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Pierre Colvez. Pour les Chinois, il était le Père Keng Tchengan
L'église de Sou-song
Jusqu'à la révolution Xinhai en 1911, il y avait l'obligation de porter une queue, en signe de loyauté envers l'empereur mandchou Qing.
Faire-part de décès et deuil du Père Pierre Colvez

Pierre Colvez né à Saint-Brice-en-Coqlès le 25 novembre 1857, prêtre en 1883, a été missionnaire à Shanghai.

Enfant de troupe, élevé au quartier d'artillerie de Rennes et au lycée, il avait gardé de son enfance quelque peu "soldatesque", l'entrain, l'allant, la joyeuse humeur, l'ardeur au travail, sans parler de savoureuses histoires qui, en Chine, faisaient le régal des rencontres entre missionnaires.

Surnommé le «broussard» du Fleuve Bleu, sa nécrologie souligne un grand dévouement pour soigner les fièvres et les maladies à travers un pays régulièrement inondé. Mais aussi teinté d'un esprit aventurier passant les torrents, les ponts submergés, réquisitionnant les barques etc...

Vu la difficulté des vents, du courant, des brumes, les communications n’étaient pas fréquentes depuis les sept îles qui obstruent l'embouchure du Fleuve Bleu.

Une enfance et une éducation à Rennes

Une très charitable personne de Rennes, Mlle Frin, l'avait distingué à l'église et orienté vers le séminaire, elle fit en partie les frais de son éducation cléricale. Prêtre, il avait été vicaire, durant quatre ans, à Bréal-sous-Monfort, faisant merveille comme catéchiste et prédicateur de retraites de première communion.

Le départ pour la brousse, l'extrême brousse : il avait 37 ans

La Compagnie de Jésus lui avait été révélée par l'historien Cretineau-Joly, et, en octobre 1882, il était parti pour le noviciat de Slough, près de Windsor. Puis, il avait demandé la Mission de Chine, et c'est en Chine, à Zi-ka-wei, que ses deux ans de noviciat révolus, il avait fait ses premiers voeux (13 novembre 1899). Désormais, pour les Chinois, il était le Père Keng Tchengan, ce qui, parait-il, signifie "ami de la paix", en abrégé, le P. Keng.

Avec sa fougue de caractère, on aurait pu croire qu'il aurait eu hâte d'entrer en lice tout de suite, aussitôt armé d'un peu de chinois. Au grand étonnement de ses amis, et, pour des raisons restées mystérieuses, il demanda et obtient de refaire sa théologie au grand complet. Enfin, en 1894, il parfait pour la brousse, l'extrême brousse, il avait 37 ans.

L'expérience de Sou-song

La section où le P. Colvez était envoyé, sous-préfecture de Sou-song, un des six arrondissements de la préfecture de Ngan-kin était tout à l’extrémité ouest de Ngan-hoei, dans l'angle formé par le fleuve et la frontière du Hou-pé. Elle mesurait approximativement cent kilomètres du nord au sud, et de 50 à 60 de l'est à l'ouest.

Les années s'écoulaient. L'Empire laissait place à la République. Personne ne croyait que la tranquillité de Sou-song en soit beaucoup troublée. C'était le temps où les queues tombaient. Grosse affaire ! Un homme sans queue était comme un homme sans tête, et il arriva que, le mari revenant du marché, la nappe coupée, sa femme en eut un saisissement, avala de l'opium et se pendit. Le P. Keng (Père Pierre Colvez) qui avait subi la queue dix-sept ans durant, s'en débarrassa prestement, et aussi de la mître carée, le tsi-kin, qu'il était d'usage de porter à l'autel. On put avoir des souliers de cuir, des lunettes à verres fumés; arborer le casque colonial, et les chinois étaient les premiers à se mettre à l'européenne.

Kiu-Yong

Le P. Colvez avait 65 ans lorsque, après un stage de vingt-huit ans dans la même chrétienté, il dut l'échanger pour une autre. Il fut envoyé à Kiu-yong, à 50 kilomètres environ au sud-est de Nankin. Humainement, il perdait au change. Sou-song était organisé. Il avait tout sous la main. Ses bœufs battaient sa récolte, ses mulets tournaient la roue de son pressoir à huile de colza, ses fortes chèvres lui assuraient le régime lacté dont il avait besoin, son jardin lui fournissait ses légumes. Église, école, catéchuménat, kong-souo, tout était en bon état. Il s'était montré administrateur avisé. A Kiu-yong, bien des choses manquaient, et ce qui existait était mal commode. Peu de ressources aux environs. Le pays était isolé ; il n'avait pas 10 habitants au kilomètre carré, et, sur 10, 2 seulement étaient indigènes. Mauvaises routes. Les missionnaires les plus voisins étaient à 90 lis de distance. Impossible de trouver du personnel sur place. Mais il n'était pas venu pour gémir. Tout de suite, il parla d'organiser le temporel, de bâtir, de fonder.

Wang-souo

Wang-souo est une des sept îles qui obstruent l'embouchure du Fleuve Bleu, entre la grande île de Tsong-ming et le continent. Terre d'alluvions, continuellement rongées et remuées par le flot. La passe est sans cesse remplie de bateaux du monde entier, gagnant Shanghai ou remontant le Yang-tse. Un chenal d'une trentaine de kilomètres sépare de la terre ferme. Vu la difficulté des vents, du courant, des brumes, les communications n'étaient pas fréquentes, et les chrétiens n'étaient visités que quatre à cinq fois par an. Le P. Colvez devait être le premier curé résidant.

Pays pauvre encore, moins cependant que Sou-song. Les habitants parurent au Père convenablement vêtus et mangeant à leur faim.

Nécrologie : 31 ans de vie religieuse dont 30 passés en Chine.

C'était le matin du 10 août. Le P. Colvez était âgé de 71 ans. Il avait 31 ans de vie religieuse et en avait passé 30 en Chine.

Un service funèbre fut célébré à Wang-souo, par les soins du P. Pascal d'Elia, et il y eut 240 communions. A Kiu-yong, toujours aux mains des révolutionnaires, le désir des chrétiens ne put être mis à exécution.

Quant à Sou-song, il fallut attendre. Le missionnaire espagnol qui avait succédé au P. Colvez, le P. Olmo, était venu en ce temps-là à Shanghai, où il préparait les envois pour l'Exposition des Missions à Barcelone. Mais le 24 décembre, le service fut célébré aussi solennel que possible. Le P.Olmo avait attendu pour avoir l'assistance la plus complète. Toutes les familles converties par le défunt, furent convoquées; il vint du monde de tous les pays, plus de 600 convertis, et il y eut 200 communions. Certains, qui se tenaient éloignés des sacrements, revinrent à la résipiscence. Les chrétiens voulurent bien faire les choses, à leur manière bien entendu; on tira 35 000 pétards et une stèle commémorative fut placée dans l'église.