Quand la Chambre de commerce était banquière
La Chambre de commerce de Rennes et celle de Saint-Malo ont fait conjointement les banquières pendant la guerre 1914-1918, et même au delà.
Pendant la première guerre mondiale en France, timorés et prévoyants thésaurisèrent leur or et ce phénomène entraîna un plus large emploi de la monnaie de papier et donc un accroissement de l'émission des billets de banque. Cette inflation de la circulation fiduciaire se continua d'ailleurs sous l'effet des besoins, à mesure qu'intervenaient la réalisation simultanée de presque toutes les créances arrivant à échéance et le retrait de l'épargne à court terme aux guichets des caisses d'épargne et des banques. A la déclaration de guerre le mode de payement à crédit, si largement pratiqué en temps de paix, fit place aux règlements au comptant. De là, un accroissement très sensible des besoins de monnaie, auquel s'ajouta le ralentissement dans la circulation monétaire.
Le gouvernement dut se rallier à l'idée d'une émission de très faibles coupures destinées à combler l'insuffisance de la monnaie métallique, dites "billets de nécessité". Et c'est ainsi que, comme les villes, les chambres de commerce furent autorisées à émettre des billets de 2 francs, 1 franc, voire 50 centimes. Leur crédit propre constituait une garantie qui s'ajoutait à celle du fonds de sécurité que chacune d'elles se chargeait de constituer en billets de banque : il n'était donc pas à craindre que la nouvelle monnaie pût un jour se voir refuser la confiance du public et se déprécier. D'un autre côté, mieux que toute autre institution, les chambres de commerce étaient en mesure d'être exactement renseignées sur les besoins locaux de leurs ressorts respectifs et, par là même, de doser convenablement l'émission suivant des indices certains : les besoins seraient satisfaits, mais ne seraient pas dépassés.
La Chambre de commerce de Rennes s'entendit avec celle de Saint-Malo pour émettre des billets, de 1 F. et 0,50 F. le 25 août 1915, coupures d'un format de 11,5 cm x 7 cm, sur lesquelles figurent, en haut du pourtour d'hermines, de gauche à droite, les armes de Vitré, Rennes, Saint-Malo et Redon. Cette monnaie circula sur les trois quarts du département d'Ille-et-Vilaine, la circonscription de la Chambre de Fougères étant exclue. Les porteurs de coupures pouvaient en exiger le remboursement pour une somme d'au moins 100 F. à la succursale de la banque de France de Rennes ou à son bureau de Saint-Malo. Le montant équivalant aux sommes émises était versé par les chambres en garantie-dépôt à la Banque de France. Le système persista après la guerre puisqu'on constate encore des émissions en juillet 1921 (série D), en janvier 1922 (série E), en avril 1922 (série F) et enfin le 19 juin 1922 (série G).
Mais les émissions furent ainsi morcelées d'une manière excessive, cantonnées qu'elles étaient sur des territoires généralement beaucoup trop restreints. Il était prudent, sans aucun doute, de délimiter strictement le champ d'action des billets de chaque chambre afin d'assurer une adaptation parfaite de ces billets aux besoins qu'ils étaient appelés à satisfaire, afin d'éviter également de fâcheuses accumulations de coupures dans certaines régions où elles auraient pu semer la défiance par leur abondance. Mais ces billets présentaient sur la monnaie métallique l'inconvénient de ne pouvoir s'échanger que sur un territoire déterminé et d'être sujets à de nombreux refus en dehors de ce territoire. D'un ressort à l'autre, les billets ne circulaient pas et les caisses publiques même ne les acceptaient pas. Il aurait fallu, en dehors des ressorts respectifs des chambres de commerce, constituer de plus grandes régions à l'intérieur desquelles les billets de plusieurs chambres auraient concurremment circulé. Une loi du 22 janvier 1925 prescrivit enfin le retrait général de ces billets qui furent remboursés par la banque de France, mais il en subsiste qui font le bonheur des collectionneurs bien qu'ils soient de faible valeur, les plus rares étant ceux de la dernière série G.
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