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Sonia Ilinitchna Stern naît dans une famille [[juive]] ukrainienne.  
Sonia Ilinitchna Stern naît dans une famille [[juive]] ukrainienne.  
Elle décrit sa famille en ces mots : {{Citation| Mon père était ouvrier. A Gradjisk, en Ukraine, il travaillait dans une fabrique de clous. Je tiens de lui une grande intransigeance, l'horreur de la cupidité et de la mesquinerie (...) Mon oncle, le frère de ma mère m'avait ouvert un milieu de culture (...) mon père, lui, m'a légué l'honnêteté. À trois ans, une ligne de vie intérieure était tracée, je ne m'en suis jamais écartée<ref name="Damase Delaunay 12">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 12|id=DaDe78}}</ref>.}}
Elle décrit sa famille en ces mots : "''Mon père était ouvrier. A Gradjisk, en Ukraine, il travaillait dans une fabrique de clous. Je tiens de lui une grande intransigeance, l'horreur de la cupidité et de la mesquinerie (...) Mon oncle, le frère de ma mère m'avait ouvert un milieu de culture (...) mon père, lui, m'a légué l'honnêteté. À trois ans, une ligne de vie intérieure était tracée, je ne m'en suis jamais écartée''"<ref name="Damase Delaunay 12">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 12|id=DaDe78}}</ref>.


À l'âge de cinq ans, Sonia est adoptée par son oncle Terk qui est avocat à Saint-Pétersbourg<ref name="Le Rider 3">{{harvsp|Le Rider et al|1977|p= 3|id=GLD77}}</ref>, à la demande de son oncle lui-même<ref name="Damase Delaunay 12"/>. La mère de Sonia n'a tout d'abord pas accepté l'adoption complète, elle a seulement confié à Henri Terk l'éducation de l'enfant dès l'âge de trois ans<ref name="Damase Delaunay 12"/>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=ru-RU |titre=О Соне Делоне - одесситке, которая покорила мир Одесса |url=https://odessitka.info/ru/articles/o-sone-delone-odessitke-kotoraya-pokorila-mir |consulté le=2021-11-30}}</ref>. Deux ans plus tard, définitivement adoptée par les Terk,
À l'âge de cinq ans, Sonia est adoptée par son oncle Terk qui est avocat à Saint-Pétersbourg<ref name="Le Rider 3">{{harvsp|Le Rider et al|1977|p= 3|id=GLD77}}</ref>, à la demande de son oncle lui-même<ref name="Damase Delaunay 12"/>. La mère de Sonia n'a tout d'abord pas accepté l'adoption complète, elle a seulement confié à Henri Terk l'éducation de l'enfant dès l'âge de trois ans<ref name="Damase Delaunay 12"/>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=ru-RU |titre=О Соне Делоне - одесситке, которая покорила мир Одесса |url=https://odessitka.info/ru/articles/o-sone-delone-odessitke-kotoraya-pokorila-mir |consulté le=2021-11-30}}</ref>. Deux ans plus tard, définitivement adoptée par les Terk,
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[[Fichier:Pierre-Auguste Renoir, Le Moulin de la Galette.jpg|vignette|droite|[[Bal du moulin de la Galette (Renoir)|Bal du moulin de la Galette]] que Sonia découvre dans le livre de [[Julius Meier-Graefe]]]]
[[Fichier:Pierre-Auguste Renoir, Le Moulin de la Galette.jpg|vignette|droite|[[Bal du moulin de la Galette (Renoir)|Bal du moulin de la Galette]] que Sonia découvre dans le livre de [[Julius Meier-Graefe]]]]
Dans ce milieu où il est de bon ton de parler français, ou allemand, l'enfant, puis la jeune fille, découvre une certaine forme de luxe, avec des serviteurs, mais aussi les arts. Son oncle possède une belle collection de tableaux qui attire l'attention de Sonia. C'est son professeur de dessin du lycée de Saint-Pétersbourg qui conseille à sa famille de l'envoyer étudier à [[Karlsruhe]]. Elle arrive en Allemagne en 1903 et étudie le dessin avec le professeur [[Ludwig Schmid-Reutte]]<ref name="Damase 171"/> pendant deux hivers. Au cours de ses vacances en [[Finlande]], elle découvre le livre de [[Julius Meier-Graefe]] consacré à l'[[impressionnisme]] {{citation|qui lui donne envie de vivre au pays où sont nés les ''[[Le Déjeuner des canotiers|Canotiers]]'' et le ''[[Bal du moulin de la Galette (Renoir)|Bal du moulin de la Galette]]'' d'[[Auguste Renoir]]<ref name="Damase Delaunay 17">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 17|id=DaDe78}}</ref>.}}
Dans ce milieu où il est de bon ton de parler français, ou allemand, l'enfant, puis la jeune fille, découvre une certaine forme de luxe, avec des serviteurs, mais aussi les arts. Son oncle possède une belle collection de tableaux qui attire l'attention de Sonia. C'est son professeur de dessin du lycée de Saint-Pétersbourg qui conseille à sa famille de l'envoyer étudier à [[Karlsruhe]]. Elle arrive en Allemagne en 1903 et étudie le dessin avec le professeur {{w|Ludwig Schmid-Reutte}}<ref name="Damase 171"/> pendant deux hivers. Au cours de ses vacances en [[Finlande]], elle découvre le livre de {{w|Julius Meier-Graefe}} consacré à l'{{impressionnisme}} qui lui donne envie de vivre au pays où sont nés les ''{{w|Le Déjeuner des canotiers|Canotiers}}'' et le ''{{w|Bal du moulin de la Galette (Renoir)|Bal du moulin de la Galette}}'' d'{{w|Auguste Renoir}}<ref name="Damase Delaunay 17">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 17|id=DaDe78}}</ref>.


Quand elle arrive à Paris en 1905, Sonia a à peine vingt ans. Elle s'installe dans une pension au [[Quartier latin (quartier parisien)|quartier latin]] avec quatre jeunes filles russes<ref name="Damase Delaunay 19">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p=19|id=DaDe78}}</ref>. Elle suit les cours de l'[[Académie de la Palette]] à [[Quartier du Montparnasse|Montparnasse]] où enseignent cinq maîtres néo-classiques : [[Charles Cottet]], [[Edmond Aman-Jean]], [[George Desvallières]], [[Lucien Simon]] et [[Jacques-Émile Blanche]], qui corrigent l'un après l'autre les toiles des élèves, ce qui selon Sonia, crée une confusion dans l'esprit des étudiants<ref name="Damase Delaunay 19"/>.
Quand elle arrive à Paris en 1905, Sonia a à peine vingt ans. Elle s'installe dans une pension au Quartier latin avec quatre jeunes filles russes<ref name="Damase Delaunay 19">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p=19|id=DaDe78}}</ref>. Elle suit les cours de l'Académie de la Palette à Montparnasse où enseignent cinq maîtres néo-classiques : {{w|Charles Cottet}}, {{w|Edmond Aman-Jean}}, {{w|George Desvallières}}, {{w|Lucien Simon}} et {{w|Jacques-Émile Blanche}}, qui corrigent l'un après l'autre les toiles des élèves, ce qui selon Sonia, crée une confusion dans l'esprit des étudiants<ref name="Damase Delaunay 19"/>.


Elle préfère donc s'en écarter. Elle travaille seule, et elle part à la découverte de [[Paul Gauguin]], [[Pierre Bonnard]], [[Édouard Vuillard|Vuillard]], [[André Derain]] qui sont exposés dans une galerie proche de [[Église de la Madeleine|La Madeleine]] : la [[Galerie Bernheim-Jeune|galerie Bernheim]]<ref name="Damase Delaunay 20">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p=20|id=DaDe78}}</ref>. Ces peintres ont fondé un nouveau style : le [[fauvisme]] qui l'enthousiasme, mais qu'elle veut dépasser. Selon Jacques Damase, {{citation|Même en dehors du fauvisme, Sonia appartient, par la couleur de ses premiers tableaux à l'espèce des grands fauves. Sa force de création est instinctive comme la puissance animale<ref name="Damase Delaunay 20"/>.}}
Elle préfère donc s'en écarter. Elle travaille seule, et elle part à la découverte de {{w|Paul Gauguin}}, {{w|Pierre Bonnard}}, {{w|Édouard Vuillard}}, {{w|André Derain}} qui sont exposés dans une galerie proche de l'Église de la Madeleine : la {{w|Galerie Bernheim-Jeune|galerie Bernheim]]<ref name="Damase Delaunay 20">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p=20|id=DaDe78}}</ref>. Ces peintres ont fondé un nouveau style : le {{w|fauvisme}} qui l'enthousiasme, mais qu'elle veut dépasser. Selon Jacques Damase, "''Même en dehors du fauvisme, Sonia appartient, par la couleur de ses premiers tableaux à l'espèce des grands fauves. Sa force de création est instinctive comme la puissance animale''"<ref name="Damase Delaunay 20"/>.


Sonia se considérait avant tout comme française et plus encore, comme parisienne {{Citation|Je ne me sens bien qu'en France, et encore pas partout. Avant tout l'[[Île-de-France]], c'est ce que j'aime le plus — Sonia Delaunay, propos recueilli par Jacques Damase en 1978<ref name="Damase Delaunay 174">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 174|id=DaDe78}}</ref>.}}
Sonia se considérait avant tout comme française et plus encore, comme parisienne : "''Je ne me sens bien qu'en France, et encore pas partout. Avant tout l'{{w|Île-de-France}}, c'est ce que j'aime le plus'' ''Sonia Delaunay, propos recueilli par Jacques Damase en 1978''"<ref name="Damase Delaunay 174">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 174|id=DaDe78}}</ref>.


=== Période fauve et rencontres ===
==Sur la carte==
Son premier tableau ''Philomène''<ref>[http://www.wikipaintings.org/en/sonia-delaunay/philomene voir Philomène]</ref> (1907) a fait partie de l'exposition ''Le Fauvisme ou l'épreuve du feu'' au [[Musée d'Art moderne de la Ville de Paris]], en 1999-2000. C'est une huile sur toile, de {{dunité|92|54.5|cm}} conservée au [[Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou]], [[Paris]]<ref name="Fauvisme 387">{{harvsp|Fauvisme|2003|p= 387|id=Fauv00}}</ref> aux couleurs fortes, cernées de noir. L'œuvre est classée par Evguénia Pétrova<ref group="note">Madame Pétrova était en 2000, vice-directeur du [[Musée Russe|Musée national russe]] de [[Saint-Pétersbourg]], Collectif fauvisme, section ''Le fauvisme et les sources folkloriques du primitivisme russe'', {{p.|382}}</ref>, dans le « pré-fauvisme » naturel de la peinture russe « dont les orientations sont peut-être encore plus sauvages que ce que l'on observe chez les fauves<ref name="Fauvisme 382">{{harvsp|Fauvisme|2003|p= 382|id=Fauv00}}</ref>. »
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Alors que les fauves étaient dénoncés par le critique d'art [[Louis Vauxcelles]] au [[Salon d'automne de 1905]], (il est l'inventeur du mot [[Fauvisme|fauve]]<ref name="Fauvisme 26">{{harvsp|Fauvisme|2003|p=26|id=Fauv00}}</ref>), Sonia, elle, trouve que les fauves ne vont pas assez loin, en particulier Pierre Matisse, dont elle considère que les œuvres sont un ''compromis pour bourgeois''<ref name="Damase Delaunay 20"/>.
[[Catégorie:Matrimoine|Delaunay, Groupe scolaire Sonia]]
 
[[Catégorie:Établissement scolaire]]
La période fauve de Sonia est très importante . Elle y laisse éclater son goût des couleurs vives comme dans ''Jeune fille endormie''<ref>[http://www.artcyclopedia.com/artists/delaunay_sonia.html voir Jeune fille endormie]</ref> (1907, huile sur toile et support bois, {{dunité|46|55 |cm}}, Centre Pompidou)<ref name="Leal 55">{{harvsp|Leal|2003|p=55|id=Leal03}}</ref>, ainsi que dans le ''Nu jaune'' (1908, huile sur toile {{dunité|65|98 |cm}}, conservée au [[Musée des beaux-arts de Nantes]])<ref name="Fauvisme 395">{{harvsp|Fauvisme|2003|p=395|id=Fauv00}}</ref>. Dans ses ''Cahiers inédits'', Robert Delaunay dit de cette peinture éclatante : {{Citation|Venue de l'Orient vers l'Occident, elle  porte en elle cette chaleur, cette mysticité caractéristique et classique et sans se briser au contact occidental, au contraire, se ''recrée'' en trouvant son expression constructive par ce frottement, s'amplifie et se développe en une transformation où les éléments qui composent son art se transfusent en un art nouveau, qui a ses caractéristiques occidentales et orientales, pour ainsi dire, formelles et indivisibles, dont seule elle est le moule créateur. Comme tous les artistes ou poètes de l’Orient, elle possède à l'état atavique la couleur<ref name="Francastel 200">{{harvsp|Francastel|1958|p= 200|id=Fran58}}</ref>.}}
 
Sa force de la couleur lui permet de déborder tous les enseignements académiques ou théoriques par un besoin incompatible avec les formules, par cette fougue anarchique qui se transforme par la suite en force ordonnée<ref name="Damase 6">{{harvsp|Damase|1991|p= 6|id=JacD91}}</ref>.
 
Ces couleurs vont réveiller, plus tard, la tendance ''sombre'' dans laquelle Robert s'enferme avec ses tours Eiffel (1909-1910)<ref name="Ameline Rousseau 183">{{harvsp|Ameline|Rousseau|1999|p=183|id=AR99}}</ref>. Sous l'influence de Sonia, il se relance dans des couleurs plus franches (''Fenêtres'', puis l'''équipe de Cardiff'', puis les formes circulaires ''Soleil'')<ref name="Ameline Rousseau 201-211">{{harvsp|Ameline|Rousseau|1999|p= 201-211|id=AR99}}</ref>.
 
Pendant les années 1907-1908, Sonia prend également des leçons de gravure avec le peintre Grossman qui habite l'[[Île Saint-Louis]] et qui lui présente le collectionneur et galeriste allemand, [[Wilhelm Uhde]]. C'est dans la galerie de Uhde, [[rue Notre-Dame-des-Champs]] qu'elle va rencontrer par la suite [[Robert Delaunay]]<ref name="Damase Delaunay 22">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 22|id=DaDe78}}</ref>.
 
En 1908, Sonia a sa première exposition personnelle à la galerie Uhde<ref name="Damase 171"/>. Wilhelm Uhde et elle décident de faire un « mariage amical » (mariage blanc)<ref name="Le Rider 3"/>. Ils se marient à [[Londres]] le {{date|5 décembre 1908}}.
 
À partir de cette période elle commence ses premières « tapisseries-broderies », et à la galerie Uhde, elle rencontre, outre Robert Delaunay, [[Pablo Picasso]], Derain, et [[Georges Braque]]<ref name="Damase 171"/>. Dans le moment-même où, selon Robert, on était {{Citation|…en plein fauvisme, gauguinisme, et où l'exotisme fleurissait aux [[Salon des indépendants|Indépendants]], dont Matisse prenait la bannière du goût français en canalisant toute cette peinture slave qu'il assaisonnait au goût littéraire parisien (…)<ref name="Francastel 201">{{harvsp|Francastel|1958|p= 201|id=Fran58}}</ref>.}}, Sonia opère en [[1909]], une brisure avec ses tapisseries au point passé, qui apportent, dans leurs moyens expressifs, une délivrance à perspective très proche<ref name="Francastel 201"/>.
 
=== Sonia, Robert, et Charles ===
[[Fichier:Rue des Grands Augustins.jpg|vignette|droite|[[Rue des Grands-Augustins]] où Sonia et Robert Delaunay ont eu leur atelier jusqu'en 1935]]
Ayant divorcé de son premier mari, Sonia épouse Robert Delaunay le {{date|15|novembre|1910}} à la mairie du [[6e arrondissement de Paris|{{6e|arrondissement}} de Paris]]<ref name="Ameline Rousseau 29">{{harvsp|Ameline|Rousseau|1999|p=29|id=AR99}}</ref>. Le couple s'installe au 3 [[rue des Grands-Augustins]] où il garde un atelier jusqu'en 1935<ref name="Damase 171"/>. Le {{date|8|janvier|1911}}, naît leur fils [[Charles Delaunay|Charles]]. Le couple vit dans un enthousiasme bouillonnant : la naissance du bébé ne les empêche pas de créer, l'enfant étant, selon Sonia, très calme. Robert et elle peuvent travailler librement<ref name="Damase Delaunay 33">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 33|id=DaDe78}}</ref>.
 
Pendant les premières années du mariage, le couple mène une vie très au-dessus de ses moyens, et dépense le double de ses revenus. Une tante de Sonia lui verse une petite rente, la mère de Robert, qui en avait promis autant ne peut le faire, car elle n'a plus un sou. Cela ne les empêche pas de recevoir beaucoup de gens, des poètes, des peintres et en particulier Madame Epstein qui leur fait connaître [[Vassily Kandinsky]]<ref name="Damase Delaunay 32">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 32|id=DaDe78}}</ref>.
 
Dans son autobiographie, [[Charles Delaunay]] écrit, à propos de cette période : {{Citation|Je ne conserve pas le moindre souvenir de cet atelier(…) J'ai toutefois du mal à imaginer comment pouvaient y cohabiter un couple de jeunes mariés, un nouveau-né, sa gouvernante, et les visiteurs, parfois fort excentriques, qui défilaient à toute heure du jour et de la nuit<ref name="Cha85-3">[[#Cha85|Charles Delaunay (1987)]], p.3</ref>.}}
 
En 1911, Sonia réalise sa première œuvre abstraite avec du textile . C'est une couverture pour son fils Charles : un assemblage de coupons de diverses couleurs vives, dans la tradition ukrainienne. Elle joue ici avec les couleurs des tissus comme dans sa peinture<ref name="FLP88-247">[[#FLP88|Jean-Louis Ferrier, Yann Le Pichon (1988)]], {{p.|247}}</ref>. {{Citation|Charles à sa naissance, en janvier 1911, a eu un lit Empire. Je l'ai bordé avec une couverture composée de bouts de tissus. Les paysannes russes font comme ça. En observant la disposition des fragments d'étoffes, mes amis s'exclamèrent : « mais c'est cubiste<ref>Sonia Delaunay citée dans ''Delaunay Sonia et Robert, catalogue d'exposition'', MNAM, 1984, p. 178.</ref> !}}
 
Par ailleurs, Sonia continue à jouer avec les couleurs pour des collages, des reliures de livres en papier appliqués et en déchets de tissus. Elle peint aussi des coffrets, des abat-jour et des voilettes simultanées, tandis que Robert commence à appliquer la théorie de [[Michel-Eugène Chevreul|Chevreul]] (le contraste simultané des couleurs), à sa peinture<ref name="Damase Delaunay 35">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 35|id=DaDe78}}</ref>.
 
Apollinaire dit, à propos du couple : {{Citation|En se réveillant, les Delaunay parlent peinture<ref name="Damase Delaunay 34">{{harvsp|Damase|Delaunay|1978|p= 34|id=DaDe78}}</ref>.}} Sonia considère qu'il n'exagérait pas : {{Citation|Nous nous sommes aimés dans l'art comme d'autres couples se sont unis dans la foi, dans le crime, dans l'alcool, dans l'ambition politique. La passion de peindre a été notre lien principal<ref name="Damase Delaunay 34"/>.}}
Apollinaire a donné au mouvement pictural fondé par les Delaunay en 1911 le nom d'[[orphisme (art)|orphisme]]. Il semble qu'Apollinaire n'ait pas bien mesuré le sens de ce qu'il voyait. {{Citation bloc|C'est effectivement Apollinaire qui avait inventé le terme « orphisme », (culte rendu à [[Orphée]]). Il l'avait employé publiquement lors d'une conférence sur la peinture moderne prononcée à l'occasion du [[Salon de la Section d'Or|Salon de la section d'or]] en octobre 1912. Qu'entendait-il par là ? Il semble que lui-même ne l'ait jamais très bien su et plus encore qu'il n'ait pas très bien su quelles limites assigner à cette nouvelle tendance<ref name="Laclotte Cuzin 659">{{harvsp|Laclotte|Cuzin|1987|p= 659|id=LC87}}</ref>.}}

Version du 16 février 2023 à 17:39

Le groupe scolaire Sonia Delaunay est situé dans le quartier de Beauregard et a été dénommée par délibération du conseil municipal en date du 14 janvier 2012 pour rendre hommage à :

Sonia Delaunay

Sonia Ilinitchna Stern naît dans une famille juive ukrainienne. Elle décrit sa famille en ces mots : "Mon père était ouvrier. A Gradjisk, en Ukraine, il travaillait dans une fabrique de clous. Je tiens de lui une grande intransigeance, l'horreur de la cupidité et de la mesquinerie (...) Mon oncle, le frère de ma mère m'avait ouvert un milieu de culture (...) mon père, lui, m'a légué l'honnêteté. À trois ans, une ligne de vie intérieure était tracée, je ne m'en suis jamais écartée"[1].

À l'âge de cinq ans, Sonia est adoptée par son oncle Terk qui est avocat à Saint-Pétersbourg[2], à la demande de son oncle lui-même[1]. La mère de Sonia n'a tout d'abord pas accepté l'adoption complète, elle a seulement confié à Henri Terk l'éducation de l'enfant dès l'âge de trois ans[1],[3]. Deux ans plus tard, définitivement adoptée par les Terk, Sonia vit dans un milieu cultivé. Elle passe ses vacances en Finlande où l'oncle a une maison, en Suisse, en Italie, en Allemagne[4].

Bal du moulin de la Galette que Sonia découvre dans le livre de Julius Meier-Graefe

Dans ce milieu où il est de bon ton de parler français, ou allemand, l'enfant, puis la jeune fille, découvre une certaine forme de luxe, avec des serviteurs, mais aussi les arts. Son oncle possède une belle collection de tableaux qui attire l'attention de Sonia. C'est son professeur de dessin du lycée de Saint-Pétersbourg qui conseille à sa famille de l'envoyer étudier à Karlsruhe. Elle arrive en Allemagne en 1903 et étudie le dessin avec le professeur Ludwig Schmid-Reutte Wikipedia-logo-v2.svg[4] pendant deux hivers. Au cours de ses vacances en Finlande, elle découvre le livre de Julius Meier-Graefe Wikipedia-logo-v2.svg consacré à l'Modèle:Impressionnisme qui lui donne envie de vivre au pays où sont nés les Canotiers Wikipedia-logo-v2.svg et le Bal du moulin de la Galette Wikipedia-logo-v2.svg d'Auguste Renoir Wikipedia-logo-v2.svg[5].

Quand elle arrive à Paris en 1905, Sonia a à peine vingt ans. Elle s'installe dans une pension au Quartier latin avec quatre jeunes filles russes[6]. Elle suit les cours de l'Académie de la Palette à Montparnasse où enseignent cinq maîtres néo-classiques : Charles Cottet Wikipedia-logo-v2.svg, Edmond Aman-Jean Wikipedia-logo-v2.svg, George Desvallières Wikipedia-logo-v2.svg, Lucien Simon Wikipedia-logo-v2.svg et Jacques-Émile Blanche Wikipedia-logo-v2.svg, qui corrigent l'un après l'autre les toiles des élèves, ce qui selon Sonia, crée une confusion dans l'esprit des étudiants[6].

Elle préfère donc s'en écarter. Elle travaille seule, et elle part à la découverte de Paul Gauguin Wikipedia-logo-v2.svg, Pierre Bonnard Wikipedia-logo-v2.svg, Édouard Vuillard Wikipedia-logo-v2.svg, André Derain Wikipedia-logo-v2.svg qui sont exposés dans une galerie proche de l'Église de la Madeleine : la {{w|Galerie Bernheim-Jeune|galerie Bernheim]][7]. Ces peintres ont fondé un nouveau style : le fauvisme Wikipedia-logo-v2.svg qui l'enthousiasme, mais qu'elle veut dépasser. Selon Jacques Damase, "Même en dehors du fauvisme, Sonia appartient, par la couleur de ses premiers tableaux à l'espèce des grands fauves. Sa force de création est instinctive comme la puissance animale"[7].

Sonia se considérait avant tout comme française et plus encore, comme parisienne : "Je ne me sens bien qu'en France, et encore pas partout. Avant tout l'Île-de-France Wikipedia-logo-v2.svg, c'est ce que j'aime le plusSonia Delaunay, propos recueilli par Jacques Damase en 1978"[8].

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