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Rue Isidore Louveau
La rue Isidore Louveau se situe dans le quartier 2 : Thabor – Saint-Hélier – Alphonse Guérin entre le boulevard de la Duchesse Anne à l'ouest et la rue Lafond à l'est. Cette voie fut dénommée par délibération du conseil municipal de la Ville de Rennes le 11 décembre 1931[1].
Cette voie rend hommage à Isidore Louveau, pharmacien, professeur à la faculté de médecine et adjoint au maire de Rennes (20 octobre 1822, Luitré - 1916)
Isidore Louveau a été trésorier de la société des secours mutuels des cantonniers d'Ille-et-Vilaine et vit au 4 boulevard de Sévigné à Rennes en 1900[2]. Il figure parmi les fondateurs de la section locale de la Ligue des Droits de l'Homme.
Isidore Louveau et la franc-maçonnerie[3]
L'affaire Dreyfus a révélé aux républicains le danger que représente pour eux la puissance des congrégations religieuses politiquement actives, comme les Assomptionnistes et leur journal La Croix. La célèbre « loi de 1901 » ne se contente pas d'organiser le droit d'association sur le modèle que nous connaissons encore de nos jours, elle restreint aussi par son article 13 le droit des congrégations, en les soumettant à une autorisation légale obligatoire. Les congrégations non autorisées sont alors dissoutes ou s'exilent, et leurs biens sont confisqués. Les expulsions des congrégations donnent lieu à des incidents qui préfigurent ceux des inventaires des biens des églises quatre ans plus tard, au moment de l'application de la loi de séparation des Églises et de l'État, et qui se traduisent par la mauvaise volonté de fonctionnaires, de magistrats ou bien de militaires, lorsque l'armée est appelée pour prêter main-forte – il n'existe pas à cette époque d’unités spécialisées dans le maintien de l'ordre. Combes[4] entreprend alors une vigoureuse épuration de l'administration : les fonctionnaires récalcitrants sont révoqués, de nombreux magistrats sont poussés à la démission, que certains donnent d'ailleurs d'eux-mêmes pour ne pas avoir à appliquer des lois anticléricales qu'ils réprouvent. Reste le problème de l'Armée. La hiérarchie de ce que l'on nomme « la grande muette », formellement neutre politiquement puisque les militaires n'ont pas le droit de vote, témoigne d'une répugnance certaine vis-à-vis des institutions républicaines et d'un régime parlementaire qu'elle considère comme inefficace à l'intérieur, et pusillanime à l'extérieur. À l'époque, elle constitue de fait « un corps autonome, quasi indépendant du pouvoir civil, ayant ses propres règles, se recrutant par cooptation et affectant vis-à-vis de la politique une indifférence confinant au mépris. Par le jeu des commissions de classement, composées exclusivement de militaires, les nominations aux hauts grades échappent au pouvoir civil, et ce d'autant plus que la tradition veut que les ministres de la Guerre soient généralement choisis parmi les généraux en activité ».
C'est à cet état des choses que s'attaque Louis André (général) nommé ministre de la Guerre en 1900. À soixante-deux ans, cet ancien polytechnicien, positiviste et librepenseur, mais non franc-maçon comme on l'écrit encore, veut démocratiser l'armée et favoriser la carrière d’officiers républicains. Pour ce faire, il prend donc un certain nombre de mesures significatives : obligation pour les saint-cyriens de servir un an dans les corps de troupe avant d’entrer à l'École ; suppression de la dot réglementaire pour les futures épouses d'officiers ; suppression des ordonnances et des équipages ; ouverture aux sous-officiers du grade de sous-lieutenant dans la limite d'un dixième des emplois disponibles. En ce qui concerne l'avancement des officiers, il ouvre deux registres, baptisés « Corinthe » et « Carthage », et note dans le premier les noms de ceux qu'il entend promouvoir, et dans le second ceux qui sont promis à la stagnation ou au blocage de leur carrière du fait de leurs opinions antirépublicaines. Mais il s'aperçoit très vite que lui-même, son entourage ou ses correspondants ne peuvent guère évaluer ainsi qu'environ 800 des 27 000 officiers que compte l'armée. C'est pourquoi, dans le courant de l'année 1901, il accepte l'offre que lui fait Frédéric Desmons, vice-président du Sénat, mais également président du Conseil de l'Ordre du Grand Orient de France, autrement dit Grand Maître selon la terminologie actuelle, de demander aux vénérables des villes de garnison les renseignements souhaités. Une liaison opérationnelle est rapidement mise en place entre le capitaine Henri Mollin, appartenant au cabinet du ministre, et Narcisse Vadecard, secrétaire général du Grand Orient. Le système fonctionne avec efficacité, et des lettres-type, des circulaires de caractère quasi officiel sont ainsi adressées par le Grand Orient aux vénérables concernés. En réponse, il reçoit des loges, entre septembre 1901 et octobre 1904, plusieurs milliers de fiches, qui sont transmises au cabinet du ministre.
À cette époque, la Bretagne ne compte que cinq loges du Grand Orient en activité. À Nantes, « Paix et Union et Mars et les Arts », qui ont fusionné au début de l'année 1901 ; à Saint-Nazaire, « Le Trait d’Union », fondée en 1887 ; à Lorient, « Nature et Philanthropie », qui date de 1838 ; à Brest, la loge « Les Amis de Sully », qui est revenue dans le giron du Grand Orient de France en 1900. En décembre 1903, une loge « Ernest Renan » a bien été installée à Tréguier, mais dans le plus grand secret ; elle s'unira en 1905 à la nouvelle loge « Science-Conscience », qui allumera alors ses feux à Saint-Brieuc. Les vénérables de Nantes et de Brest sont en conséquence mis à contribution, et c’est « La Parfaite Union » qui, à Rennes, est chargée du fichage des officiers supérieurs de l'état-major et des régiments en garnison en Ille-et-Vilaine et dans les Côtes-du-Nord à savoir : l'état-major du Xe Corps et le 41e d'infanterie à Rennes, le 47e à Saint-Malo-Saint-Servan, et le 70e à Vitré ; le 71e d'infanterie à Saint-Brieuc, ainsi que le 48e à Guingamp. Trois vénérables successifs de « La Parfaite Union » vont être concernés par la rédaction des 41 fiches qui vont émaner de l'atelier. C’est d'abord en 1901 et 1902, Isidore Louveau, professeur honoraire à l'École de médecine et de pharmacie de Rennes ; puis l'année suivante Jules Ledoux, professeur vétérinaire à l'École nationale d'agriculture de Rennes, et enfin en 1904 son successeur, Mars Abadie, professeur de génie rural à cette même école.
La publication par L'Éclair des fiches relatives aux officiers des régiments en garnison en Bretagne déchaîne la presse locale. Chevalier de la Légion d'honneur en 1900, Louveau a l'année précédente affirmé dans Le Figaro être étranger à la rédaction des fiches parvenues de Rennes, alors que les documents publiés prouvent le contraire. Malgré ses quatre-vingt-quatre ans, Louveau n'est pas épargné par des chahuts musclés, qui le poursuivent même dans sa maison de Luitré, près de Fougères, où il tente de se réfugier : « Dans cette tourmente, j'ai vu ma maison assiégée, mes portes enfoncées, mes carreaux brisés, et la meute cléricale m'a causé des dommages qui se sont élevés à plus de 3 000 F. ».
Louveau a été le chef de l'opposition dans le conseil municipal présidé par le maire Le Bastard, et c'est un ami intime de Waldeck-Rousseau – il est de plus visé dans le Journal de Rennes par une campagne de presse particulièrement intense, rappelant sa biographie et le brocardant sur son double jeu – il serait républicain à la ville et clérical à la campagne.
Sur la carte
Note et références
- ↑ Délibérations municipales, Archives de Rennes
- ↑ Selon la base Léonore
- ↑ Kerjan, Daniel. « Chapitre 9. Les hussards bleus de la Troisième République ». Rennes : les francs-maçons du Grand Orient de France, Presses universitaires de Rennes, 2005, https://doi.org/10.4000/books.pur.43342.
- ↑ boulevard Émile Combes