La Rennaise, « Juste parmi les nations »
Marie-Louise Charpentier
« Juste parmi les nations »
(26 novembre 1905, Rennes - 24 juin 1998, Rennes)
La Rennaise Marie-Louise Charpentier , « Lily », effectue des études d'infirmière et, diplômée, devient assistante sociale. Pendant la guerre, elle est assistante sociale au bureau d'assistance aux familles des prisonniers de guerre. En 1943, elle reçoit une dame âgée, Mme Engelstein, en larmes, qui lui narre son histoire : originaire de Pologne, installée à Metz au début du siècle, son fils Joseph, mobilisé, est prisonnier de guerre ; elle et son époux Fishel ont fui Metz lors de l'annexion par les Allemands en 1940 et se sont réfugiés à Rennes, rejoints par leur belle-fille et ses deux jeunes enfants ; mais la Gestapo a surgi dans leur maison, tout saccagé et emmené son mari et sa belle-fille, tout en menaçant de revenir chercher la grand-mère et ses petits-enfants. Des voisins prévinrent l'assistante sociale. La dame ne parlant couramment que l’allemand et le polonais, Mlle Charpentier alerta Monseigneur Roques. Parlant l'allemand, il eut un entretien avec Mme Engelstein qui lui révéla l’existence d’une parente, habitant l’Aveyron, qui pourrait les héberger.
Marie-Louise Charpentier part aussitôt avec la grand-mère chercher les jeunes enfants : Catherine, trois ans, et Raymond, deux ans. Ayant des contacts avec la résistance, elle les emmène chez un ami à la campagne, à une quinzaine de kilomètres de Rennes, où ils restent un mois environ. Il avait accepté de les loger provisoirement, à condition que Marie-Louise s'occupât de tout. Son frère apporte la nourriture, aidé par deux amis. Le SD avait reçu une note du délégué régional du CGQJ[1] signalant la fuite de Engelstein, née Bandler Malca, le 14.5.1882, 7 rue Saint-Louis à Rennes, et des petits enfants, indiquant que le docteur Daussy, médecin de l’hôpital psychiatrique et Mlle Charpentier, adjointe sociale-chef du service de l’armée, 17 rue des Dames, étaient certainement au courant de l’endroit où ces Juifs se sont réfugiés[2] [3].
En solution plus durable et plus sûre, elle envoie la dame âgée se faisant passer pour sourde et ses petits-enfants chez des amis résistants à Paris, en novembre 1943, accompagnés de deux jeunes désirant rejoindre les forces du général de Gaulle. « Les cinq lapins sont bien arrivés » dit un télégramme. La grand-mère et les deux enfants sont ensuite emmenés, par un réseau clandestin, pour rejoindre des parents dans l'Aveyron. Le grand-père, Fishel Engelstein, mourut dans le train vers Auschwitz. La grand-mère et les enfants survécurent. Après la guerre, la mère des enfants, rescapée de Bergen-Belsen, retrouva son mari et ses enfants, et vint remercier leur bienfaitrice mais elle décéda cinq ans après, épuisée physiquement et moralement[4].
En 1989, Marie-Louise Charpentier eut la grande joie de rencontrer Catherine, la petite fille qu'elle avait sauvée. Le 15 mai 1990, Marie-Louise Charpentier reçut le titre de « Juste parmi les nations », décerné par l'Institut commémoratif des martyrs et des héros Yad Vashem à ceux et celles qui ont « sauvé des Juifs persécutés pendant la période de la Shoah en Europe, au péril de leur vie. » Elle est l'une des trois femmes Justes parmi les nations reconnues en Ille-et-Vilaine.
Références
- ↑ Les Juifs de Rennes sous l'occupation
- ↑ Claude Toczé, Les juifs en Bretagne: ve – xxe siècles, Presses universitaires de Rennes - 2006, p. 118.
- ↑ Rennes pendant la guerre. Chroniques de 1939 à 1945, Étienne Maignen p. 109-11, Editions Ouest-France
- ↑ Ouest-France, 27 janv. 2015