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Poulain de Beauregard était arrivé à Rennes au commencement de 1824 et avait loué, route de Châtillon<ref>[[rue de Châtillon]]</ref>, non loin de l’auberge du ''Pot d’Etain'', une maison avec jardin qui portait le nom de propriété de ''Lorette'', assez belle maison isolée, à peu de distance de la ville. | Poulain de Beauregard était arrivé à Rennes au commencement de 1824 et avait loué, route de Châtillon<ref>[[rue de Châtillon]]</ref>, non loin de l’auberge du ''Pot d’Etain'', une maison avec jardin qui portait le nom de propriété de ''Lorette'', assez belle maison isolée, à peu de distance de la ville. | ||
Il fit la connaissance d’un M. Turmel, de Saint-Malo, qui venait souvent à Rennes. Il l’emmena à sa demeure de ''Lorette'' le 4 août 1824, et à partir de ce jour M. Turmel ne reparut plus. | Il fit la connaissance d’un M. Julien Turmel, de Saint-Malo, qui venait souvent à Rennes. Il l’emmena à sa demeure de ''Lorette'' le 4 août 1824, et à partir de ce jour M. Turmel ne reparut plus. | ||
L’absence prolongée de ce monsieur et la disparition d'autres personnes qu’on avait vu entrer chez Poulain de Beauregard, attirèrent l’attention de la justice. Une perquisition fut faite à la propriété de Lorette, qu’on trouva abandonnée, le locataire ayant pris la clef des champs. Il revint bien à rennes mais apprit que, la veille, un commissaire avec deux gendarmes était venu à ''Lorette'' le demander. | L’absence prolongée de ce monsieur de 68 ans et la disparition d'autres personnes qu’on avait vu entrer chez Poulain de Beauregard, attirèrent l’attention de la justice. Une perquisition fut faite à la propriété de Lorette, qu’on trouva abandonnée, le locataire ayant pris la clef des champs. Il revint bien à rennes mais apprit que, la veille, un commissaire avec deux gendarmes était venu à ''Lorette'' le demander. | ||
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Adolphe Orain donna une version très glauque et inexacte de la découverte de la victime, retenant sans doute une version colportée, née d'imaginations rennaises de l'époque : des gendarmes auraient gardé la maison pendant quelques jours, afin de s’emparer de Poulain de Beauregard, dans le cas où il reviendrait. Installés dans la cuisine, et tout en fumant leurs pipes autour du foyer, ils auraient senti une odeur nauséabonde venant du parquet. L’un d’eux, avec son sabre, soulevant une brique du fond de l’âtre, aurait fait apparaître des débris de chair humaine, le cadavre de Turmel, coupé par morceaux et "salé comme du lard dans un charnier". <ref>''Au Pays de Rennes'', Adolphe Orain. éd. Hyacinthe Caillière - 1892.</ref>. En fait, les minutes du procès de Caen exposent que le fils de M. Turmel, inquiet de la disparition de son père, se rendit avec le commissaire de police à ''Lorette'' et que voyant le sol travaillé, il souleva une dalle et exhuma une main de M. Turmel père, puis les restes du cadavre ; une armoire contenait beaucoup d'objets de son père et l'on trouva une redingote lui appartenant. L'homme avait été tué d'un coup de pistolet. L’émotion fut vive à Rennes. | Adolphe Orain donna une version très glauque et inexacte de la découverte de la victime, retenant sans doute une version colportée, née d'imaginations rennaises de l'époque : des gendarmes auraient gardé la maison pendant quelques jours, afin de s’emparer de Poulain de Beauregard, dans le cas où il reviendrait. Installés dans la cuisine, et tout en fumant leurs pipes autour du foyer, ils auraient senti une odeur nauséabonde venant du parquet. L’un d’eux, avec son sabre, soulevant une brique du fond de l’âtre, aurait fait apparaître des débris de chair humaine, le cadavre de Turmel, coupé par morceaux et "salé comme du lard dans un charnier". <ref>''Au Pays de Rennes'', Adolphe Orain. éd. Hyacinthe Caillière - 1892.</ref>. En fait, les minutes du procès de Caen exposent que le fils de M. Turmel, inquiet de la disparition de son père depuis 14 jours, se rendit avec le commissaire de police à ''Lorette'' en fin de matinée le 18 août et que voyant le sol travaillé, il souleva une dalle et exhuma une main de M. Turmel père, puis les restes du cadavre ; une armoire contenait beaucoup d'objets de son père et l'on trouva une redingote lui appartenant. L'homme avait été tué d'un coup de pistolet. L’émotion fut vive à Rennes. | ||
Poulain de Beauregard était retourné en Normandie, où il fut arrêté à Saint-Lô, le 14 septembre 1824, "au moment où il se disposait à joindre le crime de bigamie à ceux qui pesaient déjà sur sa tête", car il était déjà marié et était père d'un garçon - bonne couverture pour ses escroqueries et ses assassinats de marchands. L'été de 1824, une psychose sévissait sur la ville de Caen à la suite de la découverte du corps d'une demoiselle Thouroude, fripière, et de nouveaux cadavres. Au mois d'avril 1815, celui dont l'identité était en fait Pierre Lemaire de Clermont, 44 ans, né près de Bayeux, fut arrêté et écrivit ses mémoires en prison. | Poulain de Beauregard était retourné en Normandie, où il fut arrêté à Saint-Lô, le 14 septembre 1824, "au moment où il se disposait à joindre le crime de bigamie à ceux qui pesaient déjà sur sa tête", car il était déjà marié et était père d'un garçon - bonne couverture pour ses escroqueries et ses assassinats de marchands. L'été de 1824, une psychose sévissait sur la ville de Caen à la suite de la découverte du corps d'une demoiselle Thouroude, fripière, et de nouveaux cadavres. Au mois d'avril 1815, celui dont l'identité était en fait Pierre Lemaire de Clermont, 44 ans, né près de Bayeux, fut arrêté et écrivit ses mémoires en prison. | ||
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Dans ses mémoires il écrit : "''De retour à Rennes, je me présentai à la mairie où je me fis délivrer l'acte de naissance de Jean Poulain de Beauregard, né à Saint-Germain de Rennes, le 10 septembre 1785. [...] C'est sous ce nom que j'étais connu à Rennes. Je pris une chambre garnie rue St-Georges; je pus voir D... que je connaissais depuis longtemps et avec lequel j'étais toujours en relation; je pus aussi voir plusiers autres connaissances de bagne; mais je ne pus me promener dans la ville avec ces derniers, à cause de leur mauvaise moralité. [...] J'eus connaissance que Lorette était à louer; j'en parlai à D... qui trouvait que cela nous convenait le mieux, étant isolée, à peu de distance de la ville, proche la place du Champ-de-Mars où se tiennent les foires. cette maison a toujours été destinée à loger des personnes du second rang et riches. Un pareil logement me mettait hors de soupçon [...] je crus prudent de conclure promptement avec la dame qui en est propriétaire: la première fois que je fus chez elle, elle me reçut avec toute la politesse et toute l'honnêteté possibles; elle m'engagea à retourner encore voir cette propriété qui est la plus jolie et la plus agréable de Rennes par sa situation et ses promenades : elle envoya une demoiselle qui la sert en qualité de cuisinière : j'étais parti un peu avant elle; je me promenai au Champ-de-Mars en l'attendant; elle y arriva peu d'instans après; en m'abordant elle me dit d'un air riant et gai: c'est sans doute moi que vous attendez, monsieur ? Oui, mademoiselle, lui dis-je. Nous fûmes ensemble à Lorette, elle me fit voir tous les appartemens de cette maison, le parterre, jardin et verger y attenant avec toutes les promenades et agrémens. La franchise et la bonté du cœur de cette personne, ainsi que son caractère, attirèrent mes regards et surent captiver mon cœur..''." | Dans ses mémoires il écrit : "''De retour à Rennes, je me présentai à la mairie où je me fis délivrer l'acte de naissance de Jean Poulain de Beauregard, né à Saint-Germain de Rennes, le 10 septembre 1785. [...] C'est sous ce nom que j'étais connu à Rennes. Je pris une chambre garnie rue St-Georges; je pus voir D... que je connaissais depuis longtemps et avec lequel j'étais toujours en relation; je pus aussi voir plusiers autres connaissances de bagne; mais je ne pus me promener dans la ville avec ces derniers, à cause de leur mauvaise moralité. [...] J'eus connaissance que Lorette était à louer; j'en parlai à D... qui trouvait que cela nous convenait le mieux, étant isolée, à peu de distance de la ville, proche la place du Champ-de-Mars où se tiennent les foires. cette maison a toujours été destinée à loger des personnes du second rang et riches. Un pareil logement me mettait hors de soupçon [...] je crus prudent de conclure promptement avec la dame qui en est propriétaire: la première fois que je fus chez elle, elle me reçut avec toute la politesse et toute l'honnêteté possibles; elle m'engagea à retourner encore voir cette propriété qui est la plus jolie et la plus agréable de Rennes par sa situation et ses promenades : elle envoya une demoiselle qui la sert en qualité de cuisinière : j'étais parti un peu avant elle; je me promenai au Champ-de-Mars en l'attendant; elle y arriva peu d'instans après; en m'abordant elle me dit d'un air riant et gai: c'est sans doute moi que vous attendez, monsieur ? Oui, mademoiselle, lui dis-je. Nous fûmes ensemble à Lorette, elle me fit voir tous les appartemens de cette maison, le parterre, jardin et verger y attenant avec toutes les promenades et agrémens. La franchise et la bonté du cœur de cette personne, ainsi que son caractère, attirèrent mes regards et surent captiver mon cœur..''." | ||
[[Fichier:DC_Turmel_1.png|400px|right]] | [[Fichier:DC_Turmel_1.png|400px|right]] | ||
[[Fichier:Dc_Turmel_2.png|400px|right|thumb|Acte de décès de Julien Turmel en date du 26 août (Archives de Rennes)]] | |||
=== Au bord de la bigamie, à Rennes=== | === Au bord de la bigamie, à Rennes=== | ||
Poulain de Beauregard narre qu'il était tombé amoureux, à Rennes, de la cuisinière de la propriétaire. "Pendant ce temps, plusieurs de mes associés et moi nous fîmes périr un marchand de toile : nous l'enterrâmes proche le chemin de Saint-Hellier, dans un pré, après lui avoir pris son argent et ses marchandises.[...] le 7 août nous exécutâmes, mes camarades et moi, le complot que nous avions formé de faire mourir M. Turmel." Puis il va voir sa future, Anne Lemettayer, et "le 15 août 1824 nos bancs de mariage furent affichés à la mairie de Rennes et publiés à l'[[église Saint-Germain]], du même lieu ledit jour, pour première et dernière publication. J'avais obtenu une dispense pour les deux autres." Mais la découverte du cadavre de Turmel contraint Poulain de Beauregard à fuir. | Poulain de Beauregard narre qu'il était tombé amoureux, à Rennes, de la cuisinière de la propriétaire. "Pendant ce temps, plusieurs de mes associés et moi nous fîmes périr un marchand de toile : nous l'enterrâmes proche le chemin de Saint-Hellier, dans un pré, après lui avoir pris son argent et ses marchandises.[...] le 7 août nous exécutâmes, mes camarades et moi, le complot que nous avions formé de faire mourir M. Turmel." Puis il va voir sa future, Anne Lemettayer, et "le 15 août 1824 nos bancs de mariage furent affichés à la mairie de Rennes et publiés à l'[[église Saint-Germain]], du même lieu ledit jour, pour première et dernière publication. J'avais obtenu une dispense pour les deux autres." Mais la découverte du cadavre de Turmel contraint Poulain de Beauregard à fuir. |
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