Le dernier couronnement d'un duc à Rennes
Le 14 août 1532, les Rennais vont, pour la dernière fois, assister aux cérémonies du couronnement d'un duc, en la personne du jeune François III, 14 ans, petit-fils de leur duchesse Anne couronnée 43 ans auparavant, en 1489 et devenue ensuite reine de France. Ce jeune François, fils aîné de sa fille Claude, épouse de François 1er, est le dauphin du royaume de France.
Un roi habile
Ce couronnement ducal du dauphin avait été habilement suggéré par le roi lui-même, cerise sur le gâteau des cérémonies incarnant, en la personne de son fils, à la fois dauphin du royaume et duc de Bretagne, l'édit d'union publié à Nantes la veille. Il constitue le point d'orgue des manoeuvres de l'habile François 1er, assez malin pour avoir laissé aux Etats, convoqués à Vannes début août, l'initiative de demander eux-mêmes l'union indissoluble de la Bretagne à la France, avec la complicité du président Louis des Déserts, et moyennant, écrit l'historien Bertrand d'Argentré des sommes versées à trois ou quatre de la noblesse et à quelques-uns de l'église et du tiers état pour les disposer favorablement [1].
Des Bretons réalistes
Ce n'était certes pas de gaieté de coeur mais par réalisme que les Etats en étaient venus à cette démarche. Il importait d'assurer la paix à la Bretagne riche et peuplée, terre convoitée par les Anglais et les Français et leurs alliés. D'Argentré écrit que "le roy de France est un grand roy, qui jamais ne souffrira cet angle du pays en repos, s'il n'en est seigneur irrévocable... Tant qu'il y aurait en Bretagne un duc indépendant, il ne faut espérer nulle paix." Dans leur supplique du 4 août, les Etats avaient demandé que le Dauphin fit son entrée solennelle à Rennes comme duc et prince propriétaire du duché, qu'il plût au roi d'unir perpétuellement le duché au royaume de France afin qu'il n'y ait plus de guerre entre les deux pays, "gardant toutefois et entretenant les droits, libertés et privilèges dudit pays", ce à quoi le roi s'engagea en l'actant par l'édit publié à Nantes le 13 août, (précisé par un édit du Plessis-Macé en septembre).[2]
Le couronnement du jeune duc François III
Le dauphin fit donc son entrée solennelle à Rennes, le 13 août par la porte Mordelaise. Michel Champion, procureur des Bourgeois, narra les fastes qui dépassèrent ceux de l'entrée de François 1er en 1518. Trois cents hommes de pied aux couleurs du dauphin-duc et deux cents habitants montés l'accompagnent. Harangues, révérences et spectacles rythment les arrêts aux cours desquels il prête serments de maintenir les "droits, privilèges et anciennes libertés" du pays, et il reçoit les clefs de la ville.[3] Des "échafauds": des estrades ont été dressées de par la ville présentant des scènes mythologiques attrayantes mais à sens politique inaccessible au bon peuple, légendées en latin : le roi traité en dieu Mars, mais sans évocation des reines Anne et Claude... La ville de Rennes a offert en cadeau au duc une hermine d'or entre six lys. On écrit que ce furent jours d'allégresse mais ils ne pouvaient faire oublier aux gens une famine persistante.
La cérémonie du couronnement eut lieu le lendemain en la cathédrale selon le rite traditionnel. Ayant ôté le collier de l'ordre de Saint-Michel, le jeune François mit le collier de l'ordre de l'Hermine et reçut l'épée de duc bénie des mains de l'évêque Yves Mayeuc qui bénit aussi le cercle ducal en or et le lui posa sur la tête. Assis sur le trône, le jeune duc répondit amen à chaque phrase de la formule du serment énoncée par l'évêque. Sitôt la cérémonie achevée, il quitta sa capitale, sans avoir même reçu l'hommage des vassaux. Il ne devait jamais y revenir et mourra quatre ans plus tard. D'ailleurs le roi n'avait pas confié à son fils l'administration et le gouvernement du duché dont il restait l'administrateur légal. La Bretagne va gagner en sécurité et perdre en autonomie et Rennes ne sera plus que la capitale d'une province.