A l'occasion des 80 ans de la libération de Rennes, (re)découvrez l'ensemble des
contributions autour de la Seconde Guerre mondiale et de la libération sur Wiki-Rennes.
Butte des Fusillés de la Maltière
Sur la commune de Saint-Jacques-de-la-Lande, au lieu-dit la Maltière, existait avant la seconde guerre mondiale, sur un terrain militaire, le stand de tir du Polygone avec une butte, construite en 1937, où on venait s'entraîner les recrues de la caserne Foch, à Rennes. Ancien champ de tir du 10e corps d’armée, pendant la Première Guerre mondiale, la Maltière avait été un grand camp militaire où étaient notamment stockés des obus produits non loin de là, à l’arsenal. Les Allemands transformèrent le polygone de tir en forme de butte, aménagé par l'armée française en 1937 au lieu-dit La Maltière, en lieu d’exécutions. Près de soixante-dix patriotes presque tous condamnés à mort par le par le tribunal militaire allemand FK 748 de Rennes, y furent fusillés entre septembre 1940 et juillet 1944, patriotes appartenant aux quatre départements des Côtes-du-Nord (Côtes-d’Armor), du Finistère, d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Il fait partie des nombreux lieux d’exécutions qui sont devenus des hauts-lieux de la mémoire résistante bretonne.
Le premier fusillé y fut, le 17 septembre 1940, Marcel Brossier pour avoir coupé un câble de l'armée d'occupation, et fut suivi de 75 autres. Il n'y eut qu'une exécution en 1941, celle de Roger Barbé, exécuté le 4 octobre. Pendant une semaine à partir du 15 décembre 1942, 30 résistants communistes, dont 2 femmes, d'une moyenne d'âge de 29 ans, dont une vingtaine habitaient Rennes, la plupart employés de chemin de fer, passèrent devant le tribunal de la Feldkommandantur 748 siégeant au palais de justice. Ils étaient assistés de 3 avocats français, Me Gamblin de Dunkerque, Mes Georgel et Maulion de Rennes, d'un avocat allemand et du professeur Émile Morice[2]. 25 "terroristes" furent condamnés à mort en tant que francs-tireurs ou pour intelligence avec l'ennemi : pour transport d'explosifs et d'armes, sabotages de voies ferrées, de pylônes, de câbles et attentats contre divers organismes collaborateurs.
En décembre 1942, 25 membres résistants communistes, d'une moyenne d'âge de 29 ans, dont 18 habitaient Rennes, passèrent devant le tribunal de la Feldkommandantur 748 siégeant au palais de justice et, après un procès de sept jours, furent condamnés à mort, le 22 décembre, pour transport d'explosifs et d'armes, sabotages de voies ferrées, de pylônes, de câbles et attentats contre divers organismes collaborateurs. Ils furent exécutés le 30 décembre à la butte des Fusillés de la Maltière. Un témoin les vit passer en camion : ils chantaient la Marseillaise.
Ils furent fusillés par groupes de deux ou trois de 9 h 20 à 10 h 12[3] [4]. Ils furent inhumés au cimetière de Saint-Jacques-de-la-Lande. Des obsèques solennelles eurent lieu à Rennes le 27 janvier 1945; les cercueils couverts de l'emblème national, assemblés au palais de justice, lieu où ils avaient été jugés et condamnés, furent veillés toute la nuit par des gardes civiques. De nombreux Rennais vinrent leur rendre hommage et une cérémonie eut lieu à la cathédrale.
On relève à leur actif les attentats ci-dessous :
Attentat du 22 mars 1942 contre les bureaux du RNP à Rennes. (Rassemblement National Populaire - parti collaborateur).
Attentat du 28 mars 1942 contre les bureaux du Franquisme à Rennes (Proche de Pétain).
Attentat du 19 avril 1942 contre Doriot au Théâtre Municipal de Rennes, au cours d’une réunion organisée par le PPF (Parti Populaire Français – parti collaborateur). Maurice Fourrier dira fièrement lors du procès : « La seule chose que je regrette, c’est d’avoir raté Doriot ! »
Attentat du 4 mai 1942 contre le bureau d’embauchage pour l’Allemagne.
Attentat du 12 mai 1942 à Sainte-Foix près de Rennes. Sectionnement d’un câble téléphonique de l’armée allemande.
Attentat du 20 mai 1942 à Rennes, boulevard Mermoz (sectionnement d’un câble téléphonique).
Attentat du 21 mai 1942 contre un pylône à haute tension à Ste-Foix près de Rennes.
Attentat du 4 juin 1942 contre les bureaux de la Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme (LVF) – Parti collaborationniste.
Attentat du 9 juin 1942 sur un train de marchandises (jets de sable dans les graisseurs des essieux des 87 wagons d’un train).
Attentat du 22 juin 1942 à Rennes, boulevard de Sévigné contre une maison occupée par les Allemands.
Attentat du 22 juin 1942 à Rennes, boulevard Solférino, contre une maison occupée par les Allemands.
Le journal les qualifie d'"êtres jeunes subjugués par une propagande criminelle", d'"étourdis criminels dupés eux-mêmes par les agents du Komintern cachés dans la coulisse", de "poignée d'énergumènes". Plusieurs étaient membres de l’Organisation spéciale, d'obédience communiste.
De janvier 1943 à février 1944, les résistants arrêtés et incarcérés à Rennes furent le plus souvent transférés à Paris et fusillés au Mont-Valérien.
À partir de mars 1944, les exécutions reprirent à la Maltière où quarante-sept résistants ont été fusillés de mars à juillet 1944 : trois le 12 mars, neuf le 31 mai, un le 21 juin, neuf le 23 juin, dix-neuf le 30 juin et six en juillet.
Louis Bodeur, condamné à la peine de mort le 18 mai 1944 « pour détention illicite d’armes » par le tribunal du secteur postal 56300 st. L. No 304/44 a été fusillé le 23 juin 1944.
Jean Le Floch, Yves Manach et sans doute Yves Page, fusillés par des gendarmes français le 12 mars 1944, avaient été arrêtés par la 13e brigade régionale de sûreté, police de Vichy, et condamnés à mort par la Cour martiale de Rennes.
Les six patriotes exécutés en juillet 1944 sont des exécutés sommaires. Arrêtés à la mi-juillet 1944, par des policiers et des miliciens français, ils n’ont pas été condamnés à mort, et furent abattus d’une balle dans la tête.
La plaque commémorative érigée en décembre 2017 porte 76 noms de fusillés repris sur soixante-seize poteaux de l'allée. L’accès au site a été réaménagé en décembre 2017. Une grande allée est bordée de 76 stèles bicolores avec, sur chacune d’entre elles, le nom, l’âge de la victime et la date de son sacrifice. L’aménagement par Éric Chabot de ce lieu de mémoire en 2018 a obtenu un prix lors de la cérémonie des Victoires du Paysage qui s’est tenue à Paris le 8 décembre 2022.
Chaque année la ville de Rennes et la ville de Saint-Jacques commémorent leur héroïsme[5].
Témoignages
« Mon père travaillait à la Courrouze. Il a assisté à la fusillade des 25 de la Maltière. Il est revenu en pleurant. Il disait ; « C’est atroce, j’ai assisté à tout. J’entendais les cris Vive la France à chaque fois qu’il y en avait un qui tombait. »
Madame Jouan née Lerenard
Les dames Josse de la Ville en Pierre les voyaient descendre des camions par groupe de 4 ou 5, mais ne les voyaient pas tomber sous les balles, comme elles avaient vu passer devant leur maison les 2 camions des condamnés, suivis d’une voiture de policiers français avec un aumônier et une voiture d’officiers et de policiers allemands : ils furent mis en bière par les noirs prisonniers des Allemands et conduits aussitôt au cimetière de Saint-Jacques. Le sang coulait de certaines bières m’ont dit ces voisines. Deux fosses communes les attendaient : 12 furent déposés dans la fosse à gauche de l’entrée et parallèle à la route et 13 dans la fosse au fond du cimetière, côté sud-est.
Abbé Vallais [6]
Sur la carte
Notes et références
- ↑ Lire l'article complet en ligne sur Gallica
- ↑ allée Professeur Emile Morice
- ↑ Liste des fusillés par heure d'exécution: Jean BRAS, Léo JAFFRE, Pierre L’HOTELLIER, Yves DENIEL, Ernest MORAUX, Louis MORAUX, Henry DERO, Jean BELLIARD, Albert DENIEL, Albert MARTIN, René NOBILET, Georges RIANDIERE, Henri BOUGEARD, René HIREL, Albert GERARD, Victor FORTIN, Joseph VAILLANT, Yves LE BITOUS, Maurice LEOST, Jean JAFFRES, Joseph BOUSSIN, Albert DESHOMMES, Maurice FOURRIER, Pierre LANGLAIS, Edouard HERVE
- ↑ Borotra à Rennes en juillet 1941
- ↑ Hymne à Rennes quatrain 51
- ↑ https://www.st-jacques.fr/media/memoire_de_st_jacques_n2.pdf