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Le réseau VAR a été créé en août 1943 par un Anglais, juif autrichien d'origine, agent du SOE, '''{{w|Peter Deman}}''', avec l'objectif de créer de liaisons régulières entre l'Angleterre et la Bretagne. Après avoir repéré les lieux les plus propices à l'hébergement des aviateurs à rapatrier et à l'embarquement, le réseau mène ses premières opérations dans les Côtes-du-Nord dans les environs de Saint-Brieuc, puis dans le Finistère près de Guimaec. Rennes puis Redon sont les villes de ralliement avant les évacuations, une par mois. Aristide Sicot, 2' ans, instituteur dans les Côtes-du-Nord , joue un rôle important dans la recherche des filières. | Le réseau VAR a été créé en août 1943 par un Anglais, juif autrichien d'origine, agent du SOE, '''{{w|Peter Deman}}''', avec l'objectif de créer de liaisons régulières entre l'Angleterre et la Bretagne. Après avoir repéré les lieux les plus propices à l'hébergement des aviateurs à rapatrier et à l'embarquement, le réseau mène ses premières opérations dans les Côtes-du-Nord dans les environs de Saint-Brieuc, puis dans le Finistère près de Guimaec. Rennes puis Redon sont les villes de ralliement avant les évacuations, une par mois. Aristide Sicot, 2' ans, instituteur dans les Côtes-du-Nord , joue un rôle important dans la recherche des filières. Le réseau est frappé par une série d'arrestations quelques semaines avant le débarquement allié.<ref>[[Louis Lecorvaisier, réseau VAR]]</ref> <ref>[[Aline et Marie-José Jestin]]</ref> <ref> Témoignage du capitaine Louis Lecorvaisier (alias Yves) du réseau VAR 8 déc. 1945. https://francearchives.fr/fr/facomponent/7672205d9be3b7c5aca2124a3400fa627bd18c91 </ref> | ||
[[Fichier:Deman.png|150px|left|thumb|Deman, l'agent SOE recruteur à Rennes des sœurs Jestin]] | [[Fichier:Deman.png|150px|left|thumb|Deman, l'agent SOE recruteur à Rennes des sœurs Jestin]] | ||
'''Témoignage du SOE (Special Operation Executive) en France''' : | '''Témoignage du SOE (Special Operation Executive) en France''' : | ||
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En août 1943, Deman s'était établi à Rennes comme agent d'assurance et entra en contact avec Mme Émilienne Jestin, veuve du magistrat François Jestin, habitant à Rennes, 10, [[ rue de Bertrand]] que Louis Lecorvaisier a connue par l'intermédiare de [[Marie-Anne Rabu]]. Les Jestin ont un bon nombre de relations dans toute la région et vont s'en servir pour recruter parmi elles. | En août 1943, Deman s'était établi à Rennes comme agent d'assurance et entra en contact avec Mme Émilienne Jestin, veuve du magistrat François Jestin, habitant à Rennes, 10, [[ rue de Bertrand]] que Louis Lecorvaisier a connue par l'intermédiare de [[Marie-Anne Rabu]]. Les Jestin ont un bon nombre de relations dans toute la région et vont s'en servir pour recruter parmi elles. | ||
Le 19 août 1943, Deman | Le 19 août 1943, Deman était arrivé en France, déposé par avion Lockheed Hudson 1 km au sud de Soucelles, à 14 km au nord-est d'Angers. Il est muni en guise d’introduction d’une demi-feuille provenant d’une lettre écrite par une Mme Jestin à la sœur d'un officier du SOE, dont elle avait été la nounou. Le contact fut ainsi établi avec « ''Mme Jestin, habitant Rennes, dont les deux filles célibataires, jeunes quadragénaires énergiques, entrèrent dans ses plans avec un grand enthousiasme. Elles organisèrent des maisons sûres, telles que celles d' {{w|André Meynier}}, professeur à la faculté des Lettres de Rennes, de M. Petit, retraité des contributions directes, suggérèrent d’autres contacts, et trouvèrent des guides et courriers fiables, tandis qu’il partait reconnaître les deux plages […] Aline, l’aînée, alias ''Jean'', travaillait à la préfecture et n’avait pas de difficulté pour produire tous les sauf-conduits en blanc dont la zone côtière avait besoin.'' » La Parisienne Ginette Courtois, 17 ans, alias ''Danielle'' <ref>[(Ginette Courtois-Porter]]</ref> fait partie d'un couple fictif tenant une "maison-refuge" pour le réseau, [[avenue Sergent Maginot]]. | ||
[[Fichier:Trajets_r%C3%A9seau_VAR.png|left|450px|thumb|Les trajets de et vers la crique du Mousselet]] | [[Fichier:Trajets_r%C3%A9seau_VAR.png|left|450px|thumb|Les trajets de et vers la crique du Mousselet]] | ||
[[Fichier:Crique_Le_Mousselet.png|350px|right|thumb|La crique du Mousselet]] | [[Fichier:Crique_Le_Mousselet.png|350px|right|thumb|La crique du Mousselet]] | ||
[[Fichier:Plage_du_r%C3%A9seau_VAR.png|right|450px|thumb|Plage sous la pointe de Beg An Fry, en Guimaëc]] | [[Fichier:Plage_du_r%C3%A9seau_VAR.png|right|450px|thumb|Plage sous la pointe de Beg An Fry, en Guimaëc]] | ||
=== Sur la côte nord bretonne, agents infiltrés, agents exfiltrés === | === Sur la côte nord bretonne, agents infiltrés, agents exfiltrés === | ||
Après avoir repéré les lieux les plus propices à l'hébergement des agents et d'aviateurs à rapatrier et à l'embarquement, le réseau mène ses premières opérations dans les Côtes-du-Nord dans les environs de '''Saint-Cast''', où {{w|Cecily Lefort}} mit sa villa à sa disposition (4 opérations maritimes, grève du Mousselet côté est de la baie de la Fresnaye. Ainsi, ''Paul'' revint, le 1er novembre par mer à Saint-Cast d'un séjour en Angleterre. Le 25 novembre eut lieu la première opération importante. Une tentative du réseau Var d'exfiltrer le {{w|général Marcel Allard}} vers l'Angleterre échoua à Noël 1943 : un groupe mixte d'agents et d'évadés | Après avoir repéré les lieux les plus propices à l'hébergement des agents et d'aviateurs à rapatrier et à l'embarquement, le réseau mène ses premières opérations dans les Côtes-du-Nord dans les environs de '''Saint-Cast''', où {{w|Cecily Lefort}} mit sa villa à sa disposition (4 opérations maritimes, grève du Mousselet côté est de la baie de la Fresnaye. Ainsi, ''Paul'' revint, le 1er novembre par mer à Saint-Cast d'un séjour en Angleterre. Le 25 novembre eut lieu la première opération importante. Une tentative du réseau Var d'exfiltrer le {{w|général Marcel Allard}} vers l'Angleterre échoua à Noël 1943 : un groupe mixte d'agents et d'évadés avait été assemblé à la villa de la famille Sicot des Foux-Follets au 33 rue des Nouettes, Saint-Cast-le-Guildo. L'opération SOE ''Jealous III'' devait débarquer et récupérer des agents du SOE mais elle fut abandonnée après que le MGB 502 (Williams), ayant dû opérer une approche en profondeur dans la baie jusqu'à la hauteur de la pointe du Châtelet, eût été repéré depuis la côte et pris pour cible à la lumière de fusées éclairantes.<ref> ''Oscar Buckmaster, un réseau de Résistance en Haute-Bretagne'', pp. 223,224 Daniel Jolys, imp. Reuzé, Martigné-Ferchaud - Nov. 2022 </ref> | ||
Les opérations ultérieures de la ligne Var ( telles ''Easement'', ''Septimus'' et ''Scarf'') furent déplacées plus à l'ouest jusqu'à la plage de Beg-an-Fry | Les opérations ultérieures de la ligne Var (telles ''Easement'', ''Septimus'' et ''Scarf'') furent déplacées plus à l'ouest jusqu'à la plage de Beg-an-Fry, près de Guimaëc, dans le Finistère. Sous la pointe de Beg An Fry Aristide Sicot, alias ''Jeannette'', avait repéré la petite plage de Vilin Izella tout-à-fait adaptée à un débarquement, protégée des regards à l'est par deux éperons rocheux. Sept opérations maritimes y furent menées lors des nuits sans lune.<ref>Témoignage du capitaine Louis Lecorvaisier (alias ''Yves'') du réseau VAR 8 déc. 1945. Une stèle y fut érigée en 1969. | ||
https://francearchives.fr/fr/facomponent/7672205d9be3b7c5aca2124a3400fa627bd18c91 </ref>. Quelques résistants étaient chargés d’accueillir les agents en gare locale, un négociant en vin, Pierre Barazer, assurait leur transport, les sœurs du café Jacob à Guimaëc hébergeaient les agents dans une maison inhabitée située en face de leur établissement, | https://francearchives.fr/fr/facomponent/7672205d9be3b7c5aca2124a3400fa627bd18c91 </ref>. Quelques résistants étaient chargés d’accueillir les agents en gare locale, un négociant en vin, Pierre Barazer, assurait leur transport, les sœurs du café Jacob à Guimaëc hébergeaient les agents dans une maison inhabitée située en face de leur établissement, et voisine d'une maison occupée par les Allemands. Rennes puis Redon sont les villes de ralliement avant les évacuations, une par mois. De janvier à avril 1944 arrivants ou partants sont abrités dans la maison de François Tocquer, beau-père de Louis Mercier qui y vivait avec sa famille de cinq enfants, à 400 mètres d'un poste allemand avec rondes jour et nuit ! Les arrivants sont conduits par Louis Mercier, P1, à la gare de Morlaix. <ref>Rapport de Louis Lecorvaisier, liquidateur du réseau, sur les activités de François Tocquer et Louis Mercier </ref> | ||
=== Un certain ''Morland'' débarqué=== | === Un certain ''Morland'' débarqué=== | ||
L'échec de l'opération ''Jealous III'' signifiait que la plage de débarquement près de Saint-Cast ne pouvait plus être utilisée et les opérations ultérieures de la ligne Var (Easement, Septimus et Scarf) furent déplacées plus à l'ouest. | L'échec de l'opération ''Jealous III'' signifiait que la plage de débarquement près de Saint-Cast ne pouvait plus être utilisée et les opérations ultérieures de la ligne Var (Easement, Septimus et Scarf) furent déplacées plus à l'ouest. C'est lors de l'une des missions assurées par le réseau que François Mitterrand, alias ''Morland'', chef du mouvement de résistance RNPG (Rassemblement national des prisonniers de guerre) fut débarqué dans une crique à ''Beg-An-Fry'' en Guimaêc le 27 février 1944. La BBC informait par les messages apparemment sibyllins : message pour la veuve joyeuse, pour la vache qui rit, du beau-père à la belle-mère... indiquant ensuite les lieux d'intervention. | ||
=== Le réseau "brûlé" à Rennes === | === Le réseau "brûlé" à Rennes === | ||
Le 1er décembre 1943 [[Marie-Thérèse Stoffel]], alias ''Lucie'', est présentée à ''Paul'' par les sœurs Jestin et elle habitera au PC, chez le Dr. Bourdais. | Le 1er décembre 1943 [[Marie-Thérèse Stoffel]], alias ''Lucie'', est présentée à ''Paul'' par les sœurs Jestin et elle habitera au PC, chez le Dr. Bourdais. | ||
Le 11 décembre 1943, Anne-Marie Boudaliez, <ref> Ouest-France 6 juin 2023</ref> résistante redonnaise<ref>https://www.memoresist.org/resistant/anne-marie-boudaliez/ </ref>, reçoit un télégramme de Marcel Jacq, réfugié chez Félix Jouan pour échapper au STO, qui lui demande de se rendre à Rennes le soir même à 22 heures, dans un café [[avenue Sergent Maginot]] ; elle y rencontre " Paul " qui lui déclare que le réseau est " brûlé " à Rennes et qu’il cherche à se replier sur Redon. Elle accepte d' y héberger temporairement un poste-émetteur chez sa mère Elle rencontre aussi " Danielle " la très jeune résistante de 17 ans membre de l’équipe de base du réseau<ref>[[Ginette Courtois-Porter]]</ref> <ref>Repliée à Redon, elle est déportée. Elle est décédée le 20 juin 2019. ''Ouest-France'' 2. 07. 2019 </ref>. À Rennes, à Bédée puis à Redon opère le "pianiste" Raymond Langard, SOE DF radio, alias ''Gilbert'' formé en Angleterre <ref>https://cluny-histoiresdhistoire.com/2020/02/13/raymond-langard-pratsien-radio-du-s-o-e/ </ref>, arrivé le 28 octobre 1943. Mais le 13 janvier 1944 à 20 heures, le minotier Félix Jouan qui cachait à Bédée un pilote britannique envoyé par les Jestin, transportant dans une camionnette une valise avec poste-émetteur récupéré sur la côte et destiné aux Jestin fut arrêté place de la mairie par des Feldgendarme qui avaient repéré que la plaque d’immatriculation arrière était sale. | Le 11 décembre 1943, Anne-Marie Boudaliez, <ref> Ouest-France 6 juin 2023</ref> résistante redonnaise<ref>https://www.memoresist.org/resistant/anne-marie-boudaliez/ </ref>, reçoit un télégramme de Marcel Jacq, réfugié chez Félix Jouan pour échapper au STO, qui lui demande de se rendre à Rennes le soir même à 22 heures, dans un café [[avenue Sergent Maginot]] ; elle y rencontre " Paul " qui lui déclare que le réseau est " brûlé " à Rennes et qu’il cherche à se replier sur Redon. Elle accepte d'y héberger temporairement un poste-émetteur chez sa mère Elle rencontre aussi " Danielle " la très jeune résistante de 17 ans membre de l’équipe de base du réseau<ref>[[Ginette Courtois-Porter]]</ref> <ref>Repliée à Redon, elle est déportée. Elle est décédée le 20 juin 2019. ''Ouest-France'' 2. 07. 2019 </ref>. À Rennes, à Bédée puis à Redon opère le "pianiste" Raymond Langard, SOE DF radio, alias ''Gilbert'' formé en Angleterre <ref>https://cluny-histoiresdhistoire.com/2020/02/13/raymond-langard-pratsien-radio-du-s-o-e/ </ref>, arrivé le 28 octobre 1943. Mais le 13 janvier 1944 à 20 heures, le minotier Félix Jouan qui cachait à Bédée un pilote britannique envoyé par les Jestin, transportant dans une camionnette une valise avec poste-émetteur récupéré sur la côte et destiné aux Jestin fut arrêté place de la mairie par des Feldgendarme qui avaient repéré que la plaque d’immatriculation arrière était sale. | ||
[[Fichier:Extrait_rapport_lecorvaisier.png|left|450px|thumb|Extrait de rapport de Louis Lecorvaisier sur l'activité de VAR]] <ref> [[ Louis Lecorvaisier, réseau VAR]] </ref> | [[Fichier:Extrait_rapport_lecorvaisier.png|left|450px|thumb|Extrait de rapport de Louis Lecorvaisier sur l'activité de VAR]] <ref> [[ Louis Lecorvaisier, réseau VAR]] </ref> | ||
<ref>https://le-souvenir-francais.fr/wp-content/uploads/2019/07/Entretien-avec-Pierre-Morel.pdf </ref>. Un Feldgendarme lève la toile derrière et voit une valise qui était un poste émetteur ; Aristide Sicot avait pu s'esquiver. (Jouan mourut le 21 mai 1945 suite à sa déportation)<ref> Témoignage Lecorvaisier du 8 déc. 1945 par Odette Merlat. https://francearchives.fr/fr/facomponent/7672205d9be3b7c5aca2124a3400fa627bd18c91 </ref>. Il fallut évacuer d'urgence la maison Jestin. « '' Sicot, à l'écart de la voiture, put prévenir Mme Jouan et les sœurs Jestin qui durent partir pour Paris. VAR ne survécut pas longtemps à ce déplacement car à la fin […] le circuit fit boule de neige, les activités s’élargirent, de plus en plus de gens étaient concernés, le réseau cessant d’être sûr, il fallut le refondre entièrement. Au total 27 agents avaient été débarqués et 55 embarqués. Le réseau eut 1 tué et 12 déportés dont 10 morts en captivité. Deux agents travaillant avec Deman, l'opérateur radio Raymond Langard et l'assistant américain Emile Minerault sont morts dans des camps de concentration allemands. <ref>Rapport de liquidation établi par Louis Lecorvaisier </ref> | <ref>https://le-souvenir-francais.fr/wp-content/uploads/2019/07/Entretien-avec-Pierre-Morel.pdf </ref>. Un Feldgendarme lève la toile derrière et voit une valise qui était un poste émetteur ; Aristide Sicot avait pu s'esquiver. (Jouan mourut le 21 mai 1945 suite à sa déportation)<ref> Témoignage Lecorvaisier du 8 déc. 1945 par Odette Merlat. https://francearchives.fr/fr/facomponent/7672205d9be3b7c5aca2124a3400fa627bd18c91 </ref>. Il fallut évacuer d'urgence la maison Jestin. « '' Sicot, à l'écart de la voiture, put prévenir Mme Jouan et les sœurs Jestin qui durent partir pour Paris. VAR ne survécut pas longtemps à ce déplacement car à la fin […] le circuit fit boule de neige, les activités s’élargirent, de plus en plus de gens étaient concernés, le réseau cessant d’être sûr, il fallut le refondre entièrement. Au total 27 agents avaient été débarqués et 55 embarqués. Le réseau eut 1 tué et 12 déportés dont 10 morts en captivité. Deux agents travaillant avec Deman, l'opérateur radio Raymond Langard et l'assistant américain Emile Minerault sont morts dans des camps de concentration allemands. <ref>Rapport de liquidation établi par Louis Lecorvaisier </ref> |
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