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Henri IV à Rennes

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Le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne, beau-frère du roi Henri III, avait mené un double jeu : il avait pris la tête des ligueurs ultra-catholiques bretons et négociait avec le roi d’Espagne pour se tailler une principauté dans l’ouest avec Nantes comme capitale. Il avait m^me organisé à la mi-avril 1589 une émeute dans Rennes et fait chasser le lieutenant général de la Hunaudaye et le gouverneur Monbarrot qui s’étaient un moment réfugiés dans les tours des Portes Mordelaises. Henri III intervint alors, sommant le Parlement de choisir son camp et organisa la lutte contre Mercœur. Le 5 avril, Monbarrot fit revenir Rennes sous l’autorité du roi. L’accord des deux rois de France et du Béarn, le 30 avril 1589, avait facilité la transition monarchique nécessaire après l’assassinat du premier le 2 août. [1] Le roi marcha en personne contre le duc de Mercœur et reçut sa soumission à Angers le 20 mars 1598 -

Henri IV vient alors en Bretagne. Pour sceller cette reddition, Henri IV choisit Nantes pour signer le fameux édit, le 13 avril 1598. Quelques semaines plus tard, il monte sur Rennes. Après avoir passé la nuit au manoir de Fontenay, en Chartres, chez la maréchale de Brissac, le lendemain 9 mai 1598, il va faire son entrée à Rennes. Le roi va y accéder par la rue de la Madelaine (faubourg de Nantes) pour atteindre la porte de Toussaints ornée de grands écussons, l'un aux armes de France, un autre à celles de Navarre, le troisième aux armes de Bretagne (la porte était située à l'emplacement de l'actuelle jonction de la rue Tronjolly et du boulevard de la Liberté). Toutes les églises font donner les cloches et la grosse horloge va sonner pendant deux heures. On fait tirer les couleuvrines et le canon. En présence de Le Meneust, sieur de Bréquigny, sénéchal à la tête du présidial, le maréchal de Brissac, lieutenant-général du roi en Bretagne, entouré de cinquante enfants vêtus de blanc, présente au roi les quatre clés de la ville en argent doré, attachées avec un cordon de soie aux couleurs du roi, que portait monsieur de Montbarot, le capitaine. "Voici de belles clefs, dit le roi en les baisant, mais j'aime mieux encore les clefs des cœurs des habitants", formule qu'il ne devait assurément pas employer pour la première fois...

Le roi avait fait connaître qu'il ne voulait pas de dais et que les rues fussent tendues en son honneur. Il entre en ville par la rue Vasselot, passe le pont Saint-Germain, gagne l'église, aussi ornée de trois grands écussons, et parcourt, acclamé par les 25 000 Rennais, dont les riverains qui ont tendu des draps aux façades et jettent des bouquets. Il passe, sous des arcades de lierre, par la rue du Puits-Mesnil, le Grand bout de Cohue (près de l'actuelle rue Pont aux Foulons) où, sur une grande estrade, donnent l'aubade des joueurs de violon et de hautbois, puis la rue de la Cordonnerie. Il atteint le manoir épiscopal (à l'emplacement des 15 et 17 rue de la Monnaie) décoré lui aussi de trois écussons et qui, pour l'occasion, a fait l'objet d'un grand nettoyage de sa cour et d'une sérieuse rénovation : aménagements de chambres et cabinets, location de douze grands chandeliers en bois et de tapisseries pour les murs. On a aussi fait provisions de deux douzaines de jambons de Mayence, de douze douzaines de cervelas, de six douzaines de fromages, de citrons et oranges, d'anis et abricot sec, de boîtes de marmelade, de barils de confiture, de deux barriques de vin blanc, de deux autres de vin claret (Bordeaux), de quatre de vins d'Espagne ou des Canaries : banquets obligent. On a aussi construit une grande pyramide fort coûteuse près de la Cohue et "un logis en forme de reposoir" où se tint le duc de Vendôme pour passer en revue les milices des bourgeois et écouter les harangues.

Le lendemain, dimanche de Pentecôte, le roi reçoit en la cathédrale les membres du Parlement en robes rouges et les membres de la Cour des comptes, qui ne pouvaient l'accueillir décemment dans le pauvre couvent des Cordeliers (en avril la communauté de ville lui avait rappelé le désir du Parlement de faire construire un palais). [2]Après avoir entendu la messe en la cathédrale, décorée des mêmes écussons, sort sous un dais de satin blanc quand un fou, nommé Gravelle, l'aborde en se disant duc de Bretagne et qu'il fait prisonnier le roi. Il est rapidement maîtrisé non sans s'être accroché aux jambes de Montbarot. Le roi rit de l'incident mais fera en aparté reproche à Montbarot d'un défaut de garde.

Le chêne de Henri IV, au lieu-dit Sainte-Foy [3]

Après l’office Henri IV toucha les scrofuleux dans la cour du manoir épiscopal qui en était remplie.

Le roi quitte officiellement Rennes le 15 mai mais serait resté auparavant pour chasser et aurait tué "un lièvre monstre, pourvu de deux corps, huit jambes, une seule tête et trois oreilles" ! et la petite histoire dit qu'il se serait reposé au lieu-dit Sainte-Foy, près de la Prévalaye, à l'ombre d'un chêne, tombé de vétusté près de 400 ans plus tard, à l'automne 1896, et il aurait assisté à des joutes et à des danses villageoises. La place du Chêne Henri IV commémore cet évènement.

Comment était alors Henri IV ? Le notaire rennais Pichart le décrit : «  C'est un fort agréable prince et fort familier à tout le monde, et meslé en toutes choses,sans grandes longueurs de discours, et adonné à toutes sortes d'exercices. De moyenne taille, la barbe toute blanche, le poil blond commençant à griser, et l’œil plaisant et agréable. Il peut avoir 46 à 47 ans, néanmoins la barbe le rend plus vieil qu'il n'est. Il disait à tous quelques bons mots en passant car il sçait et cognoist tout. »

Certes, la capitale bretonne avait ainsi eu l'insigne honneur de la visite royale mais les aménagements d'accueil et les réjouissances avaient un coût que le bon peuple fut amené à assumer en partie puisque le "capitaine de ville" avait décidé de percevoir pendant un an la taxe du "sou et liard par pot". A l'instar de ce qui se faisait dans d'autres grandes villes en pareille occasion, l'atelier de Rennes ne manqua pas de frapper des pièces de monnaie d'un demi-franc en argent à l'effigie du roi.[4]

Quatre ans plus tard, Henri IV, qui s'était bien promis de détruire les fortifications des villes de la Bretagne maintenant pacifiée qui avaient été des points d'appui pour la guerre civile, ordonna par édit du 18 juin 1602, que toutes les tours et portes de la ville, sauf la tour Mordelaise, qui étaient devenues autant de fortins occupés et fermés, fussent ouvertes côté ville et mises hors d'état de servir de ce côté, ce que s'empressèrent de faire, dès juillet, les bourgeois enchantés et les matériaux internes furent vendus à l'encan.[5]


Notes et références

  1. Les Protestants bretons, cinq siècles de protestantisme en Bretagne, par Jean-Yves Carluer
  2. Le Palais du Parlement à Rennes , par Florian Le Roy. Imprimeries bretonnes - 1938
  3. Géographie d'Ille-et-Vilaine, par Adolphe Joanne. Hachette -1901. photo de M. l'abbé Duval
  4. Recherches sur l'administration municipale de Rennes au temps de Henri IV, par Henri Carré - Maison Quentin, Paris 1888
  5. Rennes moderne par A. Marteville, t.2, p.188 et 189..

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