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Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises des classes bourgeoises et populaires prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à la prison de Bicêtre à Paris, lieu de départ des chaînes vers Toulon, Rochefort et Brest, poursuivent leur long trajet. Ils sont passés par Dreux, Alençon, Laval, Vitré, Châteaubourg et sont en route depuis une douzaine de jours, avec des ajouts de forçats au passage des principales villes pour rejoindre à Brest 3500 bagnards. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins » ou garde-chiourmes, recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers. C'est, avec les charrettes transportant des vivres, fournies sur recrutement local, une vraie caravane. | Enfin, vers 15 heures, l’attente de tous ces Rennais et Rennaises des classes bourgeoises et populaires prend fin car ils entendent des chants qui approchent. Ce sont ceux de deux cents hommes qui, ferrés au cou à la prison de Bicêtre à Paris, lieu de départ des chaînes vers Toulon, Rochefort et Brest, poursuivent leur long trajet. Ils sont passés par Dreux, Alençon, Laval, Vitré, Châteaubourg et sont en route depuis une douzaine de jours, avec des ajouts de forçats au passage des principales villes pour rejoindre à Brest 3500 bagnards. Attachés par un collier de fer et liés deux par deux, groupés en cordons de 24 ou 26 hommes, ils ont fait le trajet à pied, certains en charrette, accompagnés d’un officier de santé et escortés par une vingtaine de gardes, les « argousins » ou garde-chiourmes, recrutés par un entrepreneur privé chargé par l’administration du ministère de toute l’organisation, de la logistique et de la surveillance des prisonniers. C'est, avec les charrettes transportant des vivres, fournies sur recrutement local, une vraie caravane. | ||
Voici que passent les forçats et on leur trouve en général des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables "déchets sociaux" avec leurs chants de colère et d’espoir, est perçu comme traduisant une insensibilité | Voici que passent les forçats et on leur trouve en général des figures sinistres. De plus, le comportement étrange de ces misérables "déchets sociaux" avec leurs chants de colère et d’espoir, souvent ironiques, est perçu comme traduisant une insensibilité corrélative à leurs méfaits et crimes et un mépris scandaleux envers les honnêtes citoyens qui respectent les lois et dont les regards réprobateurs se repaissent de ces rebuts de la société. | ||
Ainsi, cette année, chantent-ils : | |||
"Oh ! Si jamais je reviens des galères | |||
Je veux en revenir millionnaire, | |||
Je veux en revenir millionnaire !" | |||
La présence de femmes et jeunes filles spectatrices excite certains forçats qui lancent des quolibets salaces. Les invectives, les blasphèmes criés entre les chants les démarquent encore plus du bon peuple. Le convoi a d’ailleurs une valeur symbolique et, en quelque sorte pédagogique, car il met en scène les conséquences redoutables du crime érigées par la société. <ref> Sylvain Rappaport,la Chaîne des forçats, 1782-1836, Paris, Aubier, 2006 </ref> | |||
Les forçats traversent ainsi toute la ville de Rennes car ils vont être logés au Manège de l’école d’équitation, tenu par un sieur Duchesne, près du Mail. <ref> [[rue du Manège]]</ref> Son épouse et d’autres dames charitables ont récupéré de vieux chapeaux de feutre et en ont découpé les fonds, les cercles de feutres restants pourront ainsi protéger les cous et les épaules des forçats meurtris par les lourdes chaînes. | Les forçats traversent ainsi toute la ville de Rennes car ils vont être logés au Manège de l’école d’équitation, tenu par un sieur Duchesne, près du Mail. <ref> [[rue du Manège]]</ref> Son épouse et d’autres dames charitables ont récupéré de vieux chapeaux de feutre et en ont découpé les fonds, les cercles de feutres restants pourront ainsi protéger les cous et les épaules des forçats meurtris par les lourdes chaînes. |
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