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Censure
Pendant toute l'occupation allemande, le quotidien L'Ouest-Éclair parut sous censure allemande : du 4 juillet 1940 au 1er août 1944[1]. "Pour continuer à publier, le journal doit accepter les contraintes imposées par les autorités allemandes"[2]. Si depuis janvier 1943, la censure allemande se faisait a posteriori, il n'en était pas toujours ainsi en pratique. Le lieutenant allemand Slovenzick, de la Propaganda-Staffel , est chargé de censurer les journaux rennais[3].
Mardi 6 juin 1944 Minuit -
On a employé le mot "ennemi" en parlant des Anglo-américains alors qu'on s'en abstient toujours. Pauvre petite liberté, d'autant plus chère ! Et c'est justement dans le titre annonçant le débarquement ! J'enlève le mot. M. Rivet, qui est là, me le fait remettre. "Le censeur l'a vu. Il faut le laisser." Je remets le mot. M. Rivet est un peu nerveux. J'apprends alors qu'il y a eu un incident avec le censeur. Le matin, le journal portait dans l'édition de Rennes "Aujourd'hui gros arrivage de poisson", en doris. Des gens d'esprit ont cru qu'on annonçait ainsi le débarquement. Ils ont fait part de leur trouvaille au censeur. Le censeur s'est ému. Il a fallu prouver qu'outre les gros poissons d'acier de la Home Fleet il était bien venu du poisson comestible. Il y a vraiment d'amusantes coïncidences.
À l'occasion de cet incident le censeur allemand a fait savoir que si le journal, réputé douteux dans les milieux de la Gestapo, interprétait les textes avec fantaisie, on substituerait une rédaction allemande à la rédaction française. Ce serait très gai pour le lecteur ! Quand on a su cette menace Henry Jan a dit : " Je m'en réjouirais." "Ce serait une réhabilitation du journal". a ajouté Cochet. C'est vers 19h30 que Jan est revenu de la censure. Le censeur a fait changer le titre. Il enlève le mot "ennemi" du titre mais l'impose dans le sous-titre. Nuance ? Il met le mot "tentative de débarquement" à la place de "débarquement". Autre nuance ! Nous livrons la page avec deux heures de retard, car non seulement il a fallu corriger le titre, mais on a dû encore ajouter un appel du maréchal Pétain qui prend la place du commentaire de Vente.
Mardi 27 juin 1944. M. Artur[4] a reçu la visite courtoise et particulièrement gracieuse de trois Bretons SS[5], mitraillette à la main, qui sont venus "l'inviter" à passer un communiqué de Breiz Atao d'une forme impossible. M. Artur a transmis à M. Jan qui s'est arrangé pour obtenir du censeur que ledit communiqué, qui n'était pas revêtu du cachet de la Propagandastaffel, ne soit pas autorisé.
Fin juillet 1944, à une époque où l'occupant commence à être aux abois après le débarquement en Normandie :
Dimanche 23 juillet 1944. 23 heures
Dimanche. J'ai rendu visite au journal. Il est encore sous le coup de l'émotion causée par un incident entre Jan et le censeur. C'était vendredi. La rédaction présentait l'attentat contre Hitler sous le titre :"Le Führer échappe à un attentat". Le censeur en voyant cela s'est emporté :" Vous présentez cela comme un fait divers...". Il a donné des ordres : présentation sur 3 colonnes, emploi de tel et tel caractère, et il a dicté un titre où il était question de la Providence et du Führer de l'Europe.
La Providence, pensait M. Jan[6], se débrouillera toute seule avec le Führer, mais il n'y a pas de Führer de l'Europe. Et cela, il eut le courage de le dire :"Le chancelier est chef du Reich, il n'est pas chef de l'Europe. La France a son chef..." Explosion de colère :"Si vous pensez cela, demain vous ne serez plus rédacteur en chef de l'Ouest-Eclair."
Pierre de La Haye * Rédacteur à l'Ouest- Eclair, tout en étant entré dans la Résistance (Armée secrète)
Références
- ↑ Le combat du 1er août 1944 à Maison Blanche
- ↑ https://masterccs.hypotheses.org/15767
- ↑ De Saint Méloir, chantre de la LVF
- ↑ Pierre Artur, directeur général de l'Ouest-Eclair, sera condamné le 12 février 1946 à 10 ans d’indignité nationale
- ↑ Le Bezen Perrot à Rennes
- ↑ Henry Jan, rédacteur en chef du journal, sera arrêté à la Libération mais bénéficiera d'un non-lieu
- ↑ Journal 6 juin-18 août 1944. p. 64 Pierre et Armande de La Haie