que les souvenirs restent vivaces. A l'époque on parlait de 3000 à 5000 morts..."
Vers 19 heures le train a enfin réussi à entrer en gare de Rennes, via la plaine de Baud. Cela nous a tellement marqués que les souvenirs restent vivaces. A l'époque on parlait de 3000 à 5000 morts..."
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