Herbert Raymond Bachant, libérateur

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Bachant montre, en manœuvres en avril en Angleterre, la photo des triplées à des copains
Herbert R. Bachant, caporal technicien
La maman et les triplées devant la photo de Herbert R. Bachant qui allait être tué devant Rennes, à Maison-Blanche

Une triple naissance médiatisée

Un journal du New Jersey annonça, en février 2013, le décès de Muriel Bachant, 90 ans. Elle avait tout juste 22 ans et était maman de triplées de quatre mois quand son mari, Herbert Bachant de la 4e division blindée américaine (4th Armored Division) pendant la Seconde Guerre mondiale fut porté disparu au combat en France, deux mois après le jour J.

Herbert R. Bachant devant la photo de ses filles

« J’espère que les Américains le reprendront aux Allemands lors de notre avance, et j’espère qu’ils le rapatrieront » avait-elle déclaré aux reporters dans son appartement du Bronx en août 1944. « Je ne veux pas qu’on soit tristes pour moi. Je ne suis pas différente de toutes les épouses dont le mari est là-bas à risquer sa vie. »

Muriel avait 15 ans lorsqu’elle rencontra Herbert, fougueux garçon roux, de 1,70 mètres, 65 kilos, à la moustache bien taillée. Il approchait de 30 ans et était conducteur de bus. Ils se marièrent lorsqu'elle avait 19 ans, quelques semaines avant le bombardement japonais de Pearl Harbor et Herbert fut rappelé à l’armée après l’attaque.

Les triplées avaient été conçues en juillet 1943 lors de la visite de Muriel à son mari à sa base d’entraînement au Texas. Avant son départ pour l'Angleterre, en janvier 1944, Herbert s'absenta sans permission pour aller voir sa femme et résista à son insistance de déserter. Il fut donc envoyé par bateau en Angleterre en janvier 1944; les filles naquirent dans un hôpital de New York le 30 mars. Leur arrivée fit sensation à une époque antérieure aux traitements de fertilité qui banalisèrent les naissances multiples Pour complaire aux photographes des média, elle plaça les petites Janet Lee, Nancy Sue et Karen Ann ensemble sur un confortable fauteuil rembourré. Une photographie de l’Associated Press du 27 avril 1944 présente un Herbert Bachant radieux montrant à des copains, lors de manœuvres de pré-invasion en Angleterre, une photo de sa femme et des nouveau-nées. Ceux-ci organisèrent entre eux un défilé militaire pour fêter "l'heureux papa".

Il faut sauver le soldat Bachant... mais il est mort au combat à St-Grégoire [1]

"Le secrétaire d'état à la guerre me demande de vous assurer de sa profonde sympathie dans la perte de votre mari, le première classe Herbert R Bachant d'abord porté manquant en opération, rapport ayant été maintenant reçu ici de sa mort au combat le Ier août en France. Lettre suit"
Schéma fait de mémoire, fin 1944, par un 2nd Lieutenant : l'autochenille de Bachant est située en bordure de route, indiquée par la flèche marquée I0th Inf Bn


En bordure de la route, la carcasse d'une des 3 autochenilles, renversée, l'avant écrasé vers Rennes,, celle du "Belly Button, du 10e régiment d'infanterie
Carte anniversaire de la Libération de Rennes : témoignage de reconnaissance de l'Office national des anciens combattants et de la société philatéliste de Rennes au papa des 3 "filles de la Liberté"[2]

Il n’y eut pas de fin heureuse. Herbert Raymond Bachant, matricule 32090456, ne devait jamais embrasser ses trois filles. L'une d'elles étant gravement malade, la maman avait pourtant envoyé une lettre au général Wood, sollicitant une permission pour son mari, mais celle-ci était parvenue trop tard, lui écrivit ultérieurement le général. La nouvelle arriva qu’Herbert Bachant avait été tué au voisinage de Rennes, le Ier août 1944 lorsque son autochenille fut atteinte à Maison Blanche.[1] Herbert R. Bachant et les six autres membres d'équipage du semi-chenillé (halftrack), B-14 dénommée "Belly Button" (nombril), du I0e bataillon d'infanterie blindé, furent tués par un coup direct d'un canon de 88 mm de la batterie allemande cachée derrière des haies alors que leur véhicule était en bordure de la route Betton-Rennes. Deux autres semi-chenillés et onze chars Sherman aussi engagés sur cet itinéraire, dont le danger avait été pourtant signalé,[2] furent ainsi détruits en même temps à portée de la batterie allemande toute proche. Il fallut attendre encore deux jours avant de voir la libération de Rennes.

Les triplées de Herbert R. Bachant

Nancy Bachant vit près de Seattle, le Dr Janet Bachant à New-York city Manhattan, et Karen Sellars en Angleterre. Nancy, qui a recherché l’histoire de la mort de son père, se souvient que sa mère était effondrée mais déterminée à donner une bonne vie à ses filles. Axée sur l’éducation, leur mère, qui comme son mari n'avait suivi que l'enseignement primaire, les fit aller toutes trois, sous le nom de leur beau-père, au collège en Pennsylvanie aux frais de l’Etat. Les triplées apprirent que leur père était mort à la guerre lorsqu’elles eurent environ 4 ans. A 18 ans, elles lui rendirent hommage en reprenant son nom.

Les triplées Bachant accompagnées par E. Maignen, lors des cérémonies du 80e anniversaire de la Libération

Les "trois filles de la Liberté" à Saint-Grégoire et Rennes en août 2014 et 2024

En 2003 ses trois filles vinrent en France, au mémorial Patton à Avranches, ville à la libération de laquelle leur père avait contribué la veille de sa mort, et au cimetière de Saint-James, où son corps ainsi que ceux de deux de ses camarades disloqués avaient été inhumés ensemble, là où elles pensaient qu'il avait été tué. Le contact fut établi avec elles par Étienne Maignen, historien local qui, après la publication d'un ouvrage sur la guerre à Rennes, poursuivait des recherches sur cette période et put, à partir d'un journal du New Jersey annonçant le décès de leur mère, de fil en aiguille via Internet, retrouver les traces de l'une d'elles et les informer des circonstances du décès de leur père au combat de Maison Blanche. Elles vinrent à Saint-Grégoire et Rennes en août 2014 pour le 70e anniversaire de la Libération de Renneset purent ainsi faire le trajet Maison-Blanche - Rennes le 4 août, à bord d'un semi-chenillé identique à celui sur lequel était leur père lorsqu'il fut tué le 1er août, sorte de revanche posthume sur le destin qui leur permit de boucler la boucle en sa mémoire. Sur place, Me Chasle, témoin du combat, 23 ans à l'époque, leur présenta les lieux du combat. Le maire de Saint-Grégoire, au cours d'une émouvante rencontre avec les Grégoriens au centre de la Forge, leur remit la médaille de citoyen d'honneur de la ville.

En août 2024, elles sont revenues à Saint-Grégoire et à Rennes, accompagnées d'enfants et petits-enfants, descendants de Herbert, pour la commémoration du 80e anniversaire de la Libération, en tant que symboles des familles de tous les GI morts au combat pour la libération de Rennes.








références

  1. Le combat du 1er août 1944 à Maison Blanche
  2. Traduction : Chère Janet Lee, chère Nancy Sue, chère Karen Ann, de la part des citoyens rennais, de ceux qui ont vécu les tragédies de la guerre, de tous ceux qui sont nés et vivent maintenant dans un pays en paix, nous vous adressons du fond du cœur notre gratitude éternelle. Votre père, Herbert Bachant, mourut en héros pendant les combats de la libération de Rennes, le 1er août 1944, sans même avoir rencontré ses filles nées de l'autre côté de l'Atlantique. Son sacrifice sur le sol français fait de vous nos sœurs par le souvenir. Vous serez toujours pour tous les Rennais les trois sœurs de la Liberté.

↑ le combat du Ier août 1944 à Maison Blanche ↑ Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945, par Étienne Maignen. éditions Ouest-France - 2013

voir : http://www.fold3.com/page/85984275_herbert_r_bachant/photos/311094706/