Place Sainte-Anne
La place Sainte-Anne est une place du centre-nord de Rennes.
Bordée par l'église Saint-Aubin, desservie par le métro (station Sainte-Anne) et proche de la rue Saint-Michel, elle est souvent animée le soir. Cette voie fut dénommée aux environs du 14e siècle.
Histoire
Cette place était hors des murs de la ville. Il s'agissait cependant d'un lieu habité, comme l'ont révélé les fouilles lors du creusement du métro. Quelques résultats des fouilles sont d'ailleurs exposés au premier niveau de la station. Le métro a également été l'occasion d'en faire un espace piéton, en supprimant le parking de surface et la voie de circulation existante.
Le dernier remaniement de la place avait amené à des démolitions, visant à construire l'église et son contour au début du XXe siècle.
La place est bordée par quatre monuments historiques, des maisons bordant la place. Le couvent de Bonne-Nouvelle, dit des Jacobins, complète l'ensemble.
« Place dénommée bien sûr pour Sainte-Anne, nom de la mère de la vierge Marie, c'est d'ailleurs en Bretagne qu'elle est la plus honorée au monde. Ce nom avait d'abord été donné à une chapelle qui fut érigée sur cette place au XVème siècle pour le service d'un hôpital du même nom qui avait été fondé au XIVème par des confréries ouvrières de Rennes. La Chapelle Sainte-Anne était située à l'emplacement actuel de la voirie, entre l'ancien couvent et l'église. A cette époque d'ailleurs, l'église Saint-Aubin existait déjà mais pas à son emplacement actuel, plus petite et en face de la Rue Saint-Louis. Entre cette église et la chapelle Sainte-Anne, se trouvait un tout petit passage qui portait le nom macabre de cimetière des pendus.
Il faut savoir qu'au Moyen-Age sur la Place des Lices où se trouve maintenant l'horloge, dont les aiguilles sur une face restent figées, se trouvait la potence où étaient exécutés les condamnés.
A cette époque, les exécutions avaient lieux sur des places publiques en hauteurs pour être vu de tout le monde et pour intimider le peuple. Les corps restaient alors exposés quelques temps et lorsque l'on sortait de la ville par la porte Saint-Michel, on avait une vue directe sur la potence. C'est pour cette raison, que cette place portait le nom de Place du Bout du Monde, l'actuelle Place Saint-Michel.Quand les corps des pendus étaient décrochés pour être enterrés dans le petit espace entre l'église Saint-Aubin et la Chapelle Sainte-Anne, on empruntait le passage le plus direct entre le cimetière et la potence, la Rue des Innocents puis Rue Saint-Louis. La première rue emprunter pour emmener les corps de ceux que l'on ne croyait pas toujours coupable, avait d'abord pris le nom de Rue des Innocents Pendus et ensuite pour faire plus court elle fut appelée Rue des Innocents.
En 1792, la Place Sainte-Anne a changé de nom pour prendre celui de Place des Jeunes Malouins, de même que la Rue du Tronjolly qui elle prenait le nom de Rue des Jeunes Nantais, pour rendre un hommage aux jeunes de ces deux villes venu prêté main forte à la Ville de Rennes pendant les émeutes qui eurent lieu en 1789. La place va reprendre ensuite le nom de Sainte-Anne. La chapelle Saint-Anne fut vendue en 1792 et démolie en 1865.
Le couvent des Dominicains puis des Jacobins ainsi qu'une l'église furent fondés par le Duc de Bretagne, Jean IV de Montfort (dont l'on retrouve le nom en centre-ville Rue de Montfort). Lors de la bataille d'Auray en 1364, un messager vint annoncer à Jean de Montfort que son ennemi Charles de Bois était mort et il s'adressa à lui en ces termes : "Monseigneur, bonne nouvelle, vous êtes Duc de Bretagne". C'est pourquoi à son retour à Rennes, Jean de Montfort avait décidé, en souvenir de cette annonce, d'édifier une église et un couvent et de leur donner le nom de Bonne Nouvelle. »
— Joël David, Chargé d'odonymie à la Ville de Rennes • licence
Faits divers
Ventes aux enchères
Au 18e siècle, les chevaux volés et non réclamés sont vendus sur la place Sainte Anne, par exemple le 22 octobre 1768, un cheval volé à Janzé et amené d'une auberge de la rue Vasselot où il était en fourrière ; ou en 1775...
« Ceux ou Celles qui voudront faire valloir et acheter un cheval en poil brun noir, équipé d'un bât et d'une bride, se trouveront ce jour à midi sur la place Sainte Anne de cette ville où la vente et adjudication s'en fera à requête de Monsieur le procureur du Roy du Présidial de Rennes au plus offrant et dernier encherrisseur, payant argent comptant. A Rennes ce vingt un janvier mil sept cens soixante quinze. »
— Archives du présidial de Rennes
Origine : Cote 2B 1099 - Archives d'Ille-et-Vilaine • licence
L'avis de la vente du 31 janvier 1765, lu comme les autres aux carrefours, précise : "sur la place Sainte Anne de cette ville avis l'auberge du Cheval blanc lieu ordinaire...". Par ailleurs, faute d'enchérisseurs, cette vente est reportée au lendemain, où le cheval "en poil rouge" est adjugé à Julien Launay, habitant près de la rue Saint-Georges, pour la modeste somme de 17 livres 10 sols, "après plusieurs bouts et débouts"[1].
Plus généralement, la place est le lieu de vente des meubles saisis au titre de peine complémentaire des condamnations à mort, et autres cas de saisie judiciaire. En décembre 1756, c'est toujours à proximité de l'auberge du Cheval blanc que sont vendus - pendant quatre jours - les meubles de François Letort, cabaretier à Vezin, poursuivi pour l'assassinat de Jean Bertier, à la suite d'un différend à propos de la durée de la prestation musicale (hautbois ou veze) donnée dans son auberge[2].
Marché de bois
- Selon une "enquête civile du 22 juin 1730" faite par le Consulat de Rennes, les meubles du Sieur de la Touche Leboust seront vendus à la porte de son domicile et non ailleurs selon quatre arguments dont le premier est parce que la place St. Anne est occupée par un nombre infiny de harnois chargés de bois à mairain et à chaufage, pailles et autres denrée.. Selon une pièce du 31 août, il habite près de la rue de l'Entonnoir (Toussaint). Par ailleurs, la décennie a connu plusieurs litiges dans lesquels un marchand de bois est impliqué, en particulier du côté de Livré, Dourdain, Saint Aubin du Cormier... Suites de l'incendie de 1720... ainsi qu'ensuite deux marchands de pierre de grain (granit)[3].
- Une autre enquête, le 8 mai 1731, précise que le bois est en vente sur la place même : Enqueste et informations faitte d'authorité de la juridiction royalle du Consulat de Rennes à requeste du Sieur Picard marchand... contre Jean Glais aussy marchand... Le Sieur Louis Juhel, 46 ans, marchand demeurant Grande rue St Michel à Rennes depose que Jan Glais etant venu le trouver à sa boutique luy demender à ajetter du fil, luy dit qu'il n'en avait point comme il ly en fallait, mais qu'il scavait bien un marchand qui en avait ; sur quoy ledit Glais pria le deposant de le faire luy parler ; à quoy le deposant consentit et le conduisit sur la plasse Saint Anne où le Sieur Picard etait à vendre du bois ; qui étant embarassé pria le deposant de conduire à son auberge ledit Glais pour voir son fil, où s'etant transportés et l'hotesse le leur ayant fait voir, ils revienrent tous les deux sur la place retrouver le Sieur Picard, où le deposant qui avait à faire à son marché les laissa pour convenir du prix. Environ demie heure après ledit deposant etant à ajetter du fil au marché, trouva ledit Glais à en ajetter et luy demanda s'il avait eu le fil du Sieur Picard ; à quoy ledit Glais luy repondit qu'il l'avait agetté meme à bon marché...[4].
- Un incident, lié au franchissement de l'octroi de Saint-Just, confirme cette vocation sylvicole du secteur. En 1741, Marie Anne Leroux, 36 ans, femme de Christian Querné, auberge du Soleil d'or, rue Saint-Michel, dépose que des sergents amenerent et mirent en dépot chez elle, une charette chargée de bois de corde, quatre beufs et un cheval, et qu'elle entendit dire à la femme à qui apartenait ce harnoy, qu'elle n'avait mis ce bois en vente au semittiere Ste. Anne que parce qu'elle esperait le vendre et en toucher le prix à valloir à ce que les adjudicataires [de bois dans la forêt de Rennes] lui devaient pour des charoys.[5].
Lancement de fusées
En juillet 1723, Pierre Ledoux, maître tanneur, et Madeleine Bourge, sa femme, se plaignent devant le présidial disant que hier au soir, environ neuf heures, s'en revenant de la campagne en compagnie de leurs parents, ils furent surpris de se voir accablés par une multitude de personnes, dont la plus grande partie sont inconnus aux supliants... d'une infinité de fusées d'artifices qui furent jettées par ces particuliers à l'entrée de la place Ste Anne, lesquelles ayant brulé la coëffure de la supliante, ce fut ce qui engagea le supliant à les repousser et leur donner quelques coups de cannes, sans cependant faire aucun mal, affin d'ecarter les desordres que peuvent causer de pareils artifices.. En conclusion de leur requête en vue de poursuites contre l'un des turbulents, ils demandent 12 livres pour la coiffure, et 15 livres pour l'habit qui a été déchiré[6].
Salle de jeu
Au milieu du 18e siècle, la place est fréquentée pour son académie de billard. En 1754, des inculpés pour le viol d'une femme sur les murs au sud-est de la ville, parlent de leur passage par la place entre deux cabarets : ... qu'après avoir eté pendant quelque tems dans la rue Hautte, luy et Le Villain en sortirent et furent tous les deux à la place Saint Anne à l'accademie ou jeu public... Interrogé s'ils ne firent pas luy et Le Villain du tapage au jeu public de manniere que le maitre fut obligé de les mettre dehors ?[7].
Ce lieu est manifestement un des points d'attraction de la ville, ceci pour la plupart des catégories socio-professionnelles, des classes éloignées s'y retrouvant, la plus populaire en tant que spectateurs des pratiquants de plus haute extraction. Ainsi, en 1764, un malentendu s'installe, "dans la chambre où se tient le jeu", entre un garçon tailleur et un homme de 33 ans, vivant de ses rentes, le premier regardant jouer le second. Nous n'aurions jamais rien su du degré de froissement des sensibilités si le Sieur Georget de la Davière, le lendemain, n'était amené à tuer de son épée le tailleur, une fois fatigué de repousser ses assauts et ceux de deux collègues recrutés pour ce règlement de compte, une fois retrouvé dans une rue de la ville. Les lettres de grâce obtenues un an après les faits, entérinées par le présidial, ont reconnu cette dimension de légitime défense[8].
Sur la carte
Haïku de nuit
"En quête de manne,
La nuit, place Sainte-Anne,
Un toxicomane."
--Stephanus 18 mars 2011.
Notes et références
- ↑ Archives : 2B 1236
- ↑ Archives : 2B 1223. Sur un total de 853 livres, les vaches sont vendues 32, 43 et 49 livres, deux truies, 9 et 18 livres... le froment à 23 livres la mine (ou 8 boisseaux), le blé noir à 11 livres 5 sols la mine, l'avoine 9 livres la mine, le cidre 16 livres la barique, "une grande table longue de bois de serizier à casse et tiroirs avec ses deux bancs à s'assoir", 15 livres 5 sols... quinze gerbes de lin en bois, 14 livres 5 sols. L'homme engagé comme aide de justice touche deux livres par jour.
- ↑ Source : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 10 B 64.
- ↑ Source : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 10 B 65.
- ↑ Source : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2B 459.
- ↑ Source : Archives d'Ille et Vilaine, 2B 1043. La date des faits n'est pas explicitée.
- ↑ Source : Archives d'Ille et Vilaine, 2 B 1046. Dans les différentes occurrences, le mot billard n'est pas employé dans la source, seulement le mot jeu ou salle de jeu. La victime est Jacquette Fenouil, 37 ans, piqueuse de bonnets, est enlevée, en dépit des cris de son fiancé (invalide), rue de la Parcheminerie.
- ↑ Source : Archives d'Ille et Vilaine, 2 B 1421.
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