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Juillet 1560 : pluie et protestants boucs émissaires
A Paques 1559 des huguenots tinrent un Scène au manoir de La Prévalaye, puis une autre au manoir de la Motte au Chancelier [1] à la Pentecôte mais certains, peu discrets furent arrêtés aux portes de la ville et arrêtés, ce qui mit fin à ces cérémonies rennaises.
Le sénéchal de Rennes, Bertrand d'Argentré, est un esprit indépendant, n’hésitant pas à s’opposer, le cas échéant, au clergé catholique. Lors de cet été 1560, il peut s’appuyer sur la nouvelle législation que vient d’édicter la Cour de France. Une période de tolérance relative a été instaurée par le chancelier Michel de l’Hôpital. L’Édit d’Amboise, en mars 1560, a fait cesser les procès en cours. Les adversaires rennais des protestants, faute de pouvoir les dénoncer pour hérésie, vont donc fomenter des émeutes dont on accusera les huguenots, qui seront alors condamnés pour sédition, crime capital. [2]
En ce début juillet 1560, la pluie ne cesse de tomber sur la campagne de Rennes et entrave la moisson. C'est la pire catastrophe alimentaire qui puisse arriver en Bretagne, où les plus grandes famines sont dues à des « bleds pourris ». Les céréales germent dans les champs, la récolte est détruite, les prix s’envolent, et les émeutes éclatent. Les populations, inquiètes, entendent toutes sortes de discours désignant des boucs émissaires.
Dans les sociétés traditionnelles, on a tendance à accuser les populations minoritaires de toutes les catastrophes sanitaires ou économiques qui arrêtent la bonne marche des choses. Les huguenots rennais, qui ne sont que quelques dizaines, demandèrent alors la protection des autorités. L'affaire remonta jusqu'au gouverneur, le duc d'Étampes, qui demanda à Sébastien Thomé et au chapitre de Rennes de calmer l'effervescence. Or la Vilaine déborda et les flots commencèrent à attaquer les rives, notamment aux remparts près de la porte blanche, dans le faubourg de Bouzillé (rue Saint-Hélier). Mais la responsabilité de certains chanoines de Rennes dans les troubles de la ville semble acquise. Le clergé organisa une nouvelle procession, à l'emplacement de l'actuel Théâtre National de Bretagne, au pied du logis d'Éscoufflart, le huguenot rennais qui avait accueilli des prêches dans sa maison. La rumeur publique y vit un jugement de Dieu. Et voici que le clergé rennais décida d'organiser des processions générales destinées à ramener le soleil nécessaire aux récoltes. Lors de celle du 12 juillet, le cortège, en passant devant sa boutique à la pompe du Cartage, au coin de la rue Saint-Yves, s'en prit à Michel Cérisier, tailleur protestant qui avait refusé de se découvrir. Les 16 et 17, la foule, toujours motivée par les intempéries extraordinaires que l'on attribuait aux huguenots, conspua également l'apothicaire Alain Lévesque, suspect de calvinisme et ne le trouvant pas, on brûla un mannequin vêtu en apothicaire.
Le 25 juillet, à la suite d'une troisième procession, les protestants rennais vécurent un pogrom. Les victimes désignées furent des bourgeois et des commerçants connus comme huguenots, encore en très petit nombre, plus vulnérables que les gentilshommes protégés par leurs épées ou les murailles de leurs châteaux. La maison du médecin Melot, rue Saint-Sauveur, fut assaillie et pillée, sa femme enceinte traînée dans la rue, et lui-même conduit en prison par la foule. Les mêmes scènes se renouvelèrent dans le faubourg de Bouzillé. La Vilaine avait attaqué les rives au niveau de la Porte Blanche. Le pauvre mesmenier Éscoufflard, sa maison de Bouzille pillée, rejoignit son coreligionnaire derrière les barreaux, en attendant une probable potence[3]. Le pasteur Du Gravier avait pu s'échapper et brava tous les risques pour plaider la cause des protestants devant le gouverneur qui était alors à Lamballe. Mais déjà, le sénéchal Bertrand d'Argentré avait pris les choses en main. Convaincu que la sédition était une initiative du chapitre de la cathédrale Saint-Pierre, il se rendit à la cathédrale et arrêta un chanoine, Tanguy Audren, alors même qu’il disait la messe !
Rentré à Rennes, le 31 juillet, le duc d'Étampes fit publier à son de trompe, une ordonnance qui défendait d'insulter les protestants et, pour en surveiller l'exécution, des corps de garde furent placés dans les principaux quartiers de la ville. Il organisa une confrontation qui se révéla houleuse entre le trésorier du chapitre Bertrand d'Argentré, à qui il donna raison. Mais, pour ne pas envenimer les choses, il décida de faire comparaître les deux huguenots Melot et Écouflard à Nantes devant le Parlement, qui les libéra. Les protestants rennais, s'ils évitèrent la mort de peu, en furent quitte pour la perte de leurs biens. Cela ne calma pas les ardeurs des émeutiers. Quelques semaines plus tard, ils outragèrent le cadavre d'un notable réformé, le sieur de Claray, qui venait de décéder, en le traînant par les rues de la ville[4].
Références
- ↑ Rue de la Motte au Chancelier
- ↑ http://protestantsbretons.fr/histoire/etudes/protestants-rennais-au-xvie-siecle/
- ↑ Histoire de Rennes, p.238, Émile Ducrest de Villeneuve et D. Maillet. Edouard Morault, libraire. Rennes - 1845
- ↑ Les Protestants bretons, cinq siècles de protestantisme en Bretagne, par Jean-Yves Carluer