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Les Rennais collaborationnistes
Si les Rennais maréchalistes sont largement majoritaires, nombre qui s'effritera à partir de fin 1942, des Rennais collaborationnistes, certes il y en eut, tel le docteur Ambroise Tizon, domicilié place de Bretagne, radiologue au Centre anti-cancéreux et à la clinique Saint-Vincent, dont il est l'un des copropriétaires ; Tizon ne cachait pas ses sympathies allemandes en adhérant au Mouvement social révolutionnaire (MSR), plus collaborationniste que vichyste, d’Eugène Deloncle au début de 1941, jusqu’à sa dissolution en avril 1942. Puis, en juillet 1942, avec les docteurs Perquis, Doisy, Massot et l’avocat Perdriel-Vaissière, ils installèrent le Comité des amis de la LVF. Le nom Tizon figure sur une liste d’indicateurs du Sicherheistdienst (SD), retrouvée à la Libération avenue Jules Ferry, avec le N° SR 743. Et une petite centaine d'étudiants est relevée comme fichée collaborationniste à la Libération[1]. Des Rennais, tels le médecin commandant Maurice Fleury et un fils sergent, mirent leurs idées en pratique en s'engageant dans la Légion des Volontaires français contre le bolchevisme et le médecin tomba sur le front de l'Est le 26 février 1944.Le 3 avril a encore eu lieu, au cinéma L'Excelsior une conférence d'information et de propagande que le journal du 5 écrit avoir été très applaudie.
Le 28 mai 1941, le secrétaire d'Etat à la jeunesse, M. Georges Lamirand , est à Rennes, au cinéma le Royal, pour apporter à une jeunesse nombreuse les consignes du Maréchal : collaborez avec courage, travail, union, confiance et se méfier du gaulisme, danger mortel pour l'unité française et l'avenir du pays.
Le groupe Collaboration ouvre une permanence au 4, rue Du Guesclin et le théâtre était comble, le dimanche 16 novembre 1941, pour entendre Alphonse de Chateaubriant (né à Rennes), chantre de la collaboration, venu souligner la nécessité du rapprochement franco-allemand[2]. Était présent M. Bahon-Rault, conseiller national, président de la Chambre de commerce ». Ce groupe "Collaboration" n'est pas un parti politique. Le recrutement du groupe est élitiste : Pierre Artur, de L’Ouest-Éclair, le peintre Louis Garin, René Guillemot, des Nouvelles Galeries, Pierre Sordet, directeur de L'Economique. La section économique de Collaboration permettant d’établir des contacts fructueux avec l’occupant, parmi les 304 adhérents, nombreux sont les commerçants, souvent tenus d'avoir des rapports avec l’occupant, qui pratiquent la collaboration économique. Le groupe a également sa section jeunesse d’une cinquantaine de membres : les Jeunes de l’Europe nouvelle[3].
" R.N.P. La conférence de M. Marcel Déat. La réunion de Marcel Déat s'affirme comme devant avoir un très grand succès" annonce l'Ouest Eclair le 13 décembre 1941. Le dimanche 14 décembre, Marcel Déat , chef du collaborationniste Rassemblement National Populaire , est au cinéma Le Royal et lance "d'une voix âpre et mordante [...] que le moment va venir où nous ne pourrons plus dire "oui et non" mais où il nous faudra dire clairement "oui" ou "non". "Rien ne sera fait pour la France", souligne t-il au milieu de vifs applaudissements, " si elle ne donne pas la preuve au monde qu'elle a mesuré son devoir et compris que l'absence est impossible "[4]
On relève 111 fiches de police, pour le Parti franciste , organe copiant le fascisme mussolinien, dont le chef Marcel Bucard vint inaugurer la « Maison bleue », située au 13 rue du Chapitre. Le francisme va progressivement recruter parmi les milieux marginaux afin de constituer son groupe la « Main bleue », réputé pour sa violence. Son chef local, Paul Gallas, sera tué dans un combat avec les FFI. [5]
L'attentat contre Doriot le 19 avril 1942 a lieu aussi dans le théâtre archi comble avec des Rennais qui écoutent sur la place du maréchal Pétain( place de la Mairie) par haut-parleurs le discours du chef du parti populaire français (PPF). Le décompte des fiches de police amène Kristian Hamon à estimer à environ 1 200 les personnes qui avaient fait le choix d’adhérer à un parti collaborationniste en Ille-et-Vilaine.[6]
Le dimanche 10 avril 1943, le groupe "collaboration" reçoit au théâtre de Rennes Philippe Henriot qui, sous le titre "La France veut vivre", dénonce "les responsables du conflit", fustige les Alliés auteurs des bombardements, les officiers "félons", vante la relève et invite à suivre le maréchal Pétain, "un architecte de 86 ans (qui) a mis en terre les fondations de la nouvelle église".
Au fil du temps certains des collaborationnistes vireront de bord, souvent de façon occulte mais néanmoins efficace. Quelques-uns eurent des actes ne correspondant pas à leur attitude publique. En mai 1944, des Rennais applaudiront au théâtre municipal, le 7, deux légionnaires de la LVF, présentés par M. de Saint-Méloir [7] : M. Després et le capitaine Bassompierre venus faire de la propagande, celui-ci, après avoir rappelé la mémoire du médecin-commandant Fleury, se félicite que Darnand ait créé la Milice "qui vaincra le terrorisme comme la Légion embrigadée dans la Wehrmacht allemande aidera à vaincre le communisme" et les jeunes sont appelés à grossir les rangs de la Légion. Le 11 mai, c'est un conférencier… anglais ,collaborateur actif des Allemands dans la lutte contre le bolchevisme, que les Rennais pourront entendre. [8]
Beaucoup d'autres collaborationnistes persisteront ouvertement jusqu'au bout. L'occupant parti, ce sera l'Epuration: le tribunal militaire permanent de la XIe région juge, le 22 septembre, Claude Geslin, accusé d'intelligence avec l'ennemi et d'actes de torture et de barbarie sur des patriotes, au vu d'archives de la Gestapo trouvées dans les caves du Sipo-SD, avenue Jules Ferry où des noms rennais figuraient avec la mention "S R" suivie d'un chiffre commençant par "7". Il est fusillé. [10] Le 5 novembre, leur recours en grâce rejeté, trois collaborateurs, Baudrou, Ben Arab et Prochaska, sont fusillés à l'aube dans l'"Enfer" du parc du Thabor. La justice varie et sera moins sévère à mesure du temps qui passe, ainsi le Tribunal militaire permanent condamna à mort, le 19 octobre 1944, Mlle Haudouin pour quatre dénonciations à la police allemande et à la milice, mais le 11 février 1945 la Cour de Justice de Rennes ne condamnera Léonardos Koster qu'à vingt ans d'emprisonnement, lui qui a pillé, tué, et dénoncé dix personnes qui seront déportées[11].
Collaborationnistes et séides armés carrément au service de l'occupant auront été surtout, en 1944, ceux de la Milice et du Bezen Perrot et du groupe d'action pour la justice sociale [12] : mais la Milice à Rennes, le Bezen Perrot à Rennes et même une Selbstschutzspolizei [13] fuient les 1er et 2 août 1944, à l'approche des troupes américaines, pour échapper à une épuration qui, pour eux, se profile avec les allures de sévères châtiments.
Références
- ↑ L'état d'esprit des Rennais en 1941, vu par un médecin collaborationniste. Blog de Kristian Hamon. - 29 juillet 2017
- ↑ Ouest-Eclair, 17 novembre 1941
- ↑ les Rennais (Hors série) Une mémoire à partager 1914-1944-2014, Kristian Hamon
- ↑ Ouest Eclair du 15 décembre 1941
- ↑ L'Ouest-Eclair du 23 février 1944 a un article sur les obsèques, en l'église Notre-Dame de Rennes, de Paul Gallas, ancien chef régional du Francisme, "tombé à la tête d'une formation de la Milice au cours d'un combat contre les terroristes"
- ↑ La collaboration à Rennes Blog de Kristian Hamon, - 16/10 2015
- ↑ De Saint Méloir, chantre de la LVF
- ↑ Une étrange conférence à Rennes en mai 1944
- ↑ La collaboration à Rennes Blog de Kristian Hamon, - 16/10 2015
- ↑ Claude Geslin, pour l'exemple, une condamnation précoce
- ↑ Le Barreau rennais dans la tourmente, par François-Xavier Gosselin. Revue juridique de l'ouest, vol. 1, n° 4 - 1988
- ↑ Le Groupe d'action pour la justice sociale
- ↑ En 1944 une Selbstschutzpolizei à Rennes