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Bombardement du 17 juin 1940
RENNES, 17 JUIN 1940
René Patay, après avoir entendu une violente explosion, vers 10 heures, voit les gens se cacher sous les pommiers et, de la hauteur de la Massaye que les Anglais évacuent en hâte, il aperçoit, sous un ciel d’orage particulièrement noir, la ville de Rennes couverte d’une épaisse fumée. Le docteur se rend à Rennes où il entend des rafales de mitrailleuse à la Courrouze et des explosions du côté de la gare. La gare des voyageurs n’a rien mais une épaisse fumée s’élève de la gare de triage d’où viennent des voitures d’ambulance ensanglantées filant vers les hôpitaux et les cliniques. Il fait quelques pansements dans un hôtel de la place de la Gare à des personnes atteintes par des éclats de verre (les vitres ont été brisées dans toute la ville).
Que s’était-il passé ?
Trois avions de la Luftwaffe à croix noires, probablement des Dornier 17, venant de l’est où ils avaient mitraillé un convoi sur la route entre Vitré et Rennes, ont survolé la gare de triage sans aucun risque, la D.C.A anglaise s’étant repliée dans la nuit... Ils ont lâché quelques bombes de 500kg, d’abord sur un train de réfugiés de Lisieux, au niveau de Cesson à hauteur de Pincepoche et de Bray, faisant 20 victimes, ensuite sur la gare de triage de la plaine de Baud où 146 soldats français (203ème et 212ème d’artillerie venant des Flandres), amenés pour défendre le « réduit breton » mort-né, sont tués ainsi que 156 Anglais du Royal Engineer, partant vers Brest, enfin sur la gare de triage de Saint-Hélier où 206 artilleurs du 222ème et du 64ème trouvent la mort. Avant midi des pompiers, des cheminots et de courageux citoyens se rendent sur place pour retirer des blessés tandis que des rescapés quittent ce lieu d’horreur par le moulin de Jouet. À 12 heures 30 la TSF diffuse le discours du maréchal Pétain : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat… » Les sauveteurs, malgré l’interdiction du général Bazoches et les explosions qui se succèdent pendant 24 heures, continuent à sortir des corps mutilés, brûlés, racornis, et d’autres intacts, comme pétrifiés. Alors que continuent des explosions, beaucoup de blessés sont arrachés des flammes par des pompiers héroïques, dont le lieutenant Lebastard, allongés sur le ballast et dans la prairie de la ferme du général Lefort.
Le nombre des victimes, hors de proportion avec le nombre et l’importance des bombes larguées, vient d’une négligence criminelle des services de la gare de Rennes qui, plaine Saint-Hélier, ont placé le train d’artilleurs contre un train de munitions avec un wagon de cheddite qui, en sautant, a broyé et enflammé le train voisin, et à Baud, ont mis un train de munitions entre le train des Anglais et celui des artilleurs français. À ces victimes, il faut ajouter quelques civils et militaires tués par éclats ou matériaux projetés. Traumatisée aux deux sens du terme, la ville se vide.
Ce premier bombardement de Rennes, outre qu’il hâte l’exode, a une répercussion d’autant plus exagérée que l’éloignement est plus grand. À Toulouse on lit dans « La Dépêche » qu’il y a 4500 morts et que l’hôtel de ville est détruit. A Beyrouth, où le professeur Burloud est en tournée de conférences, on annonce 20 000 morts ! Quant à l'information locale et régionale, elle sera des plus vagues : le quotidien Ouest-Éclair du 18 juin, dernier numéro avant une reprise le 5 juillet, ne comporte que deux pages et en première un entrefilet intitulé :
Bombardement aérien dans l'ouest
Quelque part dans l'ouest - Hier matin lundi, des bombardiers allemands ont survolé une des grandes villes de la région de l'ouest. On compte des victimes parmi la population civile, quelques morts et de nombreux blessés.
Dans l'Ouest-Éclair du 5 juillet (maintenant sous censure allemande) la mairie donne la liste des architectes affectés aux constats pour les rues du canton sud-est sinistrées lors de "l'explosion du 17 juin".
En septembre, le docteur Patay recevra une mission d’officier d’état civil militaire bénévole pour l’exhumation, l’identification, la mise en bière et la ré-inhumation au cimetière de l’est des corps provisoirement mis en fosses communes le long des voies ferrées : prairie de Saint-Hélier, plaine de Baud et passage à niveau de Bray, en Cesson... 805 corps sont mis en bière, sans qu’on puisse compter les corps broyés, calcinés et démembrés, et des blessés graves retirés qui mourront ultérieurement. On peut estimer le nombre des morts à un millier, chiffre épouvantable, mais la moitié du chiffre 2000 encore couramment cité et repris.
Vidéo
Le 7 juillet 1940, les actualités cinématographiques allemandes (Deutsche Wochenschau) présentent les conséquences du bombardement sans toutefois faire allusion au nombre de victimes. À partir d'une minute, on peut voir des images de la gare de triage de la Plaine de Baud, et des équipes de déblaiement en action.
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