« Libération de Rennes » : différence entre les versions

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'''AUBE DU 4 AOÛT [[1944]] : LA 4e D.B  AMÉRICAINE EST À LA PORTE DE RENNES, LES RÉSISTANTS SONT DANS LA PLACE ET POURTANT LES PONTS SAUTENT''' <ref> ''Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945'', par Étienne Maignen. Éditions Ouest-France - 2013</ref>
'''AUBE DU 4 AOÛT [[1944]] : LA 4e D.B  AMÉRICAINE EST À LA PORTE DE RENNES, LES RÉSISTANTS SONT DANS LA PLACE ET POURTANT LES PONTS SAUTENT''' <ref> ''Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945'', par Étienne Maignen. Éditions Ouest-France - 2013</ref>


====Les préludes====


====Les préludes====
Dès le 6 juin, l'annonce du débarquement des alliés en Normandie a des effets immédiats à Rennes. Un affolement, qui s'avérera prématuré de près de deux mois, gagne les Allemands : des troupes commencent à quitter Rennes. Les soldats prennent partout les bicyclettes. Les officiers partent en auto, en camions, emportant leurs valises. Les "souris grises" ont été embarquées en camions dès le matin. "Ils partent ! Personne n'en croit ses yeux." Les routes sont barrées par les Allemands, ce qui a empêché l'arrivée du ravitaillement. La ville est sans lait."<ref> ''Les Heureuses douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. Imp. Les Nouvelles </ref>


Dès le 6 juin, l'annonce du débarquement des alliés en Normandie  a des effets immédiats à Rennes. Un affolement, qui s'avérera prématuré de près de deux mois, gagne les Allemands : des troupes commencent à quitter Rennes. Les soldats prennent partout les bicyclettes. Les officiers partent en auto, en camions, emportant leurs valises. Les "souris grises" ont été embarquées en camions dès le matin. "Ils partent ! Personne n'en croit ses yeux." Les routes sont barrées par les Allemands, ce qui a empêché l'arrivée du ravitaillement. La ville est sans lait."<ref> ''Les Heureuses douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. Imp. Les Nouvelles </ref>
Dans la matinée du 7 juillet, l'armée allemande s'était livrée à des tirs d'artillerie à diverse entrées de Rennes : notamment au nord de Saint-Grégoire vers Montgermont (route de Saint-Malo), de la route de Fougères en direction de Liffré, vers Thorigné, au sud du Rheu et au nord-ouest de Pacé (route de Saint-Brieuc), de Chantepie à Cesson (route de Paris). La population avait été avertie la veille que l'accès à ces terrains serait interdit et qu'il y avait danger de mort à y pénétrer<ref> L'Ouest-Eclair du 6 juillet 1944</ref>.


Dans la matinée du 7 juillet, l'armée allemande s'était livrée à des tirs d'artillerie à diverse entrées de Rennes : notamment au nord de Saint-Grégoire vers Montgermont ( route de Saint-Malo), de la route de Fougères en direction de Liffré, vers Thorigné, au sud du Rheu  et au nord-ouest de Pacé (route de Saint-Brieuc), de Chantepie à Cesson (route de Paris). La population avait été avertie la veille que l'accès à ces terrains serait interdit et qu'il y avait danger de mort à y pénétrer.<ref> L'Ouest-Eclair du 6 juillet 1944</ref>


====1er août, coup d'arrêt à Maison-Blanche====
====1er août, coup d'arrêt à Maison-Blanche====


Mais trois semaines plus tard, le Ier août, c'est par la route d'Antrain que la 4e DB américaine (4th Armored Division), vient d’Avranches avec 25 Sherman, mais "la longue descente sur Rennes ne fut pas une promenade dominicale dans un parc". Bien que la résistance allemande se fut évanouie au sud d’Avranches, il n’y avait aucune certitude quant à ce que rencontrerait la 4e blindée à mesure de l’approche du prochain objectif d’importance. Le 10e bataillon d’infanterie blindé (AIB)aurait bientôt un échantillon de ce que les Allemands lui réservaient à Rennes". Ce jour-là, un membre de la compagnie A, sans égal pour son audace et sa réussite mena une mission de reconnaissance bien particulière. Le soldat de première classe du 10e bataillon d’infanterie blindé, Wilfred Pelletier, était d’ascendance française comme son nom l‘indiquait et parlait français couramment. Il fut volontaire pour se mettre en civil et paraître un civil français pour faire une mission de reconnaissance approfondie des positions ennemies. Il se promena dans la campagne et fut bientôt chez les Allemands sans avoir été interpellé. De fait, il resta avec les troupes allemandes ce soir-là et demanda à l’une de leurs sentinelles de le réveiller à 7 heures du matin. Et l’Allemand s’exécuta ! Pelletier revint avec une moisson de renseignements sur les positions ennemies et leur dépôt de stocks. L'objectif premier était de "contrôler la hauteur entre Saint-Laurent et Lesboria". Forte de ces renseignements inestimables, la 10th AIB détruisit facilement les positions et le dépôt ennemis.»<ref>Patton's Vanguard, the United States Army Fourth Armored Division, par Don M. Fox, éd. Macfarland - 2003</ref>, "Lesboria" , déformation phonétique de ''Le Poirier'', ferme à l'ouest de la route (à l'emplacement de l'actuelle [[rue du Poirier Nivet]]. Elle est arrêtée à Maison-Blanche, en Saint-Grégoire, au nord de Rennes, alors que les troupes allemandes avaient commencé à quitter la ville dans les derniers jours de juillet: "''au cours de la nuit du 30 au 31, les officiers de la Feldkommandantur sont partis précipitamment, emportant leurs bagages. Des convois traversent la ville mais, dans les voitures, il n'y a plus que des colis, ni armes, ni munitions''"<ref> ''Les Heures douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. imp. Les Nouvelles</ref>. Les Allemands accentuent leur replis le Ier et le 2 août.<ref>Notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes</ref> Cependant le colonel Eugen Koenig y commande deux bataillons de recrues amenés du Mans, s'ajoutant aux restes de la 9Ie division aéroportée amenés par le général Fahrmbacher "''pour défendre Rennes, une ville commerciale de 80000 h. [...] considérée par certains comme la ville la plus laide du pays''" (!). Cette appréciation américaine a sa source dans un guide britannique de 1895 et fut reprise ensuite dans divers guides de langue anglaise : dans son ''North-Western France''  Augustus J.-C. Hare qualifiait Rennes de "ville la plus morne de même qu'elle est presque la plus laide du pays"<ref> ''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'', par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Sté archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine. t. CXII -2008 </ref>  
Mais trois semaines plus tard, le Ier août, c'est par la route d'Antrain que la 4e DB américaine (4th Armored Division), vient d’Avranches avec 25 Sherman, mais "la longue descente sur Rennes ne fut pas une promenade dominicale dans un parc". Bien que la résistance allemande se fut évanouie au sud d’Avranches, il n’y avait aucune certitude quant à ce que rencontrerait la 4e blindée à mesure de l’approche du prochain objectif d’importance. Le 10e bataillon d’infanterie blindé (AIB) aurait bientôt un échantillon de ce que les Allemands lui réservaient à Rennes". Ce jour-là, un membre de la compagnie A, sans égal pour son audace et sa réussite mena une mission de reconnaissance bien particulière. Le soldat de première classe du 10e bataillon d’infanterie blindé, Wilfred Pelletier, était d’ascendance française comme son nom l‘indiquait et parlait français couramment. Il fut volontaire pour se mettre en civil et paraître un civil français pour faire une mission de reconnaissance approfondie des positions ennemies. Il se promena dans la campagne et fut bientôt chez les Allemands sans avoir été interpellé. De fait, il resta avec les troupes allemandes ce soir-là et demanda à l’une de leurs sentinelles de le réveiller à 7 heures du matin. Et l’Allemand s’exécuta ! Pelletier revint avec une moisson de renseignements sur les positions ennemies et leur dépôt de stocks. L'objectif premier était de "contrôler la hauteur entre Saint-Laurent et Lesboria". Forte de ces renseignements inestimables, la 10th AIB détruisit facilement les positions et le dépôt ennemis.»<ref>Patton's Vanguard, the United States Army Fourth Armored Division, par Don M. Fox, éd. Macfarland - 2003</ref>, "Lesboria" , déformation phonétique de ''Le Poirier'', ferme à l'ouest de la route (à l'emplacement de l'actuelle [[rue du Poirier Nivet]]). Elle est arrêtée à Maison-Blanche, en Saint-Grégoire, au nord de Rennes, alors que les troupes allemandes avaient commencé à quitter la ville dans les derniers jours de juillet: "''au cours de la nuit du 30 au 31, les officiers de la Feldkommandantur sont partis précipitamment, emportant leurs bagages. Des convois traversent la ville mais, dans les voitures, il n'y a plus que des colis, ni armes, ni munitions''"<ref> ''Les Heures douloureuses de Rennes'', par V. Ladam. imp. Les Nouvelles</ref>. Les Allemands accentuent leur replis le Ier et le 2 août.<ref>Notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes</ref> Cependant le colonel Eugen Koenig y commande deux bataillons de recrues amenés du Mans, s'ajoutant aux restes de la 9Ie division aéroportée amenés par le général Fahrmbacher "''pour défendre Rennes, une ville commerciale de 80000 h. [...] considérée par certains comme la ville la plus laide du pays''" (!). Cette appréciation américaine a sa source dans un guide britannique de 1895 et fut reprise ensuite dans divers guides de langue anglaise : dans son ''North-Western France''  Augustus J.-C. Hare qualifiait Rennes de "ville la plus morne de même qu'elle est presque la plus laide du pays"<ref> ''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'', par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Sté archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine. t. CXII -2008 </ref>  
Est installée ici la 2e batterie de DCA ( Flak Abt. 441) avec 6 canons de 88 m/m ainsi que 2 canons de 20 m/m,<ref> entretien avec Me Jean Chasle, le 21 mars 2013 </ref> et une centaine de fantassins disposant de quelques mitrailleuses et lance-roquettes anti-char.  
Est installée ici la 2e batterie de DCA ( Flak Abt. 441) avec 6 canons de 88 m/m ainsi que 2 canons de 20 m/m,<ref> entretien avec Me Jean Chasle, le 21 mars 2013 </ref> et une centaine de fantassins disposant de quelques mitrailleuses et lance-roquettes anti-char.  


<ref> Retreat to the Reich. The German defeat in France, 1944, par Samuel W. Mitcham, Jr. - Praeger 2000 </ref> La division blindée du général John S. Wood va perdre 11 chars et 3 autochenilles touchées par une batterie de DCA allemande oeuvrant à tir tendu. Les troupes américaines se retirent de plusieurs kilomètres sous couvert d'un rideau de fumée et 30 P.47 Thunderbolts pilonneront les positions de DCA allemande. Les Allemands avaient bien tenté de paralyser l'effort américain par des frappes aériennes mais ne réussirent qu'à perdre trois appareils irremplaçables.<ref> ''Operation Cobra''. CSI Fort Leavenworth, Kansas</ref> Wood attend des renforts en hommes, vivres, carburant et munitions. La ville reçoit pendant trois jours par intermittence des obus, probablement pour tenter de convaincre l'ennemi de la quitter.<ref> notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes</ref> Le général Wood amorce avec une partie de ses troupes un débordement de Rennes par l'ouest. Le 5 août, questionné par [[Yves Milon]] sur ces tirs d'obus, le général Patton aurait répondu avec son humour : "Avant d'entrer chez quelqu'un, on frappe toujours." '''*'''
<ref> Retreat to the Reich. The German defeat in France, 1944, par Samuel W. Mitcham, Jr. - Praeger 2000 </ref> La division blindée du général John S. Wood va perdre 11 chars et 3 autochenilles touchées par une batterie de DCA allemande oeuvrant à tir tendu. Les troupes américaines se retirent de plusieurs kilomètres sous couvert d'un rideau de fumée et 30 P.47 Thunderbolts pilonneront les positions de DCA allemande. Les Allemands avaient bien tenté de paralyser l'effort américain par des frappes aériennes mais ne réussirent qu'à perdre trois appareils irremplaçables.<ref> ''Operation Cobra''. CSI Fort Leavenworth, Kansas</ref> Wood attend des renforts en hommes, vivres, carburant et munitions. La ville reçoit pendant trois jours par intermittence des obus, probablement pour tenter de convaincre l'ennemi de la quitter.<ref> notes d'un vieux rennais pendant les jours précédant la libération de Rennes</ref> Le général Wood amorce avec une partie de ses troupes un débordement de Rennes par l'ouest. Le 5 août, questionné par [[Yves Milon]] sur ces tirs d'obus, le général Patton aurait répondu avec son humour : "Avant d'entrer chez quelqu'un, on frappe toujours." '''*'''
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Un journal du New Jersey annonça, en février 2013, le décès de Muriel Bachan, 90 ans. Elle avait tout juste 22 ans et était maman de triplées de quatre mois quand son mari, Herbert Bachant de la 4e division blindée américaine (4th Armored Division) pendant la Seconde Guerre mondiale fut porté disparu au combat en France, deux mois après le jour J.
Un journal du New Jersey annonça, en février 2013, le décès de Muriel Bachan, 90 ans. Elle avait tout juste 22 ans et était maman de triplées de quatre mois quand son mari, Herbert Bachant de la 4e division blindée américaine (4th Armored Division) pendant la Seconde Guerre mondiale fut porté disparu au combat en France, deux mois après le jour J.


« J’espère que les Américains le reprendront aux Allemands lors de notre avance, et j’espère qu’ils le rapatrieront » avait-elle déclaré aux reporters dans son appartement du Bronx en août 1944. « Je ne veux pas qu’on soit tristes pour moi. Je ne suis pas différente de toutes les épouses dont le mari est là-bas à risquer sa vie. »
« J’espère que les Américains le reprendront aux Allemands lors de notre avance, et j’espère qu’ils le rapatrieront » avait-elle déclaré aux reporters dans son appartement du Bronx en août 1944. « Je ne veux pas qu’on soit tristes pour moi. Je ne suis pas différente de toutes les épouses dont le mari est là-bas à risquer sa vie. »


Pour complaire aux photographes des média, elle plaça les petites Janet Lee, Nancy Sue et Karen Ann ensemble sur un confortable fauteuil rembourré.
Pour complaire aux photographes des média, elle plaça les petites Janet Lee, Nancy Sue et Karen Ann ensemble sur un confortable fauteuil rembourré.


Muriel avait 15 ans lorsqu’elle rencontra Herbert, fougueux garçon à la moustache bien taillée. Il approchait de 30 ans et était conducteur de bus. Ils se marièrent quelques semaines avant le bombardement japonais de Pearl Harbor et Herbert fut rappelé à l’armée après l’attaque. Les triplées furent conçues en juillet 1943 lors de la visite de Muriel à son mari à sa base d’entraînement au Texas. Herbert fut envoyé par bateau en Angleterre en janvier 1944; les filles naquirent dans un hôpital de New York le 30 mars 1944. Leur arrivée fit sensation à une époque antérieure aux traitements de fertilité qui banalisèrent les naissances multiples.
Muriel avait 15 ans lorsqu’elle rencontra Herbert, fougueux garçon à la moustache bien taillée. Il approchait de 30 ans et était conducteur de bus. Ils se marièrent quelques semaines avant le bombardement japonais de Pearl Harbor et Herbert fut rappelé à l’armée après l’attaque. Les triplées furent conçues en juillet 1943 lors de la visite de Muriel à son mari à sa base d’entraînement au Texas. Herbert fut envoyé par bateau en Angleterre en janvier 1944; les filles naquirent dans un hôpital de New York le 30 mars 1944. Leur arrivée fit sensation à une époque antérieure aux traitements de fertilité qui banalisèrent les naissances multiples.


Une photographie de l’Associated  Press du 27 avril 1944 présente un Herbert Bachant radieux montrant une photo de sa femme et des nouveau-nées.
Une photographie de l’Associated  Press du 27 avril 1944 présente un Herbert Bachant radieux montrant une photo de sa femme et des nouveau-nées.


Il n’y eut pas de fin heureuse. La nouvelle arriva qu’Herbert Bachant et des camarades avaient été tués au voisinage de Rennes, le Ier août 1944 lorsque leur autochenille  fut atteinte par les tirs allemands à Maison Blanche.  Il ne vit jamais ses filles.
Il n’y eut pas de fin heureuse. La nouvelle arriva qu’Herbert Bachant et des camarades avaient été tués au voisinage de Rennes, le Ier août 1944 lorsque leur autochenille  fut atteinte par les tirs allemands à Maison Blanche.  Il ne vit jamais ses filles.
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