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L'homéopathique abbé Chaupitre à Rennes

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L'abbé Chaupitre

(22 octobre 1859, Gennes-sur-Seiche - 21 avril 1934, Naples)


L'abbé Chaupitre
Ouest-Eclair, 10 décembre 1933
Annonce en page de Rennes, Ouest-Eclair du 27 avril 1934

Un ecclésiastique

Jean-Marie-Victor Chaupitre est le cadet d’une famille pauvre habitant route d'Argentré à Gennes, aux confins de l'Ille-et-Vilaine. De santé fragile, il n’était pas fait pour le travail de la terre. Sa famille l’envoie donc chez les frères de l’instruction chrétienne à Ploërmel. Il devient postulant instituteur mais les élèves lui mènent une vie infernale. Il a peut-être aussi travaillé à la "pharmacie" des frères où l'on vendait élixirs, pastilles pectorales ou pâtes dentifrices.

Au printemps de 1890 il entre au petit séminaire de Versailles et est ordonné prêtre quatre ans plus tard. L'abbé Chaupitre devient curé à Fontenay-lès-Briis (Essonne). En 1904, victime d’un ulcère, il pense passer de vie à trépas mais a la chance de rencontrer l’abbé Chauvel (1823-1910) qui lui conseille l’homéopathie.

Publicité des produits de l'abbé Chaupitre
Ouest-Eclair, 2 avril 1939
Publicité de 2010

Homéopathe à succès

En quelques jours, le curé se remet, retrouve l’appétit et… devient homéopathe. Au début de 1908, il vient à Rennes où il habite dans une maison en retrait derrière une grille, au n° 20 de la rue Lobineau. Il va pratiquer et se donne pour tâche de trouver un antidote pour chacune des maladies connues, mais on voit d’un mauvais œil le “guérisseur”. Il entreprit de vulgariser lui-même sa thérapeutique. Dès 1910 il est condamné pour exercice illégal de la médecine sur plainte des syndicats de médecins et de pharmaciens. Le docteur Emmanuel Porteu de la Morandière, soigné d’une septicémie, se dit guéri grâce à ses prescriptions et devient un de ses collaborateurs. On vend ses fioles, ses "petites bouteilles" comme il disait, dans toutes les pharmacies, elles sont revêtues de la signature et du portrait de l'Abbé Chaupitre, afin que les malades ne soient pas trompés par des imitations[1].


Maintes fois traduit en justice

En 1921, il a été déjà traduit quatre fois en justice. Il fait placarder sur les murs de Rennes une affiche : Un mensonge universel, attaquant les médecins allopathes qui pratiquent "sans rien y comprendre". Pour lui l'homéopathie est la seule médecine. Contre les accusations des médecins, l'abbé ironise au tribunal de Rennes. “Puisque je guéris, à moi la loi, à moi le diplôme, à moi le droit de faire de la médecine." Les médecins d’Ille et Vilaine, ceux du Maine-et-Loire, l’accusent encore d’exercer illégalement la médecine et ceux-ci le font condamner en novembre 1922 à trois mois de prison et 15 000 F. de dommages et intérêts. Le 14 avril 1923, le tribunal de Rennes le condamne à trois mois de prison, 1000 F. d'amende et 3000 F. de dommages et intérêts. Mais ce n'est que le 28 janvier 1925 qu'il est arrêté à son domicile, autorisé à prendre son son petit déjeuner puis est emmené à la prison Jacques-Cartier de Rennes où il va purger sa peine. Le 25 avril 1926 c'est à quatre mois de prison et 25 000 F. de dommages et intérêts qu'il est condamné, et à un mois supplémentaire pour avoir placardé dans les rues de Rennes une affiche jaune : "Il n'ira pas en prison". Il épuise en vain tous les recours judiciaires. Après 19 années à Rennes, pour éviter d'autres emprisonnements il quitte la ville vers août 1927 et s'exile en Belgique. En 1929, 96 bouteilles étaient référencées mais aujourd'hui une quarantaine est encore commercialisée. Les Drs Porteu et Manget prirent sa suite avec son collaborateur Alcide Liorit. Mais c'est le pharmacien Louis Maupy qui, à Paris, va donner en 1928 au Laboratoire des médicaments homéopathiques Abbé Chaupitre son statut définitif d'entreprise en en devenant propriétaire[2]. En 1933 l'abbé voyage en Égypte, à Jérusalem, en Espagne, en Italie. Le 27 avril 1934, le quotidien l'Ouest-Eclair lui consacre un grand article. Il fut inhumé à Gennes-sur-Seiche. Sur sa tombe on peut lire cette épitaphe : « Il mit tout son cœur de prêtre et sa science médicale à soulager les misères humaines qui, de partout, se présentaient à lui ». Au 54, rue Lobineau, dans une belle maison en retrait, fonctionnait encore en mars 1943 un établissement du Laboratoire Homéopathique dont le personnel fit un don pour les victimes du bombardement du 8 mars[3].

Références

  1. L'Abbé Chaupitre, un pionnier de l'homéopathie en Bretagne B. Lebeau. Bulletin et mémoires de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, p.175 à 196 - 1988
  2. Un pharmacien au secours de l'abbé Chaupitre, Thierry Lefebvre, Cécile Raynal. Revue d'histoire de la pharmacie. Vol. 87 - 1999
  3. Dons pour les sinistrés ,Ouest-Eclair' '15.03.1943