Cathédrale Saint-Pierre

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La cathédrale de Rennes, en vue aérienne
Facade occidentale de la cathédrale.
Intérieur de la cathédrale (photo Trizek)
La cathédrale vue côté chœur. (Archives de Rennes 255FI110)

Un monument hors normes

La cathédrale Saint-Pierre est l’église catholique siège de l’archidiocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, située au cœur du quartier historique de Rennes. Elle offre un mélange bizarre d'architecture qui s'explique par l'extrême lenteur apportée à sa construction. La façade et ses deux tours de granit à quatre niveaux, de 48 mètres de haut, furent édifiées en plusieurs étapes tout au long des 16e et 17e siècles et achevées en 1701, soit après plus d'un siècle et demi. Chaque tour est formée de quatre étages d’ordres différents : le rez-de-chaussée, toscan mêlé de gothique et de renaissance ; le premier étage, ionique ; le deuxième étage, corinthien ; le troisième étage, composite ; le quatrième étage, dorique ; le tout couronné par une balustrade octogonale à jour. Les deux grosses cloches de la première tour achevée y furent montées les 16 et 17 avril 1680. François Huguet ajouta sur le fronton au sommet de la façade la devise de Louis XIV (Nec pluribus impar : l’incomparable).

En place de deux précédentes cathédrales

Au 6e siècle, on éleva une cathédrale dédiée à Saint-Pierre. En 1181, comme elle menaçait ruine, Philippe, abbé de Clermont, évêque de Rennes la fit démolir et construisit sur son emplacement, une nouvelle cathédrale qui ne fut terminée qu’en 1359 par son successeur Pierre de Guemené. En 1362, Charles de Blois y apporta pieds-nus les reliques de Saint-Yves.

Dès 1527, ce monument était dans un tel état de délabrement que la tour et le frontispice s’écroulèrent en partie et il fallut les démolir. En 1541, on jeta les fondations des tours actuelles dont la première pierre fut posée le 15 Septembre, d’après une inscription mise au tympan supérieur de chacune des portes qui existaient alors à la place de la grande baie du portail actuel. Les carrières de St-Mars, de St-Hilaire du Tiercent (Ille-et-Vilaine) et de Querinan en Mégrit (Côtes-d'Armor) fournirent les matériaux nécessaires à l’achèvement des tours[1]. «Vincent Rabault et Robert Jarde, furent maîtres de l’œuvre pour la reconstruction de la tour. A ces deux premiers architectes qui conçurent et tracèrent le plan des tours qui existent encore, succédèrent plus tard Tugal Cariste, qui semble avoir présidé aux travaux depuis 1640 jusque vers 1654, Pierre Corbineau, de 1654 jusqu'en 1678, et enfin François Huguet, de 1678 à 1704. Les tours de Saint-Pierre mirent cent soixante ans à s'élever.

Des cours d'anatomie dans la tour sud

En 1738 la tour Le Bât servait d'amphithéâtre aux chirurgiens qui émigrèrent par la suite dans divers locaux. En 1810, les cours de l’École de Médecine ayant du quitter un local de l'ancien couvent de Saint-Yves qu'ils occupaient depuis 1803, trouvèrent refuge dans la petite chapelle de l'Ecce Homo, située à l'angle de la rue des Dames et de la rue Le Bouteiller, mais les leçons et travaux d'anatomie furent donnés... dans la tour sud de la cathédrale alors en ruine et abandonnée, dans les salles délabrées du deuxième étage, exposées au vent auxquelles on parvenait après avoir monté plus de cent marches d'un escalier obscur. En 1813, la salle d'anatomie fut transférée à l'ossuaire de l'ancien cimetière de l'eglise Saint-Etienne[2].

Le cardinal Fesch, oncle de Napoléon Ier, vint à Rennes en 1808 et ne put voir sans regret les tours de la cathédrale veuves de leur église. Il en parla à l’Empereur et bientôt après parut le décret suivant : « Voulant donner une preuve de l’intérêt que nous portons aux habitants de notre bonne ville de Rennes, et voulant ne pas laisser imparfaite leur église cathédrale, nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

« Art. 1er. — L’église cathédrale de Rennes sera achevée.

« Art. 2. — Une somme de 500,000 fr. est mise à cet effet à la disposition de notre ministre des cultes. Cette somme sera payée en cinq ans, à partir de 1811. »

Les difficultés du temps firent arrêter les travaux qui ne furent repris qu’en 1819. La Restauration activa le relèvement de l’église. En 1823, de nouvelles sommes furent accordées pour la continuation du travail, et en 1837 une dernière allocation permit de l’achever.

Le 7 avril 1844, jour de Pâques, l’évêque Godefroy Saint-Marc accompagné des chanoines, du Chapitre, et précédé d’un nombreux clergé, quitta l’église de l’ancienne abbaye de Saint-Melaine pour se diriger vers la nouvelle cathédrale en parcourant les principales rues de la ville. [3]

La tour de gauche servit de support pendant plusieurs décennies à un télégraphe Chappe.

Les reprises de Mgr Godefroy Brossays Saint-Marc

La nef comporte de grosses colonnes ioniques. Pour atténuer leur austérité, Mgr Godefroy Brossays Saint-Marc - dont le cénotaphe majestueux se dresse sous le transept gauche - les fit revêtir de stuc ainsi qu'une partie des murs, et fit mettre en place un remarquable chemin de croix. La voûte en plein cintre est décorée d'ors, œuvre d'Auguste Louis Jobbé-Duval[4], également auteur de la décoration du Parlement de Bretagne. Elle est ornée de caissons avec des écussons aux armes de la Bretagne et des diocèses suffragants de l'archevêché de Rennes. Le chœur est entouré d’un déambulatoire dont les murs sont décorés de représentations des différents saints de Bretagne regroupés d’après leur diocèse (Rennes, Dol-de-Bretagne, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Tréguier, Saint-Pol-de-Léon, Quimper, Vannes). Malgré ses nombreuses références à la Bretagne, cette cathédrale a plutôt une allure de basilique romaine inattendue des touristes.

 
Du dôme de la cathédrale,vue de Rennes vers l'est - (de Wikimedia Commons)

Les galero des archevêques

Jusqu'à la fin des années soixante du 20e siècle, on pouvait voir, au transept gauche de la cathédrale, au bout de longs cordons plusieurs grands chapeaux rouges de cardinaux, au bords tombants, avec des cordes à glands, les galero, qui resteraient là, disait-on, jusqu'à ce qu'ils se délitent complètement. On peut en voir encore deux dans les déambulatoires.

 
Les Saints bretons du diocèse: S. Amandius S. Melanius S. Armagilus S. Rainfridus S. Judicael S. Salomon S. Moderannus S. Robtus Arbrissellensis B. Ivo Mayocus [Sanctus Amandius, Sanctus Melanius, Sanctus Armagilus, Sanctus Rainfridus, Sanctus Judicael, Sanctus Salomon, Sanctus Moderannus, Sanctus Robertus Arbrissellensis, Beatus Ivo Mayocus

Le retable flamand trop tentant

La cathédrale héberge un chef-d'œuvre: un retable flamand (anversois comme l'indique la marque de la main brûlée) du début du 16e siècle. Consacré à la vie de la Vierge avec des scènes de l'enfance du Christ, il est orné de 80 personnages, et fut classé monument historique en 1901. En 1851 la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, sous l'impulsion du Dr Jules Aussant[5], commence à s'employer pour le rassemblement d'éléments du retable dispersés[6]. Trois éléments sont volés début 1975. En octobre 2007, des voleurs s'introduisirent dans la cathédrale et se laissant enfermer dans l'édifice, eurent toute la nuit pour démonter et voler une partie du retable. Sept mois plus tard un des trois éléments volés fut retrouvé aux Pays-Bas et restitué à Mgr d'Ornellas, archevêque de la Province ecclésiastique de Rennes. Le retable et divers précieux objets du culte sont à voir dans la salle du trésor, accessible gratuitement.

La pipe du peintre

Lors des travaux de restauration menés à partir de 2009, une légende qui se transmettait dans la vieille famille rennaise des Jobbé-Duval s'est avérée. On y disait que l'ancêtre, le grand peintre décorateur Auguste-Louis, avait dit avoir laissé un souvenir personnel dans les décors qu'il y avait peints, en l’occurrence sa pipe. De fait, les restaurateurs ont exhumé une pipe dans laquelle était roulé un papier qui contenait une liste manuscrite : le nom de Jobbé-Duval et ceux de ses collaborateurs. Photo a été faite de cet objet et de la liste avant leur remise en place, là où ils étaient depuis 1844.

Sous la coupole, les quatre Évangélistes

Le tétramorphe – aussi appelé les « quatre vivants » – est une représentation des quatre Évangélistes sous leurs formes allégoriques: l’homme pour Matthieu, le lion pour Marc, le taureau pour Luc et l’aigle pour Jean. Les énormes statues en terre cuite – 4 mètres de haut, 400 à 600 kg chacune – modelées par Laurent Esquerré dans un style d'un baroque nouveau, ont été conçues avec prise en compte de l’environnement qui s’imposait à son œuvre, la cathédrale néo-classique avec son fastueux décor coloré réalisé à la fin du XIXe siècle, et ont été placées en juin 2019.

références

  1. Au Pays de Rennes, Adolphe Orain. éd. Hyacinthe Caillière - 1892
  2. Le local de la Communauté des Chirurgiens de Rennes et de l'Ecole de Chirurgie, par le Dr Paul Hardoüin, professeur honoraire à l’École de Médecine de Rennes. Bulletin et mémoires de la Société archéologique du Département d'Ille-et-Vilaine. T.LXVII - 1944
  3. Au Pays de Rennes, Adolphe Orain. éd. Hyacinthe Caillière - 1892
  4. allée Auguste-Louis Jobbé Duval
  5. rue Docteur Aussant
  6. La Société archéologique d'Ille-et-Vilaine au cœur de la redécouverte du retable anversois de la cathédrale de Rennes, Cécile Oulhen, p. 135-170. Bulletin et mémoires de la SAHIV. T. CXXIV - 2020

lien interne

Rennes d'histoire et de souvenirs quatrain 26

La quête des chirurgiens rennais pour enseigner et disséquer dans un local convenable

lien externe

Cathédrale Saint-Pierre de Rennes