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Police de la boulangerie à Rennes sous l'Ancien Régime

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Parmi les nombreux interventions du Parlement de Bretagne sur la vie des Rennais, arrive au premier plan le contrôle des prix des denrées, du pain tout particulièrement, condition étroite de l'ordre public. Si la communauté de ville s'occupe des corporations d'artisans et leurs obligations en complément des ordonnances royales, donc des boulangers, le parlement contribue à la tranquillité de la ville et à ce que les choses se passent au mieux lors des périodes les plus difficiles. Des audiences de police générale se tiennent régulièrement au palais et leurs archives forment une sous-série des archives du parlement conservées aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. Pour sa part, le procureur général du roi qui, en principe, a l'oeil sur tout ce qui va de travers dans la province est à l'origine de plusieurs arrêts, de portée plus ou moins large. Il représente même parfois directement les intérêts (financiers) du royaume comme dans l'arrêt de mars 1690 qui "ordonne au syndic de la communauté de Rennes, les maitres boulangers, et marchands grossiers de bled de prendre communication des actes et pièces" justifiant les droits du domaine sur les céréales qui se vendent aux halles de la ville.

La ville sous les fenêtres du palais est à l'origine d'autant d'arrêts à ce titre que le reste de la province. La ville de Nantes est évoquée au moins à deux occasions, très éloignées dans le temps : le 9 septembre 1559, "la court en ayant esgard à la requeste du procureur général du roy" fait obligation aux boulangers de Nantes de fournir du pain de qualité suivant l'ordonnance de police de 1551 ; arrêt d'une page rendu sur ordonnance dudit procureur général. Le 21 juillet 1710, un arrêt, tenant en un rôle, donne le détail des amendes infligées à plusieurs boulangers de Nantes ayant contribuer au prix élevé du pain, "appel à minima" et décret d'ajournement pour certains d'entre-eux [1].

La surveillance des prix et des pratiques qui les conditionnent est l'objet le plus constant et le plus régulier, mais interviennent aussi quelques mesures particulières et temporaires.

  • Côté réaffirmation de la loi, on a chronologiquement par exemple :
    • Le 14 mars 1631, le parlement rend un arrêt sur remontrance et "chambres assemblées" pour la vente du pain conformément aux règlements.
    • En mars 1661, un arrêt d'une page apprend que "les boulangers de cette ville empeschent ceux des fauxbourgs et du dehors d'aporter n'y vendre en la ville du pain noir et des grisons aux halles et autres endroits d'icelle".
    • Le 11 septembre 1720, la ville ignore le drame qui va l'abattre en décembre et le parlement rappelle aux boulangers leur obligation de "porter le pain à la halle" de la ville.
    • Le 10 septembre 1770, le parlement suit le procureur général concernant les dispositions détaillées en plusieurs pages et qui seront publiées à Rennes et dans les paroisses voisines jusqu'à quatre lieues en vue d'un approvisionnement suffisant en pain de bonne qualité.
    • Le 10 mai 1785, le procureur général suscite un arrêt d'homologation de l'ordonnance de police de Rennes du 4 mai 1785 établissant une numérotation des étaux des bouchères et boulangères, et accroître ainsi la sûreté des dénonciations de prix abusifs. L'ordonnance de deux pages est jointe à l'original de l'arrêt.
  • Côté périodes de crise et répression des abus, on trouve :
    • Dans la ville désorganisée par l'incendie de 1720, en raison "du prix excessif de toutes sortes de denrées", le parlement prend des mesures concernant en particulier les boulangers et les bouchers de la ville.
    • Dans un arrêt de septembre 1770, le procureur général informe la cour que "depuis la diminution survenue sur le prix des grains par la fertilité de la récolte, les boulangers de cette ville refusent de fournir du pain, et que le fondement de leur refus est que le pain a été fixé à un prix trop modique dans la dernière pancarte".
    • En janvier 1773, la cour ordonne l'assignation devant elle du boulanger Jean Rouault, pour insinuation calomnieuse et pour avoir fourni aux prisonniers "du pain d'une qualité si mauvaise qu'il a causé des vomissements aux prisonniers et les a rendu malades".
  • Le procureur général du roi intervient parfois aux marges de la police assurée par la ville :
    • En mai 1724, des conseillers du parlement sont réunis en une commission pour donner suite aux procès verbaux de contraventions de boulangers et boulangères aux halles.
    • Le 31 décembre 1725, est rendu un arrêt à propos des jugements de police concernant les nommés Kerpitton "apréciateur" détenu, et Metayer boulanger, rendu en présence du nommé Tilly lieutenant général de police de Rennes. De même en janvier 1726, suite à une procès-verbal de Pierre Lebreton, commissaire de police, rue Reverdiais. A l'arrêt est jointe la "Grosse d'interrogatoires subys aux prisons par Vincent Fontaine boulanger" du 31 décembre. Audience de la police générale tenue au parlement du 29.12.1725 pour la surveillance des boulangers et concernant le prix du vin (Une feuille, imprimée).
    • En juillet 1738, le procureur général du roi fait état de son désaccord avec la sentence de police de 7 mai "renvoyant d'assignation" des boulangers et logiquement fait "appel a minima".

Fin 1722, un arrêt et les pièces produites à son appui indiquent les interactions entre la boulangerie et l'approvisionnement en eau. Le parlement fait "commendement à tous les propriéttaires et locataires de cette ville et fauxbourgs qui ont des puits fermés de les ouvrir pour le service du publicq...", suite au procès-verbal de Jacques Ancelin, commissaire de police, et ses démarches en vue de faire ouvrir des puits privés, à la demande de boulangers des alentours de la rue Saint-Melaine et à l'ordonnance du lieutenant de police du 9 octobre 1706 autorisant Étienne Dubreil et sa femme Michelle Lhermitte à tenir clos leur puits [2].

En 1754, toujours en rapport avec l'alimentation en eau mais débordant largement la question de la boulangerie, plusieurs arrêts sur remontrance du procureur général s'occupent de limiter les effets du manque d'eau dont souffre la ville, puisque "les meuniers et boulangers de la ville de Rennes et des environs abusent de la disette d'eau et des malheurs publics pour vendre les farines et le pain un prix excessif..." (arrêt du 23 septembre 1754). De même le lendemain, la cour "a subrogé la communauté de cette ville dans le marché passé entre les meuniers de Rennes et celui de Chatillon", concernant l'achat d'eau de l'étang de Chatillon-en-Vendelais (est du département), ainsi que de celui de Paintourteau (Erbrée). Est joint un extrait des délibérations de la communauté de Rennes fixant le paiement par la communauté de l'eau issue de ces étangs "afin d'ôter aux meuniers et boulangers tous prétextes de vexer le public". Toujours en complément de la police municipale, le parlement confère autorité, homologue et complète la sentence de police du 5 octobre relative à la disette d'eau ; "en outre enjoint aux meuniers de l'étang des moulins neufs de tenir toujours levés les nocs fondriers...". Mais comme habituellement, le parlement doit répéter ses injonctions et après avoir pris connaissance du long compte-rendu de la visite du 2 au 9 octobre faite par Julien Bidon échevin député par la ville pour examiner la situation des différents étangs de la région de Vitré susceptibles d'alimenter les moulins de Rennes, il rappelle, le 16 octobre, les obligations des meuniers de l'arrêt du 23 septembre dernier en raison de la sécheresse dont souffre Rennes et assigne le nommé Veillard meunier des Rochers (Vitré) à comparaître pour avoir répandu l'eau de son étang sur les prairies.

Notes et références

  1. Trois autres arrêts en Bretagne : 1723 - "Les habitants de la ville de Ploërmel se trouvent dans une très grande disette de pain", en particulier en raison de la difficulté de faire moudre les grains. 1751 - Les besoins en pain de la grande quantité de navires qui peuvent jeter l'ancre à Port-Louis ne sont pas compatibles avec l'espèce de monopole des afféagistes des fours et moulins bannaux, suite à la supplique de la communauté de Port-Louis du premier janvier étant donné qu'on "peut dire avec vérité qu'on a vu dans la rade au moins deux cent vaisseaux à la fois". 1768 - arrêt d'homologation de l'ordonnance de police de Saint Aubin du Cormier du 17 décembre dernier "rendue principalement pour réformer et assurer la police du pain".
  2. Le procureur général du roi a de la suite dans les idées ayant, une dizaine d'années auparavant, en septembre 1705, fait appel de la sentence du 31 octobre 1704 de la juridiction de police autorisant le nommé Dubreil a clore le puits Rillon de la rue Saint Melaine.
  • Tous les arrêts évoqués dans cet article sont des arrêts rendus par la Grand'chambre sur remontrance du procureur général du roi, consultables dans le fond 1B f et répertoriés dans l'ouvrage d'Hervé Tigier La Bretagne de Bon aloi. Les archives des audiences de police sont à consulter dans la sous-série 1B h.
  • Dans les mêmes archives de la Grand'chambre, mais dans la rubrique des arrêts de commissaires, on trouve d'autres arrêts et surtout des pièces complétant par leurs détails les arrêts plus classiques ou rendus sur remontrance. Ainsi, sous la cote 1B f 1760, plusieurs documents ont été produits suite à l'arrêt de 1724 évoqué plus haut et établissant une commission concernant des contraventions de boulangers. On y voit ainsi que les clients des halles "près de la Basse-Baudrairie et de la Fannerie" sont bien peu disposés à collaborer en indiquant simplement auprès de qui et à quel prix ils venaient de s'approvisionner ; mais par persévérance, il est possible de croiser par exemple une Rennaise avec "le pain grison de douze livres qu'elle avait à raison de deux sols cinq deniers la livre" (16 mai 1724).